Départementales : pourquoi la stratégie Sarkozy contre le FN s’est montrée meilleure qu’attendu<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Départementales : pourquoi la stratégie Sarkozy contre le FN s’est montrée meilleure qu’attendu
©Reuters

Surprise

Fort d'une alliance UMP-UDI fructueuse, Nicolas Sarkozy est à l'origine d'un succès inattendu lors du dernier scrutin des élections départementales. Une victoire qui oblige le FN de Marine Le Pen à se positionner sur le FNPS dégainé par le président de l'UMP.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : Nicolas Sarkozy a fait l'objet de nombreuses critiques pendant la campagne - on lui a beaucoup reproché le vide relatif de sa pensée. Or l'UMP en sort vainqueur. Qu'est-ce qui dans sa stratégie a finalement payé ?

Christelle BertrandTout d'abord, Nicolas Sarkozy a refait du terrain, il s'est déplacé, a tenu des meetings, ce qu'il avait refusé de faire pour les partielles du Doubs par exemple. Il excelle dans cet exercice. Sa présence physique, son aura, constitue l'un de ses pouvoirs de conviction. D'autre part, l'ancien président fonctionne énormément à l'intuition, or durant 5 ans à l’Élysée puis au cours des 2 années passées rue de Miromesnil, il n'a pas vu les Français. Il a rencontré des gens, triés sur le volet même s'ils n'étaient pas forcément acquis à sa cause et c'est peut-être ce qui explique qu'il ait perdu un peu de son instinct politique.

Le fait de redescendre dans l'arène, de renouer avec ses électeurs, lui a sans doute permis de reprendre le pouls du pays, de comprendre un peu mieux ce qu'attendent les électeurs. Mais il ne faut pas oublier que le résultat de dimanche n'est pas uniquement le fruit d'une stratégie payante de Nicolas Sarkozy, le sentiment de défiance à l'égard de François Hollande, à droite comme à gauche, a été l'un des moteurs du scrutin. La page du 11 janvier est désormais totalement tournée et Nicolas Sarkozy en bénéficie.

Il est finalement parvenu à rassembler la famille de droite que ce soit dans l'alliance avec l'UDI ou au sein même de l'UMP. Comment s'y est-il pris ?

L'union de la droite est évidement l'un des éléments clé de la victoire de dimanche. L'absence de couacs et de tensions au sein de l'UMP a été déterminante. La stratégie de Nicolas Sarkozy qui a consisté à associer, dès son arrivée à la tête du parti, une partie de ses opposants ou leurs proches à la gestion du pouvoir semble porter ses fruits. On a entendu très peu de voix discordantes durant la campagne. En ce qui concerne l'union avec le centre, Nicolas Sarkozy est à la manœuvre depuis fort longtemps car il a très vite compris, durant l'année 2013, que les voix qui lui ont manqué pour être réélu à l’Élysée étaient bien les voix centristes qui se sont alors reportées sur François Hollande.

Durant les deux ans qu'il a passé rue de Miromesnil il a donc multiplié les appels du pieds vis à vis de l'UDI. Sans l'UDI, dimanche, l'UMP aurait été au coude à coude avec le Front National. Mais si tous les portes-voix sarkozistes ont mis en avant cette union ça n'est pas tant par honnêteté intellectuelle que pour prouver qu'Alain Juppé n'est pas le seul à être centro-compatible. Cette union étant essentielle en vue de 2017. Reste à éviter qu'elle se fracasse sur les consignes de voter à adresser pour le second tour. Ni ni ou Front républicain.

Son FNPS a semé le trouble mais cette stratégie n'a-t-elle pas porté ses fruits ?

Certes, grâce à cet argument qui consiste à dire que la montée du FN fait le jeu du PS et qu'il faut voter UMP pour éliminer François Hollande, Nicolas Sarkozy a sans nul doute remobilisé une partie de son électorat mais c'est à double tranchant car la stratégie de l'UMP face au FN apparaît, du coup, encore plus floue. Car nombreux sont ceux qui ont traduit ce raccourcit par FN=PS, c'est aussi ce que sous entendu la stratégie du ni ni réaffirmée ce matin par Nicolas Sarkozy. D'un coté l'ancien président dit à ses électeurs, entre FN et PS de choisissez pas et d'un autre « toute personne (sous entendu tout candidat) qui fera un accord avec le Front national nous le mettrons dehors ». Ce qui est un peu contradictoire.

Cette position est aussi compliquée à tenir en interne, Alain Juppé a rappelé sur Twitter : « Chacun connaît ma position qui n’a pas varié : pour moi, la priorité est de faire barrage au FN et de poursuivre le travail de pédagogie ». On sent qu'un débat de fond est en train d'émerger à l'UMP entre ceux qui comprenne que l'on peut voter FN et les autres et qu'il risque bien de diviser violemment le parti. Quant à l'UDI, Jean-Christophe Lagarde a lui aussi été très clair en affirmant : « Nous sommes, comme Jacques Chirac en son temps, très très clairs: il reste sur la table un bulletin républicain et nous appelons donc à faire barrage à l'extrême droite en utilisant ce bulletin républicain ». Concilier des positions aussi différentes jusqu'en 2017 va s'avérer compliqué.

Marine Le Pen a été contrainte de se positionner sur le sujet FNPS. Elle a ainsi déclaré devant Jean-Jacques Bourdin sur RMC/BFM TV : "Ce qui est intéressant et qui bat en brèche l'argumentation FNPS de Nicolas Sarkozy, que je trouve ridicule, c'est que là où le FN est fort, le PS disparaît purement et simplement. Voter FN, c'est faire disparaître le PS". En la poussant à se déterminer face au PS, Nicolas Sarkozy ne l'a-t-il pas poussée dans ses retranchements - d'habitude, ce sont les autres partis qui doivent se déterminer face au FN ?

En effet, pour la première fois, elle laisse sous entendre que le PS est le parti à éliminer en priorité. Marine Le Pen se repositionne ainsi dans le bloc de droite auquel elle avait tenté d'échapper en utilisant l'expression UMPS afin de montrer que UMP et PS c'est bonnet blanc et blanc bonnet et que l'un ne vaut pas mieux que l’autre. Elle doit, en effet, éviter de froisser les électeurs de l'UMP qui pourraient être amenés à voter pour ses candidats au second tour. Ce scrutin la fait entrer de plein pied dans la vie politique traditionnelle faite d'alliances et de compromis, ce qu'elle refusait jusqu'alors.

Le FN affrontera la gauche au 2e tour dans 282 duels. Une situation qui met le parti de Marine Le Pen en position de prouver qu'il peut gagner. D'autant plus que la stratégie du "ni, ni" de Sarkozy la prive de l'excuse habituelle : si le FN ne gagne pas, c'est à cause du Front républicain... Sarkozy marque-t-il un point supplémentaire ?

Dimanche, le parti de Marine Le Pen devrait arriver loin derrière l'UMP, c'est la conséquence directe de son incapacité à passer des alliances contrairement à l'UMP qui va bénéficier des voix du centre et au PS sur qui vont se reporter les voix communistes et écologistes. Un état de fait qui sera encore plus visible lors de l'élection des présidents de conseil généraux. Le FN peine encore à trouver des partenaires qui lui permette d'accéder au pouvoir.

Le PS et l'UMP, bien que refusant le Front républicain, vont aussi bénéficier d'une partie des voix du camp d'en face qui préféreront un parti républicain au FN. La tache va donc être compliquée pour le Front. Marine Le Pen saura-t-elle trouver les mots pour mobiliser suffisamment d'électeurs hors de son propre camp et faire élire ses candidats ? On sait, on l'a vu dans le Doubs où une étude estime que la moitié des électeurs UMP sont allés voter Front National au second tour, que la frontière entre les deux partis est désormais totalement perméable. Mais le mépris affiché par la présidente du FN pour l'UMP et donc pour ses électeurs interdit sans doute à nombre d'entre eux de se tourner vers elle.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !