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Démon de midi (et du dîner aussi…) : cette crise de la balance qui plombe des millions d’hommes entre la quarantaine et la cinquantaine
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Surpoids

L'obésité et le surpoids touche particulièrement les hommes entre 45 et 54 ans, pointe une étude réalisée sur près de 300 000 américains et britanniques. Les hommes ont davantage tendance à souffrir physiquement de ces affectations et il existe aussi un lien entre anxiété et surpoids.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Les hommes de 45-54 ans sont-ils aussi particulièrement touchés par le surpoids et l'obésité en France ? Avez-vous un chiffre pour appuyer cette affirmation ? (le plus récent sur le sujet) 

Catherine Grangeard : La prévalence du surpoids et de l’obésité augmente, toutes les études en témoignent. Le très récent Rapport OMS 2018 (http://www.euro.who.int/fr/media-centre/sections/press-releases/2018/europeans-live-longer-and-healthier-lives-but-progress-is-uneven,-new-who-report-says )  montre qu’à la fois la longévité s’accroît en Europe et en même temps l’excès de poids. Mais corrélation n’est pas causalité, rappelons-le.

Un petit rappel pour montrer qu’en 2018, en France, les hommes adultes sont à 41 % en surpoids et à 15,8% en obésité. Respectivement, les femmes, 25,3% et 15,6. Si en obésité, le pourcentage est comparable, chiffre qui correspond tout de même à 7 millions de personnes, en revanche, les hommes sont surreprésentés parmi la moitié des Français en surpoids.

Pourquoi me direz-vous ? Comme je suis psychanalyste, je vais surtout me concentrer sur des causes individuelles, en n’omettant pas de souligner tout de même d’entrée les disparités sociales, puisque moins on est riche, plus on est gros. Ce n’est pas génétique ! c’est parce que l’accès à la nourriture saine coûte plus cher, tout simplement.

Les femmes, globalement, portent une attention plus soutenue à leur corps, à la fois pour des raisons tenant à leur condition féminine, la grossesse en particulier et à la fois pour des raisons culturelles. Vous savez bien que l’apparence des femmes, y compris celle des fillettes, est bien plus regardée, commentée que celle des hommes. Elles vont donc plus rapidement tenter de limiter la prise de poids qui est, dans notre société, déconsidérée.

Les hommes laissent filer les choses bien plus longtemps. Donc à la quarantaine, la situation est déjà bien plus avancée. Bon nombre d’hommes ne s’intéressent à leur corps que s’il est malade. Or, le surpoids n’entraîne pas particulièrement des soucis de santé. Ils viendront plus tard…

Pourquoi les hommes, et particulièrement de cette tranche d'âge sont plus sujets au surpoids que les autres ?

Comme je viens de commencer à aborder ce point, par apport aux femmes, les deux ordres de causalités agissent fortement et par rapport aux autres hommes, plus jeunes ou plus âgés aussi… Ces derniers commencent à avoir des maladies liées à l’excès de poids, vous savez que certaines maladies métaboliques augmentent avec le poids, comme le diabète ou l’apnée du sommeil par exemple. Les maladies cardiovasculaires également… Donc ces maladies mènent les aînés chez leur médecin.

Les hommes deviennent sédentaires avec l’âge, plus jeunes ils font plus de sport que les femmes. Ainsi l’arrêt des activités physiques a un effet sur le gras, plus encore que sur le poids. Et le vrai problème réside là, avoir du poids parce le muscle pèse lourd ne crée pas de soucis de santé. L’inverse, oui.

Les hommes mettent plus de temps à reconnaitre qu’il leur est nécessaire de se prendre en mains parce qu’ils ont tout simplement du mal à assumer le fait d’avoir grossi. Ils banalisent beaucoup plus que les femmes, pour les raisons déjà évoquées. Sans ignorer vraiment, les hommes se sentent moins concernés, plus longtemps.

Les hommes de moins de 40 ans, un peu moins car la société a évolué. L’apparence des hommes devient plus importante, y compris avec l’effet négatif d’une stigmatisation croissante, inconnue jusqu’à peu pour les hommes. La tolérance sociétale étant moindre, le vocable a changé, « l’homme costaud » n’est plus de mise, il sera déclaré gros… Et ça change le regard posé sur soi-même.

L'anxiété entretient un lien avec le surpoids et l'obésité. En quoi l'un influe sur l'autre ? L'influence est-elle réciproque ?

Tout à fait ! C’est un cercle vicieux. Les causes d’anxiété dans notre monde sont multiples, nous les subissons en permanence. Ce qui induit un besoin d’anti-dépresseurs de toutes natures. Vraiment de toutes natures ! Les tensions sont absolument permanentes et se détendre profondément très compliqué, les solutions restant le plus souvent partielles et momentanées. Que ce soit le sexe, les drogues, autorisées ou pas, je pense à l’alcool bien sûr, les cigarettes mais également les médicaments vendus en pharmacie sur ordonnance, le principe est le renouvellement… La nourriture aussi est un excellent anti-dépresseur, tout le monde l’a expérimenté. Ça remplit et apaise. Sauf me direz-vous, et à juste titre, pour les anorexiques. Mais c’est encore une autre problématique. Vous me permettrez tout de même une précision. Un nombre non négligeable d’anorexies sont déclenchées suite à un régime maigrissant d’une personne (surtout une jeune fille) pensant qu’elle doit perdre du poids, et après elle n’arrive plus à s’arrêter.

Donc anxiété menant à compensation alimentaire elle-même nourrissant une anxiété de se voir prendre du poids et aggravant la situation initiale : ce circuit est presque caricatural tant il est commun.

L’anxiété s’auto-alimente, si vous voulez.

Je conseille la plupart du temps de s’intéresser profondément aux causes pour pouvoir résoudre les conséquences. Qu’est ce qui peut être amélioré, voire résolu, pour ensuite cesser, diminuer les prises d’antidépresseurs, de quelques natures excessives soient-elles. Nous parlons au pluriel car bien sûr il n’y a aucune raison que la personne ait recours à une seule source pour tenter d’aller mieux. Nous ne parlons que d’excès également…

Cette dépendance qui s’installe est bien réelle puisque l’effet des produits est tout de même bien réel. Ça va mieux, un temps, plus ou moins long… Finalement, c’est là que réside le problème ! Se passer de ce moment de répit peut expliquer des renoncements répétés. En partant de là, on peut commencer à agir efficacement.

La graisse des hommes se stockent à des endroits précis qui pourraient être nuisibles pour leur santé, davantage que sur celle des femmes. Pouvez-vous nous expliquer en détail ce phénomène ?

En détail, non car vous le savez bien, je suis psychanalyste et pas médecin du corps… Néanmoins, nous savons que le corps des hommes stocke différemment. Certains endroits précis du corps vont entraîner des problèmes au niveau des organes internes. La graisse abdominale - qui concerne la majorité de ces hommes - rend le fonctionnement des organes vitaux internes plus difficile.

C’est la cause principale.

Ensuite, nous l’avons déjà dit et il faut le répéter, les hommes attendant plus longtemps pour se préoccuper de leur excès de poids, celui-ci est plus avancé quand ils consultent et donc les conséquences ont déjà commencé à avoir des effets nocifs.

Les hommes consultent lorsque leur santé est atteinte ; plus en amont, les femmes ont pris des mesures et cela explique certaines différences.

Tout ce que nous avons précédemment abordé apporte des éléments de réponse à cette dernière question. Nous terminerons par rappeler que tout est toujours plurifactoriel, ainsi les solutions le seront tout autant.

Le sujet vous intéresse ?

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