Démocratie libérale contre nationalisme autoritaire : le clivage qui fracture de plus en plus la planète<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
L'ancien vice-président américain Joe Biden serre la main de son homologue chinois Xi Jinping lors d'une visite dans la banlieue de Los Angeles, le 17 février 2012.
L'ancien vice-président américain Joe Biden serre la main de son homologue chinois Xi Jinping lors d'une visite dans la banlieue de Los Angeles, le 17 février 2012.
©FREDERIC J. BROWN / AFP

Clarifications

Le paysage politique se clarifie nettement à travers le monde. Un affrontement entre les valeurs de la démocratie libérale, universaliste et progressiste et les logiques du nationalisme autoritaire et réactionnaire est à l'oeuvre.

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel est inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) honoraire.

Voir la bio »

Tant au niveau international qu’au niveau national français, le paysage politique est en train de nettement se clarifier.

Pour chacun de ces niveaux il s’agit d’un affrontement fondamental entre les valeurs de la démocratie libérale, universaliste et progressiste et les logiques du nationalisme autoritaire et réactionnaire.  L’affrontement apparait de plus en plus clairement.

Il s’agit donc de défendre le camp de l’universalité de l’humain, de sa liberté et de son organisation démocratique face à celui de la contrainte, du repli, de la segmentation et du conflit. Cela ne veut pas dire nier la France ou quelques autres identités, histoires et cultures nationales, cela veut dire les transcender pour piloter le développement de l’humanité à l’échelle planétaire.

Au niveau international on voit chaque jour davantage s’affirmer l’axe des régimes totalitaires, anti-libéraux et anti-démocratiques. L’alliance stratégique de l’Iran théocratique avec la Chine et avec la Russie en est un frappant témoignage. Cet axe affiche sans détour sa volonté d’affronter et de vaincre les pays démocratiques et renforce en permanence son arsenal militaire dans cet objectif.

Ce n’est pas l’affrontement Chine-Etats-Unis dont on nous rebat chaque jour les oreilles, c’est l’affrontement entre système dictatorial et système libéral. L’ennemi ce n’est pas la Chine, l’ennemi c’est le régime mis en place en Chine par le Parti communiste chinois et son système totalitaire et l’axe qu’il construit avec tous les régimes hostiles au système libéral et à l’occident qui le porte. Cet axe se développe à travers le monde, sur tous les continents. Il n’hésite pas à utiliser tous les moyens pour affaiblir le monde libéral, de l’espionnage scientifique, technologique et économique à la cyberguerre et à la conquête spatiale.  Par tous les moyens que lui donne sa puissance économique et financière, il développe son réseau d’alliances, de vassalisations et de corruption dans tous les pays.

À Lire Aussi

Chine, Russie, Turquie : l’axe des régimes autoritaires tient la dragée de plus en plus haute aux démocraties libérales

Bien sûr, cet axe totalitaire n’est pas homogène. Il comporte bien des contradictions internes. Mais il est cimenté par son hostilité absolue à l’occident libéral et à ses valeurs.

Face à ce rouleau compresseur totalitaire qui a un objectif destructeur clairement affiché le monde des démocraties libérales est, comme souvent dans ces circonstances, assez démuni.

L’affaire des sous-marins australiens qui a défrayé la chronique pendant l’été dernier en est une belle illustration. Que l’Australie veuille trouver le meilleur moyen de se défendre face à la pression du régime chinois n’a rien de surprenant. Elle a pris la mesure, au cours des années récentes, du danger stratégique majeur qui la guette. Qu’elle le fasse en s’alliant avec ses partenaires historiques les plus traditionnels, Royaume-Uni et Etats-Unis, n’est pas plus étonnant. Qu’en revanche une telle décision soit prise sans avoir été concertée avec la France qui était en contrat avec elle depuis 2015 et qui est un allié historique des Etats-Unis et du Royaume-Uni laisse pantois.

L’un des outils-clés de la lutte victorieuse contre le totalitarisme soviétique a été l’Organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN, complété d’ailleurs, un temps, par l’Organisation du traité de l’Asie du sud-est OTASE….). L’OTAN doit rester le noyau central de la lutte stratégique contre l’axe des régimes totalitaires et sa volonté destructrice. Il fallait évidemment inscrire la problématique australienne dans ce cadre et organiser l’AUKUS en articulation avec l’OTAN et ses principaux membres au premier rang desquels la France directement concernée à de multiples titres. Cela n’a pas été fait ce qui montre bien la faiblesse conceptuelle des différentes démocraties concernées. Si on veut construire l’indispensable alliance contre l’axe totalitaire, il faut la penser, l’organiser et la mettre en œuvre avec tous les acteurs intéressés. Certes, il est vrai que l’Europe a fait bien peu d’efforts pour peser en ce sens et constituer ce deuxième pilier de l’OTAN dont on parle bien plus qu’on ne le fait. Mais pour atteindre l’objectif de la résistance au totalitarisme, il faut désormais une mobilisation organisée par toutes les démocraties.

À Lire Aussi

Cet axe des totalitarismes que la victoire des talibans à Kaboul est venue renforcer

En matière internationale, le choix est donc clair, même si les modalités de mise en œuvre sont très loin d’être évidentes.

Au niveau national français (et en miroir avec le niveau international), le calendrier électoral de la marche à l’élection présidentielle de 2022 met clairement en lumière le même clivage.

Déjà manifesté en 2017 par l’affrontement entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen au second tour, il est aujourd’hui encore plus aveuglant. Le nationalisme de droite et le nationalisme de gauche se rejoignent dans les discours parallèles d’Eric Zemmour  et Jean-Luc Melenchon qui veulent l’un et l’autre sortir de l’OTAN, détruire l’Union Européenne et s’allier avec la Russie poutinienne contre la démocratie américaine. Certes ils n’ont pas le même regard sur l’immigration mais leur vision nationaliste datée leur fait oublier que ce qui constitue l’originalité de la place de la France dans l’histoire contemporaine du monde ce sont ses valeurs universalistes de liberté, de démocratie, de raison et de progrés qui servent de référence à tous ceux qui, partout dans le monde, essaient de résister à la tyrannie des régimes dictatoriaux.  Cette prééminence du discours nationaliste fait évidemment éclater les vieux partis traditionnels tant gaulliste que socialiste, déchirés en leur sein sur ce débat.

L’objectif fondamental de toute action politique aujourd’hui doit être l’organisation d’une gouvernance démocratique du monde. L’urgence environnementale et sociale le réclame ardemment. On sait parfaitement qu’elle ne se fera pas en un claquement de doigt dans le contexte  d’affrontement global qui bloque le fonctionnement de toutes les institutions internationales. Mais il faut avoir un cap clair : la défense absolue des valeurs du système démocratique et libéral. L’ennemi ce sont tous les pays qui ne reconnaissent pas ces valeurs quelles que soient leurs références idéologiques, communiste, religieuse ou nationaliste.  Pour ce faire, il faut une union forte de toutes les démocraties autour du pôle européen et du pôle américain. Leur alliance doit être complète et leur résistance à l’agression totalitaire absolue. On ne peut pas faire confiance et négocier avec des régimes non-démocratiques. L’histoire nous a montré, il y a peu de décennies encore à quoi cela conduisait.

La France ce n’est pas le repli sur un nationalisme rabougri et anachronique, la France c’est porter ces valeurs universelles que partout réclament les femmes et les hommes opprimés. « Je suis du monde » disaient déjà Montaigne ou Montesquieu après Socrate, à des moments où, pourtant, la violence et l’éparpillement régnaient. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut défendre une vision universelle, libre et démocratique du monde face à tous ceux qui veulent imposer leur totalitarisme.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !