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Démocratie : Comment la confiance retrouvée des Français pour la démocratie peut perdurer jusquà la prochaine élection présidentielle
©Reuters

Foi dans les institutions

Plus d'un Français sur deux trouve que la démocratie va bien, selon un sondage Viavoice pour la F. Jean-Jaurès et la Revue Civique. C'est nettement mieux qu'en 2014 et 2016.

Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico : Selon un sondage Viavoice pour la Fondation Jean-Jaures et la Revue Civique, 54% des Français pensent que la démocratie française "fonctionne mieux" contre 36% en 2016 et 30% en 2014. Au dela la victoire d'Emmanuel Macron à la présidence, la Fondation Jean- Jaurès souligne que 2017 est l'année où les Français se sont prouvés qu'ils pouvaient « transformer la vie politique par leurs bulletins de vote ». Dès lors, quelles sont les conditions permettant que cette tendance favorable puisse persister jusqu'à la prochaine échéance présidentielle ? 

Chloé Morin : En réalité l’observation de l’évolution des données dans le temps qu’il y a seulement une courte majorité qu’elle fonctionne bien (54 %, ce n’est pas transcendant comme résultat), mais que l’on a progressé de manière indéniable en la matière depuis 4 ans.

Il faut à mon sens revenir aux causes d’un tel résultat: d’abord, on compare une donnée recueillie à peine six mois après l’élection présidentielle (54%), avec des données recueillies en avril 2014 et en septembre 2016 (30% et 36% respectivement pour « la démocratie française fonctionne bien »), soit 2 et 4 ans après l’élection précédente. Nous parlons là de moments où l’opposition au pouvoir en place était extrêmement forte et structurée. Donc, d’un certain point de vue, on peut comprendre que les Français qui répondent à cette question soient moins frustrés par le fonctionnement de nos institutions aujourd’hui, ayant eu l’occasion de s’exprimer pas moins de 8 fois au cours de l’année écoulée (en tenant compte des primaires et des législatives). Comme vous le soulignez, c’est la persistance de ce sentiment dans la durée qui nous permettra de dire si quelque chose a vraiment changé avec l’élection d’Emmanuel Macron, ou pas. 

Il est possible de penser que l'extrême faiblesse des oppositions et leur morcellement actuels peuvent, à ce titre, finir par desservir le pouvoir en place si sa politique devenait un jour minoritaire. En effet, si les gens ne trouvent pas dans le paysage existant d’offre politique capable de capter leurs aspirations d’alternance, alors on peut imaginer que leur jugement sur le fonctionnement de notre démocratie se dégradera à nouveau. D’ailleurs, malgré les bons résultats que vous citez, il faut noter que dans la même étude, seulement 39% disent que le large renouvellement des élus à l’Assemblée nationale « leur donne le sentiment d’être mieux représentés ». Donc le lien entre représentation nationale et citoyens est loin d’être totalement réparé, et paradoxalement, la santé du débat démocratique nécessitera sans doute que les oppositions reprennent quelques couleurs, et c’est aussi dans l’intérêt du pouvoir en place. 

Comment expliquer la forte progression de ce sentiment chez les jeunes (61% contre 26% en 2016), chez les catégories populaires (+19 points) majoritairement opposées au Président, mais encore chez les opposants à Emmanuel Macron ? La présidentielle est elle réellement l'appel d'air de ce sentiment démocratique ? 

Là encore, cela peut paraître assez contre-intuitif mais il faut en revenir à l’état d’esprit qui était celui de beaucoup de Français il y a à peine plus d’un an: ils pensaient être condamnés à choisir encore entre « les mêmes », soit les sortants, soit les partis qui ont alternativement exercé le pouvoir depuis des décennies. Le désir de « rupture » était marqué.

Or, non seulement les candidats n’ont pas été ceux que l’on attendait, mais peu de temps avant le premier tour, 4 camp pouvaient espérer accéder au second tour, et 3 pouvaient espérer placer leur candidat à la tête de l’état. Jamais l’élection n’a paru aussi ouverte, et de ce point de vue, il y a sans doute eu beaucoup de frustrés à l’issue du premier puis du second tour, mais cette frustration ne doit pas effacer le fait que, pour beaucoup, porter leurs idées au pouvoir est redevenu de l’ordre du possible. 

Pour les jeunes, il est possible d'avancer l'hypothèse que le rajeunissement réel des élus - il y avait déjà des très jeunes, mais là ils sont plus nombreux - peut apparaître comme un signal d'inclusion générationelle. Cela donne aux jeunes le sentiment d'être des acteurs réels du politique. Et c'est une avancée incontestable.

Il y a aussi la perception de nos institutions par nos concitoyens. L’élection présidentielle au suffrage universel direct, avec l’inversion du calendrier des élections qui place la présidentielle avant les législatives, installe la prédominance du Président de la République. Tout procède de l’élection présidentielle: à elle seule, cette élection a suffit a entraîner le bouleversement complet du parlement. Les Français ne voient pas vraiment nos institutions comme elles sont, à savoir un régime parlementaire rationalisé, mais ont une conception très présidentialisme du pouvoir. L’exercice macronien du pouvoir correspond bien à cette vision qui, non seulement écarte les partis politiques - c’était l’objectif en 1958 pour De Gaule ne l’oublions pas - mais laisse entrevoir une certaine faiblesse du Parlement. Clairement, le contrepied est total avec l’exercice du pouvoir pratiqué entre 2012 et 2017, qui a été vécu comme un abandon de la souveraine puissance de la magistrature suprême. Cela cadre parfaitement avec le besoin d’autorité exprimé à longueur d’enquêtes par les Français, autorité dont la restauration leur semble un préalable indispensable au retour d’une certaine efficacité de l’action publique.

Maintenant, il faut relativiser: oui, cette confiance dans la démocratie telle qu’elle fonctionne a nettement progressé chez les jeunes et les catégories populaires (+19 et +35 points respectivement depuis septembre 2016). Mais s’agissant des catégories populaires, elle sont bien moins enclines à trouver que le système fonctionne que les CSP+ (45% contre 58%). Il reste donc des clivages qui laissent à penser que le travail de réconciliation des français avec la politique est loin d’être achevé.

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre pour le gouvernement pour maintenir un tel climat ? 

D’abord ne pas penser que c’est acquis. Ne pas sombrer dans une forme d’arrogance - pour reprendre la formule de Christophe Castaner - qui consisterait à dire que le « nouveau monde » aurait tout compris, et suffirait à refléter l’ensemble des points de vue « raisonnables » émanant de la société.

Dans l’étude de ViaVoice, il convient de rappeler que deux tiers (66%) des Français expliquent que le renouvellement des élus vient d’abord du rejet des Partis traditionnels. Il faut ici se méfier de la tentation qui voudrait que l’on confonde rejet d’une situation ancienne avec adhésion à une situation présente. C’est d’ailleurs bien sur cela que les prédécesseurs d’Emmanuel Macron ont butté auparavant: ils ont sans doute trop pris le mouvement qui les avait porté au pouvoir pour une adhésion majoritaire et sans réserves, alors que leur victoire était juste une chance qui leur était donnée de construire une confiance et une adhésion réelles. Je note qu’Emmanuel Macron n’est pas tombé dans ce piège, puisqu’il paraît sans cesse, par la mise en scène de son action, chercher à convaincre autant qu’à agir, et à élargir son assise électorale.

En outre, il reste tout de même une petite moitié de Français (43%) qui estime que la Démocratie fonctionne mal ou très mal. Cela reste inquiétant, et rend difficile la construction de consensus politiques là où ils sont nécessaires pour faire avancer le pays. 

Pour moi, la première erreur serait de considérer la parole des minorités parlementaires comme par essence défaillante. Christophe Castaner a semblé reconnaître une forme d’arrogance dans les premiers temps au Parlement. Il y a, pour la majorité, un défi: comme intégrer la parole d’opposition dans le débat, quelle place donner à la contestation - même à l’intérieur de la majorité - sans pour autant donner le sentiment de la division et de l’inefficacité ? Pour l'instant, cette question n'est pas réglée, loin s'en faut. On a le sentiment parfois que pour certains, critiquer telle ou telle décision, orientation, c'est s'en prendre aux hommes. Il y a ici un écueil réel en termes de raffermissement de la notre démocratie. Est-ce que l'on défend des idées ou bien défend-on l'homme qui les porte ? Autrement dit, défend-on la démocratie, ou bien une forme de césarisme? La frontière est parfois ténue de ce point de vue dans les expressions actuelles. Cela peut être perçu par certains comme un réel danger, à la gauche du spectre politique, notamment. 

Et ces actes devront être conformes aux paroles, telles qu’elles sont comprises. L’exemple doit venir du haut, et quand le Président François de Rugy dit qu’il doit montrer que la classe politique est capable de SE réformer avant de prétendre réformer le pays, je pense qu’il a tout à fait raison…

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