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Démission de Pascal Pavageau à FO : pourquoi le scandale est devenu une arme politique aussi efficace
©BERTRAND GUAY / AFP

Scandale

Suite aux révélations du Canard enchaîné d'un fichier interne compromettant, Pascal Pavageau, secrétaire général du syndicat France Ouvrière, s'est vu contraint de démissionner mercredi 17 octobre. S'il est fréquent ces derniers temps que les hommes politiques fassent l'objet de scandales, l'épidémie semble toucher également les syndicats.

Pascal Cauchy

Pascal Cauchy

Pascal Cauchy est professeur d'histoire à Sciences Po, chercheur au CHSP et conseiller éditorial auprès de plusieurs maisons d'édition françaises.

Il est l'auteur de L'élection d'un notable (Vendemiaire, avril 2011).

 

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Atlantico : Le scandale comme arme politique n'est pas chose nouvelle. Mais n'observe-t-on pas un effet pervers aujourd'hui dans la mesure où le scandale prévaut sur le discours politique ? Cette arme a-t-elle gagné en efficacité ? 

Pascal Cauchy : En réalité, les mécanismes sont toujours les mêmes. Révélation puis amplification par voix de presse ( autrefois les journaux, aujourd'hui le web); rebond politique, mauvaise gestion par l’empêtré de l'information, rumeurs qui s'ajoutent et enfin désaveux par l'opinion. La reprise politique d'une "affaire" est toujours caricaturale ou outrancière, c'est la nature même du scandale qui se fabrique sur le fait - souvent délictueux. C'est dans la dernière phase que se joue le combat entre le traitement politique du scandale et l'émotion qui entretien la durée du phénomène. Quand le gendre d'un président de la République est pris à trafiquer l'attribution de la légion d'honneur, le chef de l'état démissionne. Aujourd'hui la question des entourages indélicats est banale, elle ne suppose plus une rupture éclatante. De plus, la puissance de feu du scandale est proportionnelle au crédit que l'opinion a de la personne touchée.  Plus le crédit est fort, plus la compromission est inacceptable, plus la personne est vulnérable  (sauf pour quelques personnalités hors norme). Mais l'importance du scandale et son pouvoir de nuisance ne sont pas réglés sur la gravité pénal dans l'opinion. Ce n'est pas la même hiérarchie. Dans le cas du fichier FO l'affaire touche au crédit moral de l'institution, alors que les scandales financiers des syndicats, pourtant bien plus graves sur le plan pénal, n'ont jamais entamé le crédit politique de leurs dirigeants. 

Auparavant, même si quelqu'un était empêtré dans un scandale, on prenait la peine de regarder ce qu'il incarnait politiquement. Comment expliquer que ce ne soit plus le cas aujourd'hui ? Le manque d'incarnation d'idéologie politique peut-il en être une cause ?

Cela reflète une tendance de fond, celle de la crise de la représentation que notait déjà il y a vingt ans l'historien René Rémond. L'abstention, le manque de considération pour l'élu, sont des symptômes de cette crise. La scène c'est la vie politique transformée en spectacle permanent par les chaines de télévision qui contribuent à vider de son contenu la chose politique même au profit d'un théâtre de Guignol ( "les Guignols de l'info"), et des"psy" commentant le débat public ramenant la politique à l'émotion et aux individus. 

Le scandale dans ce spectacle permanent, c'est le mari qui rentre dans une pièce de Labiche, il permet de faire rebondir l'action. 

Votre remarque sur l'incarnation est importante. Mais le déficit n'est pas d'ordre idéologique, il est dans la texture même du pouvoir en France désormais volatil (élections peu légitimantes, dictature de l'émotion, réduction de l'action publique à de la communication en quelques lettres). Il faut s’interroger sur la désaffection de nos concitoyens et cette demande qu'elle exprime à savoir une "autorité" ( et non un "pouvoir") au dessus des contingences.

Sans en être le moteur, la pluralité des médias, le flux d'informations continu et les réseaux sociaux accentuent-ils  le phénomène selon-vous ? 

Oui, ne serait ce que l'immense perte de temps que cela représente (fabrication de millions de contenus pauvres et leurs consultations démultipliées par les réponses indigentes qu'elle engendre). A t on jamais mesurée le temps passé à cette vanité communicante ? La pauvreté de l'information accentue le discrédit et consacre l'échec de l'utopie de la "démocratie participative". La démocratie du dire n'est pas la démocratie du faire qui appartient aux communautés souvent locales, conscientes de leur environnement et de l'épaisseur du temps, et donc, capables de définir leur intérêt commun. Facebook (qui, aussi, met en fiches ses utilisateurs) ne définit que l'intérêt d'un milliardaire américain.

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