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Demi-choix sanitaires : le Président pris au piège de son propre en même temps
Demi-choix sanitaires : le Président pris au piège de son propre en même temps
©Ludovic MARIN / AFP

Mesures pour lutter contre la 3ème vague

Emmanuel Macron a annoncé, mercredi soir, de nouvelles restrictions (notamment la fermeture des écoles) pour les semaines à venir face à la troisième vague de l'épidémie de Covid-19. Malgré les efforts pour accélérer la campagne de vaccination, Emmanuel Macron n'a proposé que des demi-mesures. Le chef de l'Etat semble pris au piège de ses stratégies précédentes.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Malgré un volontarisme affiché, notamment sur la vaccination, Emmanuel Macron n'annonce que des demi-mesures. Est-il pris au piège de l'État et de ses stratégies précédentes revendiquées face à l'opinion publique ?

Arnaud Benedetti : Il avance en crabe face à la marée montante. Il essaye de trouver son chemin entre la nécessité économique et la nécessité sanitaire. Il mène un combat contre le virus et la récession, mais également contre la défiance de l’opinion. Trois fronts à la fois c’est beaucoup mais sur le premier l’anticipation et les moyens manquent, sur le second l’impossibilité de maîtriser le virus à ce stade alourdit les conséquences économiques et sociales de la crise et sur le troisième enfin l’acceptabilité de ses propres erreurs minent la confiance. Pour illustrer la stratégie qu’il entend déployer, Emmanuel Macron a utilisé la métaphore de la tenaille, freiner la circulation de l’épidémie et accélérer la vaccination. Ce qui se dégage après son allocution, n’est-ce pas surtout l’image d’un pouvoir pris en étau entre la pression de la pandémie et les doutes de l’opinion ? Tout se passe comme si le Président à ce stade s’était enfermé dans une cuvette, un "Diên  Biên phú" sanitaire... Jusqu’à présent les déficiences logistiques, organisationnelles pouvaient être éventuellement portées au débit de décennies d’impérities étatiques et de dysfonctionnements de l’Etat profond. Cette fois-ci , la décision du 29 Janvier est la sienne, elle relève de sa responsabilité exclusive et elle a été promue comme telle. L’audace n’est acceptée par l’opinion que lorsqu’elle réussit ; à défaut, elle est perçue comme de l’inconscience ou de la négligence. 

L’un des premiers mots de l’allocution du président est humilité, pourtant Emmanuel Macron a assumé l’entièreté de ces décisions et reconnu uniquement brièvement à la fin de cette dernière des « erreurs » dont les leçons ont été tirées. Le chef de l’Etat fait-il preuve de trop d’autosatisfaction ?

L’humilité est toujours un murmure du bout des lèvres chez Emmanuel Macron. Elle vient souvent suite  une séquence où son expression a pu apparaître comme frisant avec la morgue ou l’arrogance. Ce n’est que dans ces moments de tensions que le Président consent à un léger retrait dans ce sentiment d’assurance qu’il dégage et dont il ne parvient pas manifestement à se départir. Nous avons eu la déclaration suite au sommet européen qui a été l’objet de nombreuses critiques pour sa réfutation de toute forme de "mea culpa". Sur le fond dans son adresse aux Français de ce mercredi, le Président n’a rien cédé sur le fond, tout juste a t’il esquissé un petit pas de deux afin d’éviter de greffer à  l’annonce de décisions contraignantes une tonalité allergisante. C’est bien le moins qu’il puisse faire en matière de psychologie communicante. Emmanuel Macron veut tenir sa position initiale ; mais ce "quoiqu’il en coûte" communicant, grève son crédit confiance. Il fait le pari que lorsque nous sortirons de l’épidémie, l’opinion ne retiendra que l’ "effet libération" et que le soulagement d’une vie retrouvée dissipera les défiances... et le créditera de ce retour à la normale. En d’autres termes il mise sur l’amnésie des peuples que la société de l’immédiateté dans laquelle nous baignons ne fait qu’accentuer...

Emmanuel Macron excluait un reconfinement généralisé il y a quelques semaines, et considère que "nous avons tenu" face à la nouvelle épidémie qu'il décrit avec les variants. Veut-il montrer qu'il a été pris de cours ? Est-ce un aveu d'échec ou d'impuissance ?

Les mesures annoncées, nonobstant l’effort pour le dissiper, opèrent comme l’aveu d’un recul, d’un exécutif qui se replie vers le parti du durcissement des contraintes  sans le dire, mais de facto en le pratiquant. Le Président, comme le Premier ministre, rappellent sans discontinué les exemples étrangers, notamment l’exemple Allemand en insistant sur les difficultés de ces derniers et en évoquant notamment le confinement outre-Rhin. Or, ils ne tiennent pas compte du fait que les Allemands ont moins confiné durement que nous autres Français... et que leurs chiffres, malgré les problèmes qu’ils rencontrent, restent à tous les niveaux meilleurs que les nôtres. Le Président a fait un choix en janvier : ne pas reconfiner ; ce choix qui peut s’expliquer eût été pertinent si nos capacités logistiques et organisationnelles avaient été , si ce n’est optimales, à tout le moins supérieures à celles dont nous disposons. Malheureusement nous avons voulu la semi-liberté sans les moyens de l’assumer : nous le payons cash aujourd’hui. Pourquoi ce choix alors ? Pour l’économie sûrement mais également parce qu’un facteur psychologique y a présidé. Ce choix, ne l’oublions jamais, s’est effectué en pleine controverse relative à la pénurie de vaccins. Confiner sans vaccins c’était s’exposer à nouveau à la critique d’infliger une double peine aux Françaises et aux Français : l’enfermement et la pénurie . Symboliquement c’en était trop pour l’opinion - tout au moins c’est cette lecture qui a prévalu pour une grande part dans le  contrepied opéré par Emmanuel Macron à l’encontre du conseil scientifique, lequel préconisait un reconfinement mais assorti d’une accélération de la vaccination. Le paradoxe c’est qu’en mars dernier ce fut le manque de lits qui suscita le confinement et qu’en janvier ce fut peut-être le manque de vaccins qui orienta , par crainte de l’opinion, l’option du non-reconfinement. Le mobile n’était certainement pas lié aux doutes présidentiels quant à la viabilité des modèles épidémiologiques mais plutôt à une anticipation d’un phénomène très politique...

A lire aussi : Covid-19 : 10 mesures concrètes (et n’ayant rien à voir avec des restrictions supplémentaires de liberté) qui pourraient nous permettre de lutter efficacement contre l’épidémie

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