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Deep Mind : l'outil d'analyse des data santé de Google est-il en passe de mettre à bas toutes les lois sur la protection des données personnelles ?
©AFP

Google

Alphabet-Google n'est pas le seul géant à vouloir devenir le leader de la santé numérique : Apple, Facebook, et le chinois Baidu y prétendent également.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Alphabet promet de vaincre le cancer et d'incarner le futur de la médecine grâce à la Big Data et l'intelligence artificielle. Mais pour y arriver, la firme de Google a besoin d'avoir accès aux données personnelles de millions de patients pour développer son programme. Quels sont les risques de confier les données de santé à une telle firme en matière de protection des données personnelles et de vie privée ?

Laurent Alexandre : Cessons de raisonner en risques. Les seniors aux postes de commande sont dépassés. Nous sommes en décalage avec un monde qui s’est brusquement accéléré. Le futur dans lequel vont évoluer les nouvelles générations est différent du passé qui nous a formaté. Faute de culture technologique "up to date", nous sommes incapables de prendre les décisions qui pourraient nous permettre de construire la médecine de 2030. Nous sommes malheureusement incapables de comprendre le futur, d’adapter les institutions au monde qui vient. Nos organisations sont pilotées par une gérontocratie certes brillante mais dépassée. Arrêtons de ne penser que "privacy" et soyons industriellement offensifs pour participer à cette bataille industrielle. La Californie a les GAFA, nous avons la CNIL. Essayons d’avoir, nous aussi, des acteurs industriels au lieu de nous plaindre comme des gamins frustrés.

En prévoyant de révolutionner à ce point le domaine de la santé, c'est la médecine en elle-même qui se trouvera transformée et les hôpitaux promis à devenir des data center géants.Techniquement, il n'y a qu'Alphabet qui est en mesure d'appliquer un tel programme. Cette potentielle position hégémonique ne soulève-t-elle pas des questions, aussi bien sur la puissance de la firme que sur le poids politique qu'implique le fait de contrôler la santé des habitants d'un pays ? 

Non. Il n’y a pas qu’Alphabet-Google. Le chinois Baidu, Facebook, Apple ont vocation à devenir des géants de la santé numérique. Cela soulève beaucoup de questions. D’abord, pourquoi l’Europe a été aussi nulle dans la défense de sa souveraineté économique ? Nous avons raté la révolution du web, puis celle du smartphone, puis aujourd’hui celle de l’intelligence artificielle. Et après, nous ne savons faire qu’une chose : geindre. Cela ne se limite pas à la santé.

En matière d’espace, Ariane est en danger de mort. A côté de la guerre éclaire de SpaceX-Tesla et de Blue Origin-Amazon, l’Europe de l’espace ressemble de plus en plus au Gosplan soviétique. Ce que l’Europe n’a pas réussi, des start-ups le réalisent en quelques mois ! L’Europe ne peut pas perdre les batailles industrielles les unes après les autres. En matière de santé, il est encore temps de nous battre. Malheureusement, nos élites politiques vivent en 1985. Pour exister à l’ère de l’intelligence artificielle de la santé, il faut une politique européenne offensive et coordonnée. Au lieu de cela, l’Europe se balkanise, se meurt, se déchire, se détruit et se démoralise depuis le Brexit.

Comment l'Etat français (ou l'Europe) pourrait intervenir pour conserver un certain contrôle sur les données des patients et assurer la sécurité de ces derniers ? Est-ce encore seulement possible de prendre l'initiative face à une entreprise d'une telle puissance ?

Aucune solution protectionniste ne fonctionnera. Personne n’acceptera de devoir passer par son cancérologie lillois ou strasbourgeois ou marseillais avec 72 % de chance de survie pour son enfant leucémique quand l’intelligence artificielle de Baidu, Google ou Facebook apportera 95 % de chances. Il faut donc nous battre. Développer des bases de données de qualité. Investir dans l’intelligence artificielle : le plan annoncé par François Hollande est un premier pas. Mais un premier pas dérisoire vu les enjeux. Il faut investir 100 fois plus si nous ne voulons pas sortir de l’Histoire.

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