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La guerre des deux n'a pas eu lieu
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Débat Aubry/Hollande

L'écrivain Dominique Jamet revient sur le débat télévisé entre Martine Aubry et François Hollande. Selon lui, "les flèches du maire de Lille n’ont pas transpercé l’édredon corrézien".

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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C’est peu dire qu’on les attendait au tournant. On les y guettait à la faute, au dérapage incontrôlé, à l’algarade féroce, à la petite phrase meurtrière, au coup bas qui ne pardonne et ne se pardonne pas. Eh bien, il faut le dire, les curieux, les malveillants, les aficionados de la corrida avec mise à mort, les amateurs de catch dans la boue en auront été pour leurs frais. En guise de duel au dernier sang, Martine Aubry et François Hollande nous ont offert une exhibition de bonne compagnie, à fleurets mouchetés, à griffes rentrées, à mots couverts.

Certes, on aura noté que malgré la perche tendue avec insistance par David Pujadas, les duellistes (ou les duettistes, comme on voudra) n’ont pas réussi, et n’ont même pas essayé de nous faire croire qu’entre eux deux il y avait la place de glisser le mot « amitié ».

Certes, on aura compris que si Martine Aubry entre à l’Elysée, François Hollande ne prendra pas ses quartiers à Matignon et que si François Hollande devient président de la République, son Premier ministre ne se prénommera pas Martine.

Certes, le dernier des illettrés n’a eu aucun mal à lire entre les lignes, tellement c’était écrit gros, que Martine Aubry tient toujours François Hollande pour un mollasson, une girouette, un hypocrite, un incompétent et un impuissant paradoxalement tout à fait capable d’empapaouter (sic) son prochain ou sa prochaine.

Certes, il n’a échappé à personne que l’envie démangeait Battling Aubry d’envoyer son adversaire au tapis d’une droite un peu appuyée ou d’un uppercut de gauche dure.

Un débat de bonne tenue, intéressant et agréable à suivre

Pourtant, le débat est resté de bonne compagnie et de bonne tenue, clair, lisible, intéressant, et agréable à suivre. Il a assurément contribué, comme dans son ensemble cette première expérience de primaires à la française que la droite aurait mieux fait d’essayer que de dénigrer, à réconcilier les Français avec la politique. La guerre des deux rosses n’a pas eu lieu.

C’est que Martine Aubry sait aussi bien que François Hollande que, pour gagner, le candidat socialiste, quel qu’il soit, devra rassembler, et d’abord donner l’image d’un parti rassemblé autour de lui. Si Martine Aubry sort gagnante de la primaire, elle aura besoin de François Hollande et de sa popularité. Si François Hollande l’emporte, il aura besoin de Martine Aubry et de l’appareil du parti.

C’est ensuite que la pugnacité de Martine Aubry, ses attaques plus ou moins directes, ses piques plus ou moins fines, ses malices plus ou moins grosses se sont enlisées face à la placidité souriante, à l’assurance tranquille, à la force bonhomme de son rival heureux. Les flèches du maire de Lille n’ont pas transpercé l’édredon corrézien.

C’est enfin et surtout que, distancée au premier tour, constatant que son adversaire risquait de creuser un peu plus l’écart grâce aux désistements logiques de Manuel Valls et de Jean-Michel Baylet, déconcertée par le rapprochement inattendu entre Ségolène Royal et celui, jadis son compagnon, qui redevient son camarade, ne disposant d’aucun élément qui lui donnerait à penser que Montebourg et son électorat s’apprêtent à rallier son panache rose fané, Martine Aubry, en dépit de son enthousiasme réaffirmé, moral en berne et œil au beurre noir, pourrait bien avoir déjà intégré l’idée d’une défaite annoncée.

Plutôt que de s’affronter, les deux candidats ont donc le plus souvent patiné en solo, et brillé dans ces deux exercices, figures imposées par les circonstances, qui consistaient, le premier, bien connu des lycéens qui copient intelligemment, à employer des mots et des tournures différents pour dire la même chose, le deuxième, familier aux professionnels de la langue de bois, à afficher son accord pour mieux masquer ses divergences.

Vint l’inévitable, et « immodeste » moment de l’autopromotion. La dame des trente-cinq heures, qui ne s’en vante plus guère, sortit son impressionnant carnet d’adresses, vanta son expérience, revendiqua son (mauvais) caractère et fit entendre des vocalises étudiées sur le thème connu « Je n’ai pas changé ».

François Hollande rappela qu’il avait gagné, lui, toutes les élections auxquelles il s’était présenté, fit valoir, mine de rien, qu’il n’avait pas attendu le retrait pour raison de force majeure, d’un candidat réputé invincible pour déclarer sa propre candidature, et nous apprit que, sous le nom de Lionel Jospin, chef du gouvernement où figurait Martine Aubry, il avait codirigé la France de 1997 à 2002. Bref, si certains se réclament d’une gauche « dure », et même sectaire, d’autres pourraient bien être de faux mous. Et toc !

La soirée touchait à sa fin et, chose extraordinaire, à l’heure prévue. Chacun des deux ténors fut donc invité à conclure sur le grand air classique : « Qui est le plus capable ? », « Qui est le mieux à même ? », « Qui est le plus rassembleur ? » C’est moi », brama Martine Aubry. « C’est moi », clama François Hollande. Je ne sais pourquoi me revint en mémoire le vieux gimmick d’une vieille émission de télévision : « Qui c’est le plus balèse ?/C’est tonton Mayonnaise/ Qui c’est le plus costaud ?/C’est tonton Collaro »

Mais Martine Aubry avait gardé dans sa manche l’argument ultime, l’arme absolue, l’atout majeur, qu’elle abattit soudain. « Je suis une femme ». Et ça, si habile qu’il soit, François Hollande admit qu’il ne pouvait le contester.

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