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Débat François/ Netanyahou : araméen ou hébreu, quelle langue Jésus pouvait-il bien parler ?
©Reuters

Kezaco

Le pape François a quitté lundi soir le Proche-Orient, au terme d’un pèlerinage chargé de trois jours en Jordanie, dans les Territoires palestiniens et Israël. Il y a notamment rencontré le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Probablement, mes deux compatriotes, Binyamin Netanyahou et Jorge Bergoglio, ci-devant le Pape François, avaient raison. En effet, je suis né en Argentine et ai longtemps vécu en Israël... 

A l'époque héllenistique, l'Hébreu (H.) était encore parlé en Israël, si bien que la Michna, un recueil de commentaires oraux sur la Tora, la loi écrite, est rédigée en hébreu alors que Rabbi Iehuda Hanassi l'a été éditée en 219 après J.C. Il en ressort que le Christ et ses disciples parlaient très certainement hébreu. Mais si la plupart des textes traditionnels juifs sont rédigés en Hébreu - il en va ainsi de la Bible et de ses commentaires ainsi que de sa prolongation orale, la Michna, mais aussi de nombre de prières, midrashim, piyyutim (compositions poétiques à sujet religieux), œuvres poétiques et philosophiques médiévales et de la création faite en hébreu contemporain - il est une autre langue qui imprègne cette culture depuis ses origines, d’abord timidement, puis de façon de plus en plus présente : l’Araméen (A.). Or loin de se cantonner aux textes juifs où elle occupe une place de choix (qu’on pense au Qaddi∫, à Kol Nidrei et au Zohar) c’est une langue dont l’étendue tant dans le temps que dans l’espace en fait un cas particulier parmi toutes les langues sémitiques, H. compris. D’ailleurs, très peu nombreuses sont les langues actuelles, sémitiques ou non, parlées et documentées depuis trois mille ans consécutifs.

En effet, les plus anciens documents A. datent du XIIe siècle avant l’ère commune (AEC). C’est de cette époque aussi que datent les deux mots A. consignés dans la Tora. S’il est vrai que les plus vieux documents hébreux - les gloses cananéennes de Tell El-Amarna (Egypte), considérées comme du Proto-Hébreu – datent du XIVe s. AEC, A. n’a jamais cessé d’être parlé, alors que H. connaît une période de 18 siècles (du IIe au XXe) où il ne sert pas à la communication orale et n’est langue maternelle de personne. S’il n’était pas mort, puisqu’il servait à la communication dans des contextes culturellement bien délimités, il était en sommeil profond. Cette différence entre A. et H. a des conséquences dont on parlera in fine.  La plupart des documents A., quel qu’en soit le support (stèles, papyri, tablettes d’argile) proviennet de Mésopotamie (‘Entre les fleuves [Tigre et Euphrate]’, soit l’Irak actuel), ainsi que de la Méditerranée Orientale jusqu’à et y compris l’Egypte. Mais certains viennent du Caucase, Turquie, Iran, Afghanistan, Pakistan, Inde et Chine, et de l’aire que ces pays délimitent. A. a été la langue officielle des empires qui se sont succédés en Mésopotamie ancienne : Assyrie, Babylonie et Perse. Il a été la langue véhiculaire de ce qui est aujourd’hui le Proche et Moyen Orient, au point qu’à l’époque hellénistique (premiers siècles avant et après le début de l’ère commune), sous la forte pression exercée par A. - que l’on pense au latin dans l’empire romain - nos ancêtres ont peu à peu délaissé H. en sa faveur, d’où la foison de traductions de la Bible en cette langue (Onqelos pour la Tora, Jonathan pour les Prophètes n’en sont que les plus connues) : c’est à ce propos qu’on disait ‘håd miqrå’ we-‘håd  targum. A. telle enseigne que si la Michna (consignée par Rabbi Yehuda Hanassi en 219).l‘est encore en H., sa suite, les deux Talmudim, de Babylone et de Jérusalem, sont en A. quoique pas dans le même dialecte. Après la destruction du Second Temple et’exile qui s’en est suivi, la plupart de nos ancêtres ont délaissé peu à peu l’A. comme langue de communication pour les langues de leurs pays de résidence, mais ont continué à l’utiliser, avec l’H. pour la création littéraire, surtout religieuse.

A la question relative aux motifs qui poussent le Pape et Netanyahou à soutenir des positions opposées au sujet de la langue du Christ : bien que très attaché au peuple Juif, ce dont il faut lui savoir gré, le Pape ne désire probablement pas que le lien de J.C. aux Juifs soit trop évident, ainsi il ne mentionne pas que Jésus, comme tous les Juifs de l’époque, parlait hébreu d’abord, araméen ensuite,, et comme les gens lettrés, connaissait probablement le grec aussi. En effet, si le latin n’a pas conquis le Moyen orient, le grec était connu des lettrés, si bien que Philon d’Alexandrie, bien que Juif, écrit en grec.  Netanyahou en revanche tient à souligner le lien indissoluble entre les Juifs et l’Hébreu, pour des motifs de fierté nationale. Il gomme donc le fait que tout le monde à l’époque, y compris les Juifs, parlait araméen aussi. D’ailleurs, l’un des apôtres s’appelle Thomas, de l’araméen t’oma, version araméenne, à article défini suffixé,  de l’hébreu t’om, ‘jumeau’.

Pour ce qui est de l’écriture, tous les Juifs ou presque savaient et savent depuis toujours, pour ainsi dire, lire et écrire. Cela ne dénote pas un niveau d’instruction plus élevé.  Si en France l’école fut inventé par Charlemagne, les juifs fréquentent le héder ou ‘salle d’étude pour enfants’ puis le ‘beit hamidrash’ (idem pour les adultes) depuis l’avènement du peuple juif, pour ainsi dire, afin de pouvoir étudier la Tora, la Loi écrite, et ses prolongations dans la Loi orale. Si on se souvient qu’Abraham vécut au XIX siècle avant J.C., cela remonte à pas mlal de temps… Même si cette vision est un peu idéaalisé, il n’en reste pas moins que lecture et écriture sont des fondamentaux chez le peuple du livre, si bien que même en diaspora des journaux en iddish et judéo-espagnol paraissaient régulièrement. Isaac Bashevis Singer, écrivain iddish, gagna le prix Nobel de littérature en 1978, de même qu’Agnon, écrivain hébreu, en 1965. Elias Canetti quant à lui, qui écrivait en allemand, avait pour langue maternelle le judéo-espagnol… 

NOTICE : 

Voici les différents stades diachroniques de l’A., sur des critères linguistiques (grammaire et vocabulaire) 

A. Ancien (AA), 1200-700 AEC

A. d’Empire (AE) , 700-300 AEC

A. Moyen (AM), 300 AEC-200 EC

A. Tardif (AT), 200-1600

Néo-A. (NA), à partir de 1600

1.1 AA. est documenté par des inscriptions en provenance de l’aire citée plus hait mais aussi de textes plus tardifs qui conservent des propriétés grammaticales anciennes comme ceux en dialectes Nabatéen et Palmyréen. Deux mots AA figurent dans la Tora (yegar sahaduta, Genèse 31 :47). AA est une langue de facture sémitique classique : le nom peut être aux état dit absolu, détfini (dit emphatique) ou encore construit, cf. bayit, beyta, beyt- ‘maison, la maison, maison de’ ; le verbe à une conjugaison à préfixes, dite inaccompli, et une à suffixes, dite accompli, il existe des phrases nominales, dont le prédicat est un nom sans besoin de copule ni de verbe conjugué (malka rab ‘le roi - grand’, cf. fr. ‘Tel père - tel fils’) et la possession est de l’existence rattachée (li ktab 'à moi - une lettre' = J’ai une lettre).

1.2 Or la plupart de l’A. biblique fait partie d’AE: : Esdras 4, 8 - 6, 18 ; 7, 12-26 (IVe s. ou peut-être plus tôt) ; Daniel 2, 4-7, 28 (le livre de Daniel est achevé en 164 AEC) et Jérémie 10, 11. C’est l’état de langue de ces textes que la Michna appelle ‘aramit’ (Yadayim iv: 5), alors que l’A.contemporain de la Michna elle-même, soit AM, y est appelé sursi (syriaque), dont R. Shmuel Ben Nahman dit qu’il faut le tenir en haute estime car il est présent dans la Bible, montrant au passage que pour lui il s’agit bel et bien d’A. Et c’est sur l’A., quoique non en A., que parle le livre des Rois (II, 8, 26) montrant qu’à l’époque du premier Temple A. était inconnu du peuple de Judée : ‘?elyåqim, fils de hilqiyyå, ∫ebnå et yo?å∫ dirent à rab∫åqé: Parle à tes serviteurs en araméen, car nous le comprenons; et ne nous parle pas en langue judéenne, aux oreilles du peuple qui est sur la muraille’. Une distinction entre A. oriental (AOr) et occidental (AOc) se fait jour à cette période-là mais elle existe depuis bien avant et va s’intensifiant jusqu’à nos jours (voir plus bas). C’est en AE que sont rédigés les textes officiels de plusieurs empires. AE abonde en formules officielles dont certaines sont des calques du persan. C’est en AE qui est rédigée la riche documentation constituée de papyri trouvés dans l’île d’Éléphantine sur le Nil (rattachée à présent à Assouan) en Haute Egypte. Elle nous renseigne de façon détaillée sur la vie d’une communauté de mercenaires juifs qui vivaient, avec leurs familles, dans la garnison chargée de surveiller la frontière sud de l'Égypte. Rappelons aussi la traduction en AE de l’inscription trilingue (vieux-perse, akkadien et élamite) de Behistun décrivant les conquêtes du roi persan Darius (une autre traduction en A. a été trouvée à Saqqarah) ; d’Hermopolis, toujours en Egypte, proviennent des lettres d’autres soldats araméophones datées de peu avant 500 AEC. Ces papyri ont été étudiés par le savant juif françàis Joseph Mélèze-Modrzejewski, entre autres. Une des plus grandes collections de textes en AE (VIe s. AEC) est celle des tablettes des fortifications de Persépolis en Perse. C’est en AE aussi que sont rédigés en Mésopotamie les courts registres insérés dans des documents assyro- babyloniens : l’Ostracon d’Assur (une lettre envoyée vers 600 par Bel-Etir de Babylone à Pir’i-Amurri d’Assur) et des inscriptions de Perse, d’Anatolie, de Samarie et d’Arabie.

1.3 AM est la variante qui se généralise dans toute l’aire Proche et Moyen-orientale comme langue de communication orale non seulement entre des peuples parlant des langues différentes (cf. l’anglais à présent), mais même à la place de ces langues (cf. le latin en Ibérie, Gaule, Italie et Dacie). Sont inclus sous la dénomination AM des documents rédigés en un araméen plus ou moins évolué par rapport à AE, qui regroupe les textes suivants : les inscriptions provenant des régions frontières du domaine araméen, à savoir principalement les cinq inscriptions du roi indien Asoka (268-233) découvertes en Afghanistan (d’autres inscriptions proviennent du Turkménistan et du Caucase). AM correspond en gros à la période du Second Temple. Sont en AM les textes consonantiques du Targum Onqelos (à la Tora) et de Jonathan (aux Prophètes), textes composés en Palestine (IIe-IIIe s.) et dont la vocalisation, qui s’est effectuée plus tard en Babylonie témoigne d’un dialecte A. oriental ; les manuscrits de la mer Morte (Qumrân, Wadi Murabba’at et Nahal Heber) rassemblant des textes araméens de types divers. En premier lieu, des extraits d’apocryphes de la Bible : entre autres, ceux d’un Apocryphe de la Genèse : Bereshit Rabba, début du Ier s. AEC ; du Testament des Douze Patriarches (IIe s. AEC), d’une Prière de Nabonide (Ier s. AEC), du Livre d’Hénoch (IIe-Ier s. AEC), du Livre des Jubilés (IIe s. AEC) ; des fragments de Targums : ceux d’un Targum sur le Lévitique (vers 100 AEC), sur Job (Ier s.), sur Tobie (vers 200 AEC). Enfin, des lettres datant de la révolte de Bar-Kosiba ou Bar-Kochba, 132-135) et quelques courtes inscriptions découvertes à Jérusalem. L’H. des Midre∫ey Halaka de l’époque Tannaïtique est grandement influencé par AM (si le latin fournit maintes expressions juridiques au français, (cf. habeas corpus), c’est A qui fait de même pour H, cf. Niksey DeLa Naydei> nadlan ‘biens qui ne bougent pas = biens immobiliers’).

C’est en AM aussi que sont les mots A. consignés dans l’Evangile eli eli lamma sabaktani, soit ‘Mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’abandonnas tu’ - qui de ce fait ne sont pas 7, comme l’affirme à tort la tradition chrétienne suivant la version grecque, mais 4, car en sémitique aussi bien les indices possessifs que ceux de l’objet sont suffixés, au nom et au verbe respectivement Le grec n’ayant pas de phonème dorso-palatal fricatif sourd correspondant au ∫ hébreu et araméen, et ayant perdu la lettre qoppa, le ∫ et q étymologiques de cette racine sont rendus par  et  respectivement, alors que la racine est naturellement ∫bq ‘abandonner’, d’où dans Kol Nidrei ∫biqin ‘abandonnés’. C’est syriaque qu’on appelle l’A. utilisé par les chrétiens dès le début de l’ère commune. Il s’écrit en caractères spécifiques, pas très différents de. l’écriture hébraïque actuelle, utilisée depuis le retour de l’exile de Babylone (Ve s. AEC) qui est une autre variante de l’alphabet A. dite assyrienne ou encore carrée. Nous n’écrivons plus l’hébreu en alphabet hébreu ancien, directement adapté de l’alphabet phénicien, mais en caractères A. (résultant eux aussi d’une adaptation de l’alphabet phénicien, comme pratiquement tous les alphabets du monde, cf. Naveh 1989). C’est en syriaque qu’est rédigée l’une des plus vieilles traductions de la Bible, la pe∫iTtå’ (H. pe∫uTå au sens de ‘répandue’, cf. ‘sippur på∫uT’, ‘Une histoire répandue’, de S.J. Agnon), et c’est cette langue qui sert toujours dans la liturgie des chrétiens d’Orient. Les locuteurs de sa version moderne (voir plus bas) se disent Chaldéens - d’après Daniel (2, 4) : ‘Et le Chaldéens parlèrent au roi en Araméen’ - ou bien Assyriens ou encore Sourayé. Or si A. est une langue sémitique nord-occidentale relativement proche de l’ougaritique ainsi que des langues cananéennes à proprement parler telles l’hébreu et le phénicien avec ses prolongations punique et néo-punique, l’assyrien et le babylonien constituaient l’akkadien, langue sémitique orientale qui présentait une grammaire à la fois plus proche (conjugaisons verbales uniquement à préfixes ; forme nominale prédicative dite statif ou permansif) et plus éloignée (perte des consonnes post-vélaires, dites gutturales, par influence sumérienne) de la grammaire proto-sémitique. Aussi, si les araméophones modernes se disent assyriens cela n’a pas plus de justification que le nom de la Syrie issu de la re-analyse du mot Assyrie - comme si As- était un article défini préfixé - forgé à l’époque des Séleucides (premiers siècles AEC), dont l’avatar actuel ne continue l’Assyrie ni géographiquement, ni historiquement, ni ethniquement, ni culturellement. La raison de cette auto-appelation des araméophones chrétiens est le prestige véhiculé par le nom de cet ancien Empire mésopotamien. 

C’est déjà en AM mais surtout en AT que se généralisent et se consolident les traits grammaticaux qui finissent par devenir la norme, surtout d’A oriental : (1) l’agglutination de l’article défini issu d’un démonstratif à la fin de tous noms (substantifs et adjectifs), ce qui le rend inopérant en tant qu’article pour en faire une marque nominale pure et simple (cf. Greenberg 1978), (2) l’agglutination du pronom personnel sujet au participe présent créant une nouvelle forme de conjugaison au présent, (3) l’émergence de l- comme préfixe d’inaccompli à la 3e personne du masculin, alors qu’ailleurs en sémitique y compris en AA et AE c’est naturellement y- (en arabe et ougaritique c’est ainsi pour le féminin aussi); (4) l’abrègement du suffixe nominal du pluriel masculin -ayya en –e ; (5) la disparition du -n suffixé comme porteur d’indices personnels à l’inaccompli, (6) la déphonologisation des post-vélaires (dites gutturales) par influence des langues indo-européennes environnantes, tout comme en H. ashkenaze.. C’est en effet à partir d’AT que se fige la différence dialectale entre Est et Ouest, dont l’existence pourtant remonte pratiquement aux origines de la langue. La branche orientale donne le Syriaque, le dialecte parlé et écrit par les chrétiens d’Orient ; le Mandéen, dialecte parlé dans le sud de la Mésopotamie par une secte gnostique (A. manda correspond à H. madda’ ‘connaissance’, en grec  gnosis) ; l’A. du Talmud de Babylone, la littérature des Geonim et les textes d’incantation trouvés principalement à Nippur en Perse. La branche occidentale regroupe l’A. Samaritain, l’A. Palestinien Chrétien et l’A. Galiléen dans lequels sont rédigés la partie A. du Talmud de Jérusalem et des Midre∫ey Aggada ainsi que le Targum Neofiti. 

1.5 La variante moderne de l’A., NA, est appelée A. ou li∫ana deni (‘notre langue’) par ses quelques 20 mille locuteurs juifs et souret par ses quelques 500 000 locuteurs chrétierns. Ell est morcelée en plusieurs dizaines de dialectes regroupés en deux ensembles : Occidcental (parlé en Syrie) et Oriental (parlée surtout au Kurdistan). La branche orientale de NA, dite NAOr (Néo-Araméen Oriental) ou NENA (North-Eastern Neo-Aramaic) est parlée par les Juifs et les Chrétiens (Jacobites, Nestoriens et Catholiques) du Kurdistan – partagé entre Turquie, Irak et Iran – ainsi que de l’Azerbaïjan persan voisin, puis dans la région de Turquie appelée Turoyo (< Tur-Abdin, ‘la montagne des servants[-Dieu]) et dans les pays d’’immigration de ces populations : Israël pour lers Juifs ; France, Allemagne, USA. Australie &c. pour les chrétiens. Quant à la branche occidentale, elle est parlée en Syrie dans trois villages proches de Damas: Ma’alula, Gub Abdin et A(l)-Suwayda. Les différences grammaticales entre NAOr et NAOc sont importantes. NAOr a développé nombre de traits qui le rapprochent des langues indo-européennes (plus spécifiquement indo-iraniennes, surtout persan et kurde) parlées également par la plupart de ses locuteurs: Ainsi, NAOr n’admet que des phrases verrbales (cf. fr. ‘Le fils ressemble / est semblable au père’) et a développé un verbe d’existence au présent qui fonctionne aussi comme copule (Polos basima ileh ‘Paul est en bonne santé‘) et un verbe de possession (?itli brona ‘J’ai un fils’). La conjugaison verbale est fondée désormais sur deux anciens participes, parfait (ou passif) et non-parfait (ou actif), qui ne fonctionnent plus comme tells que lorsqu’ils portent l’ancien article défini postposé (voir plus haut). Leur fonction principale est de fournir les bases de la conjugaison verbale, dite à ergativité scindée dans la mesure où, au parfait (une des formes de passé), un indice personnel du sujet est suffixé au participe et construit comme si c’était un complément d’object indirect : pour dire j’ai vu’ on dit xzi-l-i’, ‘vu-à-moi’ ; pour dire ‘je t’ai vu’, on dit xzi-t-l-i, soit ‘vu-toi-à-moi’. Ce n’est pas un passif dans la mesure où le verbe ne s’accorde pas en genre et en nombre au sujet, et qu’il y a une forme explicite de passif avec le verbe pya∫a ‘se reposer > rester > devenir’ La grammaire de la branche occidentale, en revanche (NAOc) très minoritaire, ressemble à celle des stades plus anciens de la langue. Les plus anciens textes en NA (dialecte oriental) sont des drashot juives éditées par Yona Sabar (Université de Californie à Los Angeles) dont c’est la langue maternelle. Depuis, des textes chrétiens ont été publiés, essentiellement de nature religieuse, mais il y a aussi des textes littéraires originaux et traduits : il existe par exemple une version de ‘La fille du Capitaine’, de Pushkin, en NAOr, qui date des premières années de l’Union Soviétique, où les Aïssor (‘Assyriens’) étaent considérés une minorité nationale et culturellement choyés comme tels.

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