De nouvelles données scientifiques montrent que la glace n’est pas une bonne solution contre les blessures contrairement à ce qui a longtemps été pratiqué <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
On commence désormais à réunir un corpus de travaux scientifiques de bonne qualité permettant d’évaluer les différentes pratiques physiothérapiques lors des blessures musculosquelettiques.
On commence désormais à réunir un corpus de travaux scientifiques de bonne qualité permettant d’évaluer les différentes pratiques physiothérapiques lors des blessures musculosquelettiques.
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Conseils

Selon des physiothérapeutes de la faculté de médecine de l'Université Tufts, l’utilisation d’une poche de glace après un entraînement, une opération ou une blessure musculaire ne serait pas la méthode idéale.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

Voir la bio »

Atlantico : Pourquoi cette méthode serait-elle dépassée et entraverait le processus de guérison ? L’utilisation de la glace ou de la chaleur sont-ils vraiment contre-productifs ?

Antoine Flahault : On commence désormais à réunir un corpus de travaux scientifiques de bonne qualité permettant d’évaluer les différentes pratiques physiothérapiques lors des blessures musculosquelettiques. Les entorses de cheville représentent le traumatisme le plus fréquent, en en dénombrerait 6'000 par jour en France. Ces entorses de chevilles, mais aussi de genou ou de poignet sont douloureuses, invalidantes et nous concernent donc presque tous et pas seulement les sportifs de haut niveau. Il convient donc en effet de savoir comment les traiter pour hâter la guérison et prévenir les récidives ultérieures. Les remèdes traditionnels que vous évoquez, dont la cryothérapie locale (poches de glace), ont fait l’objet d’études aussi rigoureuses que celles que l’on demande aux médicaments pour être homologués, et malheureusement la glace ne passerait pas la barre de l’homologation aujourd’hui. En effet, plus de trente essais thérapeutiques randomisés portant sur la cryothérapie locale ont été conduits sur près de 2500 patients souffrant d’entorses de cheville, or les poches de glace ne soulagent pas beaucoup les symptômes et ne hâtent pas la guérison. Ainsi, il n’y a aucun élément de preuve montrant que l’application de glace seule diminuerait l’œdème ni même la douleur au repos après entorse de cheville. Le traitement par la chaleur aggraverait quant à lui la reprise fonctionnelle de l’articulation.

Pour que le corps guérisse et que les muscles récupèrent, faut-il les laisser ressentir une partie de cette douleur et de cette inflammation ? L’inflammation, même si elle est douloureuse, aide-t-elle les tissus de notre corps à se rétablir ?

On n’a jamais envie de penser que la douleur peut être utile, mais on sait aujourd’hui que les médicaments anti-inflammatoires non-stéroïdiens, tout comme la cryothérapie locale (l’application de poches de glace) ou la chaleur, s’ils ont une visée antalgique, d’ailleurs d’efficacité limitée, peuvent venir retarder la guérison. La glace par la vasoconstriction qu’elle entraîne peut certes procurer une forme d’anesthésie transitoire mais retarde l’afflux de macrophage sur le site traumatisé et allonge d’autant le délai de reconstruction des tissus ligamentaires et articulaires. L’espèce humaine a conçu au fil de son évolution des processus inflammatoires complexes pour protéger l’organisme, non pas tant pour nous faire souffrir, mais bien pour nous aider à guérir. A vouloir trop freiner la réaction inflammatoire, certes parfois douloureuse par la congestion des tissus et l’œdème qu’elle entraîne, on prend le risque de retarder la guérison. Il n’y a pas si longtemps on préconisait encore l’immobilisation plâtrée des entorses de cheville ou de poignet. On sait aujourd’hui qu’il faut au contraire remobiliser rapidement l’articulation afin de prévenir le risque de récidives car il est élevé en la matière. Il convient plutôt de porter une attelle après luxation articulaire, en particulier la nuit, au moment où l’on relâche sa vigilance et où l’on court le risque de récidive précoce par un faux mouvement dommageable à l’articulation. Le port de l’attelle et l’usage de béquilles peuvent limiter les risques de nouveaux chocs de la part des camarades ou des collègues au moment du retour à l’école ou au travail.

Les médicaments anti-inflammatoires sont-ils aussi à proscrire ?

Les médicaments anti-inflammatoires ont une certaine efficacité contre la douleur et l’œdème résultant d’une entorse articulaire. Il sont cependant associés à des effets indésirables assez nombreux, notamment des ulcères gastro-intestinaux compliqués d’hémorragies digestives, surtout chez les personnes âgées. Par ailleurs, ils pourraient freiner voire compromettre le processus naturel de reconstruction musculo-squelettique.

Quelles sont les meilleures thérapies et les meilleures solutions à suivre après une blessure musculaire ?

Après avoir vérifié l’absence de fracture, il semble qu’aujourd’hui le meilleur traitement d’une blessure articulaire consiste à porter une attelle (mais pas un plâtre) et de remobiliser l’articulation (doucement) rapidement après le traumatisme. Il faut éviter la glace, la chaleur, l’immobilisation et les traitements anti-inflammatoires. Il n’y a pas de preuves scientifiques établies concernant les médecines non conventionnelles (acupuncture, électrostimulation, par exemple) pour pouvoir se prononcer à leur propos. La chirurgie ne devrait être réservée qu’aux ruptures ligamentaires avérées.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !