De missiles Nord-Coréens en ouragans, où vont les marchés financiers ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
De missiles Nord-Coréens en ouragans, où vont les marchés financiers ?
©Bryan R. Smith / AFP

Bonne question

Entre catastrophes naturelles et risque d'une guerre nucléaire, les marchés financiers ont fait leur choix.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

Voir la bio »

Un nouveau missile nord-coréen survole le 15 septembre le Japon, pouvant désormais atteindre Guam. Alors les bourses américaines et japonaises montent et les bourses européennes baissent ! Partout, les taux longs montent. Il y aura donc plus de risques et de dépenses publiques partout, mais les Etats-Unis devraient quand même mieux s’en sortir. Pourquoi ? Parce que Donald Trump aurait « mouillé » Poutine et Xi Jinping dans le dossier coréen, suite au vote unanime du Conseil de Sécurité ? Nous verrons bien lors de l’Assemblée générale de l’ONU qui s’ouvre ce lundi. Parce que la reprise américaine est assez solide pour tout supporter, sachant que les ouragans vont longtemps peser ? Parce que Kim Jong-un va s’arrêter ? Ou être arrêté, ou anéanti ? Mais l’inverse est toujours possible. Bientôt peut-être les bourses baisseront partout, ou remonteront seulement ici (moins probable), ayant changé d’idées. Comment comprendre ?

De fait, les marchés financiers doivent traiter à la fois deux risques extrêmes : un risque extrême « naturel », avec la série d’ouragans qui ont frappé le Texas, les îles du Pacifique et la Floride et, en plus, un risque extrême « militaire », voire« nucléaire », avec la Corée du Nord. Face à la montée de ces deux extrêmes, réunis en quelques semaines, les marchés vont-ils se porter sur les produits qu’ils jugent à la fois les plus liquides et les plus sûrs, comme les bons du trésor américain, le Dollar, l'or ou même le franc suisse (sûr mais moins liquide) ou bien vers les économies qui « résisteraient » le plus aux chocs, comme les États-Unis, zone euro, Chine ? Des liquidités conservées, pour chercher à se protéger autant que possible, ou des liquidités investies en actions du plus résistant, sinon du futur vainqueur ? En fait, ces deux risques dits « extrêmes » ne le sont pas autant l’un que l’autre.

Les risques extrêmes dits « naturels » (ouragans, incendies, tsunamis, glissements de terrains…) ont un coût humain et un coût économique que l’on peut cerner. Ils seront vite mesurés et monétairement compensés. On pourra trouver ceci sans cœur et terriblement matérialiste, mais c’est bien tout le travail du secteur de l’assurance, sans lequel il n’y a pas de croissance possible. Les assureurs vont donc évaluer les sinistres et les indemniser, avec l’apport de fonds liés aux déclarations publiques de «catastrophe naturelle».

Mais l’histoire de ce risque extrême « naturel » ne s’arrête pas là, puisque les assureurs (et les réassureurs) vont revoir les conditions et tarifs de leurs polices d’assurance, voire décider de ne plus assurer certains biens, lieux ou activité. Après les ouragans, les tremblements de terre, les glissements de terrain, il y aura des faillites et des reconductions, des consolidations et des déplacements d’activité et, en général, les valeurs des actifs exposés vont diminuer. En même temps, pour que l’activité reprenne et se poursuive dans des conditions plus sûres, les entreprises et les assureurs vont mener des études sur la façon dont telle ou telle a été affectée, pour se renforcer. Les assureurs vont édicter de leurs côtés de nouvelles règles et normes. Avec les assureurs, et leurs experts internes et externes, les entreprises vont analyser leurs points faibles, ce qui a permis à la catastrophe de frapper, pour corriger. Il en est de même pour les nouvelles attaques et peut-être nouvelles catastrophes : la cybercriminalité par exemple. Dans les entreprises, mais aussi dans les maisons, dans les municipalités… des examens vont se mettre en place, pour se protéger et se former, parfois changer d’endroit, d’organisation, de matériels. Les catastrophes dites « naturelles » sont en fait économiques, et d’autant plus importantes qu’elles frappent des lieux plus denses et plus riches, lieux que la croissance elle-même fabrique, par concentration d’activités, proximité des ports, de centrales nucléaires…

Au fond, pour les marchés financiers, après le choc, les catastrophes « naturelles » soutiennent la croissance à moyen terme en forçant à penser à des situations extrêmes, pour s’en prémunir autant que possible. Il y aura partout plus de dépenses et d’investissements, avec l’idée que le risque devra être mieux maîtrisé… pour la prochaine fois. D’où une montée des actions et des taux longs : plus de croissance, avec un besoin de plus d’épargne.

Les catastrophes extrêmes de type militaire et plus encore nucléaire n’obéissent pas toujours à cette logique. Le « bon cas », proche de la catastrophe naturelle, est celui où la menace militaire conduit à monter les digues, comme après une inondation. La montée des menaces fait alors monter l’équilibre des terreurs, avec plus d’investissements et d’armements à la clef des divers côtés. Ceci est positif pour les marchés financiers qui mesurent, à la fois, les croissances des entreprises d’armement et la sécurité qu’elles procurent.

Mais « la montée aux extrêmes » de Clausewitz se produit toujours à un moment. Il y a toujours des tensions plus fortes, comme actuellement entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. On sait que le Président américain annonce le pire, mais les voisins en seront directement affectés : Corée du Sud et Japon d’un côté, Chine et Russie de l’autre. C’est bien le raisonnement des politiques à l’ONU, qui condamnent unanimement la Corée du Nord. La Corée doit se protéger, comme tout état, mais pas à ce prix, pas ainsi ! Sa logique de souveraineté masque la volonté de puissance de Kim Jong-un, voire des dérèglements personnels. Elle sera stoppée car excessive et folle par la pression croissante de la Chine et de la Russie, avec peut-être un accord diplomatique à la clef. C’est le raisonnement, rationnel, que suivent les marchés : la guerre nucléaire n’aura pas lieu, une solution sera trouvée, car les grands de la région en seraient les premières victimes.

La « montée aux extrêmes » s’arrête donc alors, mais « plus haut », avec la dénucléarisation de la péninsule et le renforcement de la région en armes conventionnelles (à voir pour le Japon). Toute la région se protègera et s’armera… ce que les actions prennent en compte, encore une fois dans la région et aux Etats-Unis. La situation économique mondiale continuera de s'améliorer et de panser les plaies de la grande crise de 2008. Pratiquement partout, le niveau de PIB atteint ou dépasse celui de 2007. Les bourses seront donc bien orientées et les taux d'intérêt à court terme et à long terme se remettront à monter - ce qui est normal, de manière graduelle et surveillée par les banques centrales, parce que tout est encore très fragile.

On pourrait pousser plus loin l’analyse et parler d’une guerre nucléaire dans la région. Mais les marchés n’y vont pas : il y a des limites à l’extrémisme. Pour eux : « tout est pas bien qui finit bien ! »

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !