De la science-fiction à la science tout court : la Nasa cherche à inventer la machine à régénérer les os et les muscles<!-- --> | Atlantico.fr
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De nouvelles techonologies pourraient permettrent de "régénérer l'os et les tissus musculaires".
De nouvelles techonologies pourraient permettrent de "régénérer l'os et les tissus musculaires".
©Wikipédia commons

Allo docteur Houston ?

La NASA est très intéressée par un programme développé par l'entreprise américaine GRoK qui permettrait, entre autre, de soigner ses astronautes victimes d'ostéopénie. Aussi incroyable que ces avancées scientifiques puissent paraître, il semble que la France avait déjà une longueur d'avance.

Fabrice Papillon

Fabrice Papillon

Fabrice Papillon est journaliste scientifique (dix ans à Europe 1 et quatre ans pour l'émission "C dans l'air ", sur France 5). Il est directeur de Scientifilms, société de production audiovisuelle spécialisée dans la science et la médecine, et auteur, en collaboration, de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique, dont trois avec le professeur Axel Kahn, chez NiL éditions. 

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Atlantico : La NASA et l'entreprise GRoK Technologies, basée à Houston, vont travailler main dans la main pour créer de nouveaux produits révolutionnaires permettant de développer des technologies médicales non invasives visant à "régénérer l'os et les tissus musculaires" (voir ici). Comment, concrètement, ces nouvelles technologies médicales seraient-elles utilisables ?

Fabrice Papillon : En réalité, les recherches sur la régénération des tissus ou organes humains ne sont déjà plus un mythe. De nombreuses études sont menées dans le monde dans le domaine de la thérapie cellulaire, et de l'ingénierie tissulaire, c'est-à-dire la capacité de régénérer notre organisme, de réparer la peau, les os, le cœur, etc. Plusieurs technologies existent, dont la plus en vue implique les fameuses "cellules souches".

En fait, nous possédons, en nous-mêmes, notre propre boîte à outils puisque dans de nombreux organes, des cellules "pompiers", capables de remplacer les cellules abîmées, détruites ou détériorées, interviennent pour régénérer les tissus lésés. Le phénomène est bien connu avec la cicatrisation de la peau, après une écorchure. Ce sont de petites cellules souches qui viennent réparer la peau.

Ce phénomène est beaucoup plus large et les biologistes ont découvert plusieurs types de cellules souches chez l'homme, en particulier dans la moelle osseuse (cellules souches hématopoïétiques) capables de régénérer le sang et d'autres organes. Ces cellules sont qualifiées, par les spécialistes, de "pluripotentes", c'est-à-dire qu'elles ont le pouvoir de donner naissance à plusieurs types de cellules différentes. Mais ces cellules souches ne sont pas toujours efficientes ou facilement accessibles dans l'organisme.

Alors une nouvelle technologie a vu le jour, ces toutes dernières années : les IPS, pour "induced pluripotent stem cells", c'est à dire des cellules souches "induites". Une simple prise de sang, puis les cellules sanguines sont déviées de leur rôle originel pour devenir capables de produire d'autres types de cellules (foie, os, coeur, neurones, etc.). Ces cellules posent encore des problèmes techniques, mais il s'agit d'une voie révolutionnaire pour disposer demain d'une source inépuisable de cellules, de tissus et d'organes capables de nous régénérer, de nous réparer. Et surtout, il s'agira de tissus et d'organes 100% compatibles avec les nôtres, puisque recréés à partir de nos propres cellules, réglant à la fois le cruel problème du manque d'organes (avec le déficit des dons d'organes) et surtout celui de la compatibilité (risques de rejets après la greffe). Ici, tout collerait, tout fonctionnerait. De nombreux essais cliniques ont débuté, les espoirs sont immenses.

Selon le communiqué de presse de l'entreprise américaine, la NASA serait intéressée par le potentiel que représentent ces technologies pour aider les astronautes susceptibles de développer une ostéopénie, c'est-à-dire une baisse de la densité de l'os. Le développement de la science peut-il frôler à ce point la science-fiction ?

Oui, une fois de plus, pour les raisons que je viens d'évoquer. Je pense qu'il s'agit surtout d'un effet d'annonce de la firme américaine GROK et de la NASA, car de tels essais sont déjà largement répandus, et notamment en France.Rien que sur l'os, diverses équipes, notamment liées à l'Inserm - l'Institut national de la santé et de la recherche médicale - ont mis au point des technologies mixtes : des cellules souches capables de régénérer l'os, insérées dans des matrices biologiques (des implants en forme d'éponge, biodégradables, qui fournissent un support aux cellules souches pour qu'elles "tissent" l'os à réparer ou régénérer).

Ces implants (par exemple en phosphate ou en carbonate de calcium), poreux, sont implantés dans les zones où l'os est abîmé et recolonisent l'os avec des cellules toutes neuves… Il en va de même pour le cartilage autour des extrémités de l'os, qui se dégrade et crée notamment l'arthrose. Des cellules souches sont capables de régénérer les cellules de la membrane synoviale, c'est à dire les cellules qui tapissent le cartilage. Une révolution pour les millions de personnes qui souffrent d'arthrose. Il est vrai que ces perspectives sont étonnantes, spectaculaires, et qu'elles rapprochent concrètement la science-fiction de la réalité...

Sera-t-il alors possible de créer des modèles de tissus humains 3D ? Pourra-t-on, à terme, les utiliser pour tester les cosmétiques et les médicaments ? Quelles seront les conséquences d'une telle évolution ?

Bien sûr, des essais passionnants sont par exemple menés dans le laboratoire IStem à Evry, financé par l'argent du Téléthon, avec les équipes de Marc Peschanski, l'un des chercheurs les plus en pointe sur la médecine régénératrice du futur (thérapies cellulaires, thérapies géniques). Marc, que je connais depuis des années et dont je suis les progrès pas à pas, a déjà obtenu des résultats saisissants : il travaille sur une peau en 3D, avec différentes couches de cellules de l'épiderme !

Cette peau, dans quelques années, pourra servir à soigner les grands brûlés. Mais il est clair qu'elle pourrait aussi, sans problème, être utilisée par de grandes firmes de la cosmétique pour tester leurs futurs produits ! Les conséquences sont à la fois enthousiasmantes, sur le plan médical, grâce aux possibilités qu'offrira cette nouvelle boîte à outils pour tout réparer (ou presque) ; mais en même temps, des problèmes se posent : jusqu'où irons-nous ? La limite entre "homme réparé" et "homme augmenté" est faible. Certains rêvent déjà de greffes de neurones reconstitués en laboratoire, capables de nous donner des capacités intellectuelles prodigieuses, et donc de nous changer en profondeur. Des questions éthiques, ontologiques, sont clairement soulevées et le seront de plus en plus dans les années à venir.

Ces dispositifs ne sont pas réels à l'heure actuelle, bien que des brevets aient été déposés. La machine à régénérer les os et les muscles a-t-elle une chance de voir le jour ?

Clairement oui, comme je l'indiquais. Quant à savoir quand, il faut rester honnête et raisonnable : certaines thérapies seront accessibles assez rapidement ; d'autres mettront des années. Mais il s'agit d'un champ de recherche immense dans le monde entier qui aboutira forcément à de nombreuses thérapies, et pas seulement pour les astronautes de la Nasa !

Propos recueillis par Marianne Murat

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