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De la démographie au marché du travail, le remède migratoire n’est qu'un mirage
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Bonnes feuilles

Chiffres à l'appui, Michèle Tribalat démontre que le processus social d'assimilation a aujourd’hui cessé de fonctionner en France. Extrait de "Assimilation : la fin du modèle français" (2/2).

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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Il n’y a donc guère de place pour l’hésitation en matière de politique à suivre. Soit nous arrivons à faire progresser les taux d’emploi aux deux bouts de l’échelle des âges actifs et alors l’immigration donnera un très léger coup de main pour retrouver, en 2060, après une faible détérioration, une situation voisine de celle d’aujourd’hui (à la condition que les taux d’emplois des immigrés et de leurs descendants ne restent pas à la traîne comme aujourd’hui). Soit nous n’y arrivons pas et alors l’immigration ne nous aidera en rien. D’un point de vue purement démographique, en l’état, la question migratoire est donc secondaire. Xavier Chojnicki et Lionel Ragot font la même constatation du point de vue économique : "les véritables enjeux de l’immigration ne se situent pas dans le champ économique" .

Fort de ce résultat, toute l’énergie devrait donc être consacrée à améliorer la formation et le fonctionnement du marché du travail, et à abandonner au plus vite le mirage du remède migratoire qui sert plutôt d’écran de fumée pour ne pas discuter au fond de la politique migratoire, qui illusionne et retarde les mesures à prendre. Ce mirage a aussi pour inconvénient d’entretenir des attentes qui ne pourront pas être satisfaites, tout en délégitimant les inquiétudes que suscite l’immigration étrangère. Faisant le même constat au Québec, Benoît Dubreuil et Guillaume Marois mettent en garde contre les attentes démesurées que suscite l’argumentaire standard vantant les mérites de l’immigration quand il faudrait, au contraire "rétablir des attentes réalistes par rapport à l’immigration" .

Nous avons la chance, en France, de bénéficier d’une politique hospitalière à la famille depuis longtemps. Tout doit être fait pour qu’elle le reste afin de ne pas attendre de l’extérieur un secours démographique qui, à long terme, aide peu et demande la mise en place de toute une ingénierie sociale pour espérer la rendre utile et pour accompagner les changements de peuplement, changements auxquels nos voisins seront confrontés plus que nous, si leur fécondité reste aussi dramatiquement faible qu’elle l’est aujourd’hui.

La politique familiale n’est pas une compétence européenne. L’UE27 ne peut donc rien imposer aux États en la matière, sauf dans tout ce qui touche à l’égalité entre les sexes, la protection des enfants… Force est de constater que les projections démographiques d’Eurostat entérinent cet état de fait et font reposer la survie démographique de l’UE27 entièrement sur l’immigration. Biais idéologique, hémiplégie, œillères, volonté d’accoutumer les européens à une transformation colossale de la population européenne que la Commission européenne juge inéluctable ? On s’interroge sur ce parti pris européen.

Les deux scénarios Convergence fixant une harmonisation démographique à très long terme programment, de fait, d’abord une substitution démographique de grande ampleur dans de nombreux pays de l’UE qui évitent ainsi l’effondrement démographique (l’Allemagne perdrait quand même 15 millions d’habitants en 50 ans), et la reprise si lente de la fécondité que son effet n’intervient qu’après que cette substitution soit devenue irréversible. Comme l’immigration est censée s’annuler dans près d’un siècle et demi, mais que la fécondité ne convergera vers un niveau moyen plus élevé qu’en fin de cette même période, c’est-à-dire très laborieusement, on donne de fait l’avantage à l’immigration. Il s’agit pourtant d’une simple hypothèse technique absolument arbitraire. On a du mal à ne pas y voir un parti pris dogmatique visant à rendre le recours à l’immigration inéluctable et à s’assurer que les peuples européens s’y plieront dans l’espoir de leur survie. Cette accoutumance empêche que l’on considère avec sérieux les moyens propres à l’Europe de s’assurer un avenir démographique ni trop désespérant ni trop dépendant des autres.

Cette attitude est cohérente avec un « climat » favorisant l’exaltation de l’Autre et de tout ce qu’on lui doit. Avoir un discours positif sur l’immigration est en soi un brevet de moralité : avoir l’air de privilégier l’autre à soimême évite d’essuyer les accusations de racisme toujours promptes à surgir. Pourtant, on pourrait, sans difficulté, renverser l’argumentaire. En effet, qu’y a-t-il de glorieux à compter sur les autres pour régler ses problèmes ? Qu’y a-t-il de valeureux à faire venir des immigrants en espérant qu’ils auront les enfants que nous ne faisons plus, exerceront les professions dont nous ne voulons plus ou feront les études que nous ne suivons plus ? Comme l’écrit Marc Termote à propos du Québec, « compter sur l’“autre” pour résoudre ses problèmes, et en outre lui reprocher de ne pas répondre adéquatement aux multiples attentes indûment manifestées à son égard, n’est pas l’expression d’une “politique” particulièrement courageuse. » 1 Enfin, cette politique aura un prix dont les citoyens européens ne sont pas encore complètement conscients. Quand on délègue son destin à d’autres, on ne peut guère s’attendre à en conserver la maîtrise.

Résumé :

Il est peu probable que l’immigration étrangère en France et en Europe se réduise considérablement dans les décennies qui viennent. Compte tenu des tendances démographiques internes aux pays européens appelés à vieillir, des flux d’immigration étrangère importants se traduiront par une transformation importante du peuplement de la plupart de ces pays, surtout aux âges jeunes. Dans certains d’entre eux, les natifs au carré pourraient devenir minoritaires avant 40 ans d’ici 2060. La France devrait être moins exposée à ces changements pourvu que sa fécondité ne suive pas l’exemple de ses voisins. Contrairement à ce que répètent inlassablement les dirigeants européens, nos gouvernants et nos journaux – nous ne faisons plus assez d’enfants, donc nous avons besoin d’immigration –, l’immigration étrangère n’est pas la solution à nos déséquilibres démographiques. Ce n’est que dans le cadre d’une amélioration générale des taux d’emploi en France que l’immigration pourrait aider, et encore dans une faible mesure. Comme les économistes Xavier Chojnicki et Lionel Ragot font la même constatation du point de vue économique, il devrait être possible de s’intéresser aux autres questions de société restées trop souvent en arrière : moeurs, modes de vie et pratiques culturelles.

Extrait de "Assimilation : la fin du modèle français", Michèle Tribalat, (Editions du Toucan), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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