Davos 2023 sans les Russes, ni les Chinois, ça faisait bizarre<!-- --> | Atlantico.fr
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La plupart des chefs d’entreprise ont quitté Davos ce vendredi beaucoup plus optimistes qu’à leur arrivée.
La plupart des chefs d’entreprise ont quitté Davos ce vendredi beaucoup plus optimistes qu’à leur arrivée.
©Fabrice COFFRINI / AFP

ATLANTICO BUSINESS

La BCE est plus optimiste qu’il y a un mois, le FMI aussi. Les participants occidentaux croient à un retour de la croissance à condition qu’on soit capable de respecter les accords internationaux. Les Russes et les Chinois ont été très discrets.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Contrairement aux autres années, les représentants des pays autoritaires n’étaient guère nombreux à Davos cette année. Les quelques Russes et observateurs chinois se sont fait discrets. Très discrets.

Et pour cause, les Davosiens ont du mal à admettre leur comportement géopolitique. Leur participation à l’économie mondiale impliquait qu’ils respectent les accords internationaux qu’ils avaient signés. Or, beaucoup de ces pays ont déchiré leur engagement de réciprocité en transgressant une grande part des accords qui structurent l’économie de marché : commencer par le respect des frontières nationales et des libertés individuelles.

Comment faire confiance à la Russie quand on est investisseur international ? Les rares représentants du business russe n’ont fait aucune déclaration publique mais ils reconnaissaient en privé que la Russie s’est mise au ban de l’économie mondiale pour un bon moment, quoi qu’il arrive en Ukraine.

Quant aux Chinois, ils commencent à douter eux-mêmes de la capacité du régime à effacer les erreurs de la gestion du Covid.

Ce qui est intéressant, c’est que la plupart des chefs d’entreprise ont quitté Davos ce vendredi beaucoup plus optimistes qu’à leur arrivée. Ils avaient dans leur carton les diagnostics assez sombres de la Réserve fédérale américaine, les prévisions démoralisantes du FMI, le scepticisme de la BCE et le risque d’un nouveau blocage de l’économie mondiale à cause de la guerre aux frontières de l’Europe, et des difficultés de la Chine.

En réalité, tout s’est passé comme si les acteurs du business mondial s’étaient remontés le moral pendant ces quatre jours de débats et de communication. Il faut dire que Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, les a beaucoup aidés à redresser leurs prévisions qu’en plus, elle n’a pas été démentie par les représentants des autres banques centrales, ni par les experts du FMI.

En gros, le nouveau diagnostic quasi officiel des autorités internationales de régulation donne des prévisions très différentes de ce qu’on entendait fin décembre.

La récession annoncée pour 2023 sera beaucoup plus faible et moins certaine que ce qu’on disait. Pour trois raisons qu’on a un peu répétées en boucle à Davos.

La première, c’est que la Chine va rendre service à l’économie mondiale quoi qu’il arrive dans ce pays, parce qu’elle va revenir dans le jeu de l’économie mondiale, même si les Occidentaux sont beaucoup plus prudents vis-à-vis des promesses de Pékin. Concrètement, la Chine restera l’usine du monde ; elle a trop besoin de travailler et par conséquent de débouchés. Mais l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe vont être plus exigeants sur leur sourcing et notamment sur les garanties d’approvisionnement. Les chaines de valeur vont se raccourcir dans tous les secteurs industriels et ça n’est pas forcément un problème.

La deuxième raison, c’est que l’énergie va revenir à des prix plus raisonnables, parce que les consommateurs ont compris qu’ils devaient diversifier leurs approvisionnements et surtout parce que l’énergie nucléaire est sortie des blacklistés de beaucoup d’Occidentaux, y compris chez les écologistes.

La troisième raison, c’est que l’inflation va se tasser. Pour cause de rééquilibrage entre l’offre et la demande, mais aussi grâce aux gains de productivité, liées aux innovations technologiques et au comportement du consommateur.

Ces trois raisons sont les trois leviers incontournables d’une politique de croissance et d’échanges internationaux. Avec en prime, une politique de taux d’intérêt beaucoup plus pragmatique. Pas de hausse trop rapide mais pas d’argent facile et pas cher. Les milieux financiers sont grognons, mais les industriels sont satisfaits d’apprendre qu’il faut rémunérer les risques si on veut que certains en prennent pour booster le progrès. Et les économies modernes ont besoin de progrès dans le cadre des politiques de relocalisation, par exemple, et de lutte pour l’environnement.

Le monde entier a besoin de croissance, à commencer par les pays émergents, parce que Davos continue de porter la conviction que le progrès et la croissance sont nécessaires pour sortir de la pauvreté collective et renforcer la protection des libertés individuelles.

La croissance économique est donc un facteur de paix mais a contrario, la croissance a besoin de paix.

Si les milieux d’affaires internationaux souhaitent éviter une récession mondiale qui ne pourrait que favoriser le déclenchement d’une 3e guerre mondiale, il faut nécessairement arrêter la guerre en Ukraine. Ce conflit d’un autre âge était sous-jacent à tous les débats. Arrêter la guerre. Sauf qu’on est loin d’être d’accord sur les moyens d’y arriver.

Entre ceux qui pensent que malheureusement, il ne peut n’y avoir qu’une solution militaire par l’effondrement ou la destruction de l’un des deux camps et ceux qui défendent le projet d’une négociation, il y a un gouffre d’une profondeur désespérante parce qu’il n’existe aucune possibilité aujourd‘hui de réunir les protagonistes sur un contenu cohérent.

Négocier ? oui, mais négocier quoi ?

Entre les Américains (et d’autres) qui jurent qu’ils ne parleront jamais à Vladimir Poutine parce qu’il a transformé cette guerre en actes de terrorisme criminel et destructeur; et ceux qui pensent qu’il faut maintenir le contact pour pouvoir parler de l’avenir de l’Ukraine, de la Crimée, des sanctions et des responsabilités, on voit bien qu’on ne pourra pas sortir du conflit très rapidement.

Les milieux d’affaires, eux, essaient de rester très pragmatiques et cela, dans le monde entier. C’est du moins ce qui ressort des préparatifs et des orientations que beaucoup de chefs d’entreprises partenaires souhaitent imposer.

1er point : ils rappellent très clairement les effets des sanctions, mais considèrent que la situation actuelle risque de provoquer une récession mondiale qui sera catastrophique pour tout le monde.

2e point : En Occident, les milieux d’affaires considèrent qu’il sera très difficile de reprendre les flux d’échange avec les pays autoritaires comme la Chine, l’Iran ou la Russie. Ils reconnaissent que la mondialisation, depuis une vingtaine d’années, a certes permis de sortir beaucoup de pays émergents de la misère, mais contrairement à ce qu’ils pensaient, cette prospérité économique n’a pas permis de faire avancer dans ces pays l'idée de démocratie. Les élites dirigeantes ont profité des avantages du développement économique (éducation, confort de vie, liberté de circuler etc.) mais les populations n’en ont pas profité. Le poids des traditions, des religions et des cultures a été plus puissant que les dividendes de la technologie.

3e point : Compte tenu de cette surpuissance de l’histoire et des cultures, les milieux d’affaires et les chefs d’entreprises internationales sont très prudents. Tout projet de négociation qui aurait pour ambition d’intervenir sur la gouvernance de ces pays, en y introduisant des principes de liberté ou de démocratie, seront voués à l’échec. Il faudra donc, faire avec. Personne ne le dit publiquement mais beaucoup le pensent par nécessité ou cynisme.

A une condition. Les milieux d’affaires pensent aujourd’hui que le seul domaine où la négociation pourrait se déployer est celui du droit international. On peut considérer qu’un pays a la liberté de s’organiser comme il le veut, comme ses dirigeants le souhaitent. On peut aussi envisager de faire du commerce avec eux, à condition que le droit international soit impérativement respecté. A condition que les accords internationaux ne soient pas bafoués. A condition que les territoires ne soient pas violés.

Pour la grande majorité des chefs d’entreprises du monde entier, s’accorder sur le respect du droit international permettrait d’engager un dialogue qui permettrait de définir le contenu de ce droit et les moyens d’en garantir l’application. A terme et au-delà de la guerre en Ukraine, c’est toute l’organisation de la gouvernance internationale qu’il faut remettre à plat. L’ONU, bien sûr avec son sacro-saint conseil de sécurité, le FMI dont la finalité, le poids des charges, les objectifs et les moyens sont bouleversés et l’OMC qui est complètement paralysée.

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