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Dans la tête des Français (et le creux des sondages) : ces questions que se posent ceux qui doutent
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Ami Macron, entends-tu le cri sourd...?

C’est une séquence d’explication particulièrement périlleuse qui s’annonce pour le Président de la République. Après le passage au JT de Jean-Pierre Pernault, jeudi, Emmanuel Macron descendra dans l’arène dimanche face à Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin.

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne est directeur associé chez BVA. Il est aussi co-fondateur de l'observatoire des sondages et tendances émergentes Délits d'Opinion, chargé de cours à l'INSEEC et à la Sorbonne-CELSA.

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Derrière les questions des journalistes, il y aura en toile de fond les doutes des Français. A travers les verbatims du baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion et du baromètre BVA, nous avons dressé les principales récriminations de ces Français mécontents. Ceux que le Président veut reconquérir. 

Emmanuel Macron : un Président au service de qui ? 

« Il fait le boulot pour les riches ». « Il fait les lois pour les riches au détriment des pauvres».

Président des riches : déjà présente lors de son élection, cette critique est encore montée d’un cran parmi les opposants et les déçus d’Emmanuel Macron. L’angle d’attaque n’est pas neuf : on le retrouvait également à l’encontre de Nicolas Sarkozy et dans une moindre parmi les opposants de François Hollande qui l’accusaient d’avoir trahi la cause. 

Mais ici, l’attaque prend un résonnance particulière : OVNI politique, qui a débarqué il y a 4 ans dans la vie publique, Emmanuel Macron s’est affranchi des filtres partisans, empêchant d’inscrire son action dans un corpus idéologique plus grand que lui. 

Conséquence logique, c’est à travers son passé de banquier que son action est de plus en plus lue : « En tant que banquier, il ne peut pas comprendre les souffrances des Français ». « Ayant toujours vécu dans le luxe, il est pour les grandes fortunes. » La critique acerbe laisse supposer que le Président serait prisonnier de son passé. Un filtre puissant que réactivent à l’envi ses opposants politiques.

Est-ce qu’il écoute les Français ? 

« Il manque de démocratie. Il musèle l’opposition et utilise les ordonnances ».  Au diapason avec d’autres critiques, cet habitant du sud qui a voté pour François Fillon reproche au Président son mode de gouvernance. 

D’autres attaques, émanant le plus souvent du Front de gauche et du FN sont moins nuancées : « c’est un dictateur ». Le jugement se fonde tant sur sa pratique du pouvoir que sur ce que l’homme dégage. Car les critiques font la part belle au ressenti : 

« Il fait trop attention à l’image qu’il renvoie. C’est trop sur lui ». « Quand on donne plus d’importance à son nombril qu’à son pays, on ne mérite pas la confiance des Français ». Le contrôle de son image installe une distance, une forme d’insincérité. Comme si la mise en scène et l’aisance indiscutable du Président cassaient paradoxalement le lien aux Français.

Est-ce que les retraités sont les sacrifiés du quinquennat ? 

Dernière question majeure qui sera sûrement au menu des interview, les retraités : la hausse de la CSG, pourtant annoncée, est très largement restituée dans les commentaires hostiles : 

« Il nous pique du fric » 

« 800 euros de prélèvement de CSG en plus :  En marche = Et Mer… »

« Je suis un sacrifié du système, exécuté par un petit chef sans que je sache pourquoi ».

Ce type de critiques est doublement préjudiciable pour le Président : car il s’agit d’abord d’une catégorie sur-mobilisée lors des élections et qui pèse donc plus que son seul poids démographique. Car c’est surtout une critique très concrète et tangible. Souvent « les défiants » s’en remettent à un ressenti, un sentiment pour marquer leur désaccord. Ici, une coagulation s’opère.  Le Président des riches et des plus forts s’en prend aux plus fragiles : les vieux qui prennent de plein fouet la hausse de la CSG. CQFD.

Et, le fait d’avoir annoncé cette hausse lors de la campagne présidentielle ne change rien à l’affaire. Le moment de vérité, c’est l’argent qui manque sur le compte en banque. Une exaspération doublée par le manque ressenti de considération. Dans les critiques affleure le sentiment non seulement de payer, mais aussi d’être méprisé.  En creux il semblerait que le Président dispose d’un levier émotionnel à activer : et si la hausse de la CSG n’était pas une preuve supplémentaire que les ainés sont décidemment les piliers indispensables de la solidarité nationale ? 

Retraités qui payent pour les autres, riches contres pauvres, villes contre territoires :  en toile de fond émerge une société fissurée où chacun se sent potentiellement lésé, où les antagonismes se renforcent, faute de clé de voute capable d’unir les Français. 

La nature a horreur du vide. Sans matrice claire, les réflexes sont réactivés. Ceux du vieux monde peut-être, mais ceux d’un monde où les choses avaient le mérite d’être encodées. A l’inverse, le « en même temps » est d’un équilibre précaire, qui fait toujours peser la menace d’un retour aux filtres partisans d’hier ; C’est d’ailleurs ce qui semble se passer. La critique du libéralisme continue de nourrir les critiques. Le mot apparait à de nombreuses reprises pour justifier la critique du Président Macron.  

Un angle d’attaque bien compris par les syndicats de la SNCF qui tentent de reprendre la main et mettent en scène d’un côté les défenseurs du service public contre les partisans de la  privatisation qui seraient motivés par la seule logique financière.  Les signaux faibles sont à prendre au sérieux. Car d’ici pourrait venir la convergence tant redoutée. 

Etudiants en grève, zadistes, cheminots en colère : dans ce marigot de revendications parfois partisanes ou farfelues émerge une question plus profonde : celle de l’homme.  Quelle place de l’humain dans l'économie de marché, quel rythme de travail pour les cadres rincés par un productivisme à tout crin, quel avenir pour les moins éduqués et les plus fragiles dans le tsunami de la robotique et de l’IA, quelle répartition des richesses pour éviter une paupérisation des classes moyennes ? 

Face à ces questions, deux émissions ne seront pas de trop.

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