Danone : Artisan Partners ou syndicats, qui dit vrai ?<!-- --> | Atlantico.fr
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©Charly TRIBALLEAU / AFP

Double discours ?

La direction de Danone est sous la pression du fonds activiste Artisan Partners qui réclame un « changement urgent » à la tête de ce fleuron français pour faire face à des performances décevantes. De leurs côtés, les syndicats pointent du doigt le risque de démantèlement du groupe et l’abandon programmé de son statut « d’entreprise à mission ». Qui croire dans ce jeu de poker menteur ?

Jean-Baptiste d'Albaret

Jean-Baptiste d'Albaret

Jean-Baptiste d'Albaret est journaliste, consultant éditoral chez Clifluence. 

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« Alerte pour les salariés chez Danone ! Des fonds activistes tentent d'imposer au groupe Danone leur modèle basé sur les seuls profits financiers à court terme avec des risques de répercussions imminentes et graves sur l'emploi, voire un démantèlement du groupe », affirme Force Ouvrière dans un communiqué publié il y a quelques jours. En tentant de pousser le PDG Emmanuel Faber vers la sortie pour réorienter la stratégie industrielle de Danone, les fonds activistes américains menaceraient l’intégrité du fleuron alimentaire français et notamment sa culture d’entreprise sociale et écologique. Une mise en garde reprise à leur compte par l’ensemble des syndicats, de la CGC à la CFDT, avec une unanimité suffisamment rare pour être soulignée.

Dans le viseur des organisations syndicales, les fonds d’investissements CauseWay Capital, Bluebell Capital et surtout Artisan Partners, entré au capital en 2020 et désormais le 3e actionnaire du groupe. Pour eux, Danone « sous-performe» et doit impérativement retrouver un nouveau souffle. Ils réclament une dissociation des fonctions de Président et de Directeur général occupées par Emmanuel Faber, et la revente rapide de certains actifs, notamment la vente de près de 30% des activités eaux et produits laitiers de Danone. Cette opération d’influence savamment orchestrée n’a pas été freinée par les derniers résultats de l’entreprise, pourtant plus rassurants que prévu (14% de marge opérationnelle conservée malgré un chiffre d’affaires en recul de 6,6%). Il faut dire que la multinationale demeure durement frappée par la crise sanitaire et qu’elle n’a cessé de décrocher ces dernières années par rapport à son principal concurrent, Nestlé.

Double discours d’Artisan ?

Qui dit la vérité dans ce jeu de poker menteur ? Et qui bluffe ? La direction et les syndicats pour sauver leurs positions, ou les fonds activistes, pour dégager rapidement de nouveaux profits ?

Artisan Partners est incontestablement la principale force à la manœuvre dans cette opération. Avec 3% du capital, il est le premier actionnaire du groupe, très loin devant CauseWay Capital et Bluebell Capital.

Or, conformément à la loi américaine, les entreprises cotées doivent rendre publiques auprès de l’Autorité des Marchés financiers américaine (Securities and Exchange Commission, la SEC) la plupart de leurs données financières. En particulier, leur vote lors des assemblées générales des actionnaires. Des informations fort utiles pour y voir clair dans le jeu du fonds financier vis-à-vis de Danone. On apprend ainsi qu’il avait voté en 2019 pour la reconduction d’Emmanuel Faber au poste de PDG. Étrange pour un fonds qui souhaite aujourd’hui scinder ces deux postes pour refléter une « gouvernance d'entreprise moderne » et débarquer ce même Emmanuel Faber.

Encore plus surprenant : en juin 2020, Artisan Partners faisait partie des 0,5% de voix qui s’étaient opposées à la transformation de Danone en entreprise à mission, nouveau statut qui enjoint l’entreprise à aller au-delà de la recherche de rentabilité en poursuivant des « objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux ». Une opposition tout à fait compréhensible compte tenu des enjeux d’un tel statut pour un groupe de la taille de Danone. Mais qui discrédite a posteriori les propos de son conseiller et « porte-parole » sur le dossier, Jan Bennink, qui n’a de cesse de rassurer les « danoniens » sur ce statut unique au sein du CAC40 : « C'est une très bonne chose que Danone soit une entreprise à mission » affirmait-il récemment dans Le Figaro.

Ce manque de cohérence sème le doute sur les intentions réelles d’Artisan Partners et semble justifier les craintes des syndicats. De fait, le décalage entre la prise de position publique des fonds activistes et leurs votes en coulisse écorne sérieusement leur crédibilité. Si artisan assure que « seulement » 30% des activités produits laitiers et eaux du groupe pourraient être vendues au plus offrant, comment ne pas imaginer que cette découpe pourrait concerner une part encore plus importante des activités historiques du groupe ? Avec des milliers de suppressions d’emplois supplémentaires à la clef… et alors même que 2 000 suppressions de postes (sur les 100 000 que compte Danone dans le monde) ont d’ores et déjà été annoncées.

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