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D’Espagne en Italie : les ravages de la proportionnelle
©OSCAR DEL POZO / AFP

Politique

Yves Michaud revient sur les systèmes électoraux à la proportionnelle et leurs conséquences en Europe.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Les systèmes électoraux à la proportionnelle (qui comportent des nuances nombreuses) semblent a priori les plus satisfaisant pour « le peuple » qui peut espérer voir sa diversité représentée – avec toutefois le risque que ses représentants soient choisis par les appareils des partis.

Même quand il y a une prime donnée au parti vainqueur, comme en Grèce et en Italie avant la réforme Rosatellum, il est  rare qu’un seul parti puisse gouverner. 

Soit il faut procéder à de nouvelles élections, soit les partis doivent passer des alliances et monter des coalitions. 

Ici encore rien de plus raisonnable sur le papier : des démocrates intelligents doivent pouvoir négocier une plateforme commune en se concentrant sur les points d’accord et en laissant de côté les questions les plus litigieuses. Pendant plusieurs années en Espagne, même en régime majoritaire, des pactes solides ont été passés entre PSOE (socialistes) et PP (populaires de droite) pour mettre hors  polémique politique des questions comme celles du terrorisme ou de l’éducation.

Les longues négociations allemandes pour aboutir à la Grande coalition actuelle (chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et sociaux-démocrates du SPD) sont un bon exemple de « politique raisonnable » de la sorte).

La réussite de la coalition au pouvoir au Portugal (la contraption – geringonça) réunissant le Parti socialiste, le Parti communiste et les Verts en est un autre.

Le problème est que les choses ne se passent pas toujours aussi raisonnablement. 

Soit les coalitions sont de pure opportunité et réunissent comme en Italie récemment des partis rivaux (Ligue du nord et M5S, mouvement Cinqe Stelle, en Italie) ou violemment antagonistes (Syriza en Grèce était allié au parti des Grecs indépendants AN.EL, d’extrême droite souverainiste). Les négociations actuelles en Italie, pour former un nouveau gouvernement en évitant de nouvelles élections, entre le M5S et le parti démocrate (PD), ennemis jurés d’hier, sont un bel exemple de cuisine politique d’opportunité.

Soit il faut se résigner à des gouvernements minoritaires bénéficiant de soutiens momentanés en fonction de distribution d’avantages catégoriels. En Espagne, Pedro Sanchez a  gouverné sans majorité de juin 2018 à avril 2019 avec l’abstention de Podemos et les soutiens au coup par coup des autonomistes basques ou catalans en fonction de ses largesses budgétaires aux autonomies.

Les antagonismes au sein des coalitions peuvent déboucher sur des gouvernements clivés (en Italie Salvini ministre de l’intérieur agissait en premier ministre et Conte avait une présence fantomatique). Pedro Sanchez en Espagne, à la recherche d’une majorité lui permettant de gouverner, négocie depuis les élections d’avril avec Podemos mais il se méfie d’Iglesias et de  Podemos qui voudraient créer un gouvernement dans le gouvernement en se réservant les ministères sociaux. Il n’a pas tort quand on sait que Podemos est un parti ouvertement léniniste et qu’Iglesias est un petit Lénine à queue de cheval, qui entend bien  liquider les Mencheviks-socialistes auxquels il s’allierait.

Bref, la « proportionnelle » n’est ni une panacée, ni un long fleuve tranquille.

Ce qui est encore plus intéressant, c’est la manière dont au milieu de ces embarras, les partis tentent l’impossible pour éviter le retour devant les urnes. 

L’Espagne s’y achemine après trois mois de vide, mais les sondages indiquent que les électeurs n’y sont pas favorables. En Italie, les politiques font leur possible pour éviter des élections qui verraient la Ligue du nord progresser et le M5S  décliner. 

Curieusement, cette peur de l’électeur (qui de toute manière a tendance à reconduire son vote pour affirmer sa souveraineté) est contagieuse. On le voit en ce moment en Angleterre. Surtout ne pas redemander son avis à l’électeur ! On ne sait jamais !

En France nous sommes merveilleusement protégés contre ces errements avec notre scrutin majoritaire. Tout se joue, quinquennat fait loi, en une fois tous les cinq ans. Les élections intermédiaires comptent au mieux comme indications barométriques puisque les Régions n’ont aucun pouvoir, sinon celui de payer les TER, que ce n’est pas plus brillant pour les mairies et que des Européennes, tout le monde se fiche. Le résultat est que tout va bien, que 22% des électeurs ne sont pas représentés, que les coalitions se font lors des investitures (ce qui donne un pouvoir exorbitant aux écologistes ou prétendus tels), et que quand rien ne va, il reste juste la rue en enfilant des Gilets jaunes. 

J’ai quand même le sentiment qu’il faudrait sérieusement repenser la démocratie, aussi bien du côté de l’électeur que du côté des partis...Et que comme on dit à la CGT, « ça ne va pas dans le bon sens »...

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