Cumul des mandats, réforme des mandats locaux : pourquoi François Hollande s'y cassera les dents comme Nicolas Sarkozy avant lui<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans l’opposition, certains préconisent qu’en cas de retour au pouvoir en 2017, une loi permettant de conserver un mandat exécutif local soit votée dès le mois de juillet , à l’instar de l’abrogation du conseiller territorial.
Dans l’opposition, certains préconisent qu’en cas de retour au pouvoir en 2017, une loi permettant de conserver un mandat exécutif local soit votée dès le mois de juillet , à l’instar de l’abrogation du conseiller territorial.
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Réforme maudite

Les sénateurs ont refusé de se voir appliquer le projet de non-cumul des mandats en adoptant dans la nuit de mercredi à jeudi des amendements leur laissant la possibilité de garder un mandat local, contre l'avis du gouvernement.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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François Hollande ferait bien de réfléchir : Sarkozy a perdu le jour où il a perdu les élus locaux...

Entre bataille des retraites et pataquès sur la pause fiscale, le débat parait presque anodin. De toutes façons, la réforme est populaire (a priori) dans l’opinion. D’ailleurs les députés socialistes ont voté la réforme en chantant. Mais les sénateurs vont la rejeter en pleurant. Et pour cause : en leur demandant de voter pour le non cumul d’un mandat parlementaire avec celui d’un exécutif  local (maire , président de conseil général ou président de conseil régional), le gouvernement demande en quelque sorte aux Sénateurs de se faire hara-kiri, puisque ce serait la fin de la Chambre Haute dans sa configuration actuelle, le Sénat étant la chambre des collectivités locales par la Constitution de 1958. Comme c’est l’Assemblée qui a le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres, il deviendrait une sorte « d’Assemblée light » .

Sans remonter au Général de Gaulle qui avait voulu le modifier par le référendum de 1969 avec les conséquences que l’on sait, mais en se souvenant de Lionel Jospin qui avait qualifié l’Institution « d’anomalie de la République », on peut anticiper que François Hollande va lui aussi en payer le prix d’une manière ou d’une autre, comme Nicolas Sarkozy a trébuché sur la réforme territoriale (jamais appliquée).

Nicolas Sarkozy ne s’était pas attaqué directement au Sénat , mais sa réforme aurait eu des répercussions sur la Haute Assemblée à travers son corps électoral : considérant qu’il y avait trop d’élus locaux en France, il avait créé la fonction de conseiller territorial qui fusionnait conseiller général et  conseiller régional. Réforme obscure pour qui ne connait pas les arcanes des collectivités locales, mais réforme insupportable pour le monde des élus locaux décidés à se battre pour leur survie. Et la fonction de conseiller territorial a d’ailleurs été abrogée par la gauche sans jamais avoir été mise en œuvre. Mais depuis, la gauche a fait mieux : au nom de la Parité, elle instaure le doublé : un homme et une femme pour chaque canton, lesquels cantons seront redécoupés et réduits. L’opération est en cours et doit être achevée au printemps, un an avant les élections de 2015. Un redécoupage où les villes plus favorables à la gauche seront mieux représentées. L’opposition crie naturellement au charcutage. Cette réforme pèsera naturellement sur la composition du Sénat :  le gouvernement aimerait l’ancrer à gauche avec plus de proportionnelle, mais si les élections locales se déroulent dans un contexte défavorable au pouvoir, on peut imaginer le résultat. Gare à l’effet boomerang .

Aujourd’hui, on en est à la deuxième phase, celle de la fin du cumul d’un mandat parlementaire avec celui de responsable d’exécutif local (maire, président de conseil général ou président de conseil régional ). Manuel Valls, qui a peu apprécié d’être chahuté au cours du débat , assure que le non cumul « viendra profondément renouveler le fonctionnement de nos institutions et de nos pratiques politiques ». Les adversaires de la réforme, emmenés par le président du groupe RDSE , le radical de Gauche Jacques Mézard, affirment que c’est la « confiscation du pouvoir par les apparatchiks de votre parti … ».

Les sénateurs socialistes sont divisés ; le président du groupe, François Rebsamen, qui est aussi maire de Dijon (et entend le rester), explique qu’il « ne voit pas comment les Grands électeurs qui sont maires, ou membres d’exécutifs locaux, dans leur grande majorité, pourraient confier la mission de représenter les collectivités territoriales à un autre élu que l’un des leurs », et il a proposé de scinder le cas des députés et des sénateurs, en créant la fonction de sénateur maire. Conscient de l’impopularité du cumul, il propose également l’interdiction de cumuler les indemnités. Les sénateurs espèrent que leur cas sera pris en considération par le Conseil Constitutionnel, mais le ministre de l’Intérieur est sûr de son fait : pas d’exception pour une catégorie de parlementaires et de toutes façons, assure-t-il  «  l’Assemblée aura le dernier mot », des mots qui ont profondément irrité son auditoire.

Le conseiller parlementaire de François Hollande qui assistait aux débats semblait préoccupé par la violence de certains échanges. Quant à François Hollande, qui a longtemps cumulé son mandat parlementaire avec la fonction de maire de Tulle, puis de président du conseil général de la Corrèze, il n’ignore pas les réticences de ses amis. Lorsque ceux-ci s’ouvrent à lui, il leur explique que « c’est l’œuvre de Martine », entendez Martine Aubry, lorsqu’elle était première secrétaire du PS. Il faut dire que la maire de Lille (qui cumule ses fonctions avec la présidence de la communauté urbaine) a beaucoup œuvré pour que François Hollande fasse du non cumul un de ses engagements de campagne. C’est un thème qui fait  vibrer les militants socialistes ; on a encore pu le constater à l’université d’été de la Rochelle. Et pourtant, en digne héritier de François Mitterrand, qui défendait l’ancrage local, le président de la République aurait pu freiner la mise en œuvre de cette réforme qui va, ( si elle est mise en œuvre), profondément modifier le paysage politique français.

Tellement qu’elle ne sera effective qu’en 2017 : en effet son application dès 2014 aurait provoqué un petit séisme à l’Assemblée en raison du nombre d’élections partielles qu’auraient provoqué les démissions de députés choisissant leur Mairie ou leur présidence de conseil général ou régional. La majorité était menacée…

Dans l’opposition, certains préconisent qu’en cas de retour au pouvoir en 2017, une loi permettant de conserver un mandat exécutif local soit votée dès le mois de juillet, à l’instar de l’abrogation du conseiller territorial. En attendant, les élus locaux vont distiller leur grogne dans les réunions locales et toucher beaucoup, beaucoup d’électeurs …François Hollande devrait y penser !

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