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Avis aux amateurs de rigueur : les bons élèves de l'Europe du nord en matière de déficits sont loin d'être les meilleurs en matière de croissance
©Reuters

Relance ou réduction des déficits ?

Si l'Allemagne occupe la place de moteur de la croissance de l'économie européenne, le défaut d'investissement du pays participe à retarder la relance dans la zone euro... De même que l'objectif de réduction des déficits qui interdit toute relance budgétaire.

Christophe Blot

Christophe Blot

Christophe Blot est économiste à l'OFCE, au Département analyse et prévision. Ses spécialités sont le commerce extérieur, les crises financières et les politiques monétaires.

 

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Atlantico : La Commission européenne a récemment publié ses prévisions économiques des pays européens (zone euro et hors zone euro) pour 2016 et 2017 (voir ici). Les pays de la zone euro sont tenus de rester en-dessous des 3% et de ne pas dépasser 60% du PIB. Les pays les plus vertueux en termes de déficits sont-ils également ceux qui bénéficient de plus de croissance ? A ce titre, quel comparatif est-il possible de faire entre les pays "vertueux" de la zone euro, et ceux qui, comme la Suède, sont en-dehors ?

Christophe Blot :On ne peut pas dire que les pays les plus vertueux sont ceux qui bénéficient toujours de la croissance la plus forte, il y a plusieurs cas de figures.

L'Allemagne, qui est le pays moteur de la croissance européenne depuis plusieurs années, est certes en situation d'excédent budgétaire, ce qui pourrait en faire un pays plus vertueux en comparaison avec l'Espagne ou la Grèce, qui ont des niveaux de déficits plus élevés et des niveaux de croissance globalement plus faibles. En matière d'efforts budgétaires en revanche, ces derniers ont fait beaucoup plus d'efforts que l'Allemagne pour réduire les déficits, et pour autant ces pays ont souffert d'une forte récession.

En-dehors de la zone euro, la Suède et le Royaume-Uni obtiennent des niveaux de croissance plus élevés que dans la zone euro mais des niveaux de déficits différents, plus élevés au Royaume-Uni qu'en Suède. On ne peut donc pas nécessairement faire de lien, à travers ces différents cas de figures, entre déficit et croissance. Ce que montrent les travaux récents en revanche, c'est que la consolidation budgétaire a cassé la dynamique de reprise qui avait pointé fin 2009-début 2010 dans la zone euro.

Qu'est-ce qui aujourd'hui paraît le plus efficace pour relancer la croissance ? Peut-on tirer des enseignements de la comparaison entre l'Allemagne et les Etats-Unis sur le rapport croissance / déficits par exemple ?

Aujourd'hui, la zone euro a un niveau de chômage de 10,2% en mars, un indice des prix en baisse (alors que l'objectif d'inflation de la BCE est de 2%), et elle souffre d'un déficit d'investissement plus important. S'il doit y avoir une stratégie de relance dans la zone euro, elle doit passer par une politique monétaire qui resterait accommodante, comme le fait la BCE actuellement, et par un plan de soutien à l'investissement comme le plan Juncker, lequel reste sous-calibré par rapport aux besoins en matière d'investissement privé et public. 

Aux Etats-Unis, le contexte économique n'est pas le même. Le chômage a beaucoup baissé, même s'il reste des déséquilibres sur le marché du travail. Mais globalement, la reprise est consolidée malgré l'environnement international. Les Etats-Unis vont continuer à réduire progressivement leurs déficits, et vont garder leur politique monétaire qui, bien qu'en voie de normalisation, demeure expansionniste. Leur stratégie est donc plutôt bonne, là où la zone euro n'a pas su trouver les outils pour sortir de la crise en 2010-2011 et a plutôt mené des politiques budgétaires qui l'ont aggravée.

Selon ces mêmes projections, l'Allemagne devrait aligner plusieurs années de balance commerciale excédentaire, à plus de 8% de son PIB. Pourtant, cette position est considérée comme excessive par la Commission européenne. En quoi s'agit-il d'un problème au sein de la zone euro ? Comment expliquer que cette question ne fasse pas l'objet d'une attention particulière de la part des autorités, au contraire de la question des déficits ?

Cette situation de l'Allemagne est symptomatique des difficultés auxquelles les économies européennes sont confrontées. D'un côté, ce solde excédentaire peut paraître comme un signe favorable de la capacité du pays à exporter. Mais la balance courante, c'est aussi l'équilibre entre l'épargne d'une nation et les investissements d'une nation. Plus le niveau d'épargne est élevé, plus le solde courant est élevé. Celui de l'Allemagne est lié au fait que le pays n'investit pas assez.

Ensuite, on considère que la crise européenne est aussi la conséquences des déséquilibres qui se sont accumulés au sein de la zone euro entre 1999 et 2007 ; déséquilibres caractérisés par de forts excédents en Allemagne et de forts déficits en Espagne. Aujourd'hui, l'Allemagne a maintenu ses excédants alors que l'Espagne a largement fait baisser ses déficits par manque de croissance. Cette correction s'est donc uniquement faite par les pays qui ont réduit leurs dépenses et non par des politiques d'investissements reflationnistes qui auraient pourtant permis de corriger les déséquilibres.

Sur le plan institutionnel, les réformes de la gouvernance européenne ont permis de mettre sur la table l'ensemble des déséquilibres macro-économiques dont les déséquilibres du compte courant, mais avec des règles moins contraignantes que celles portant sur le niveau de déficit budgétaire. Cela devrait pourtant faire l'objet d'une politique plus coordonnée entre les pays de la zone euro pour que les ajustements budgétaires ou de compétitivité ne reposent pas que sur un noyau de pays - l'Espagne, ou la Grèce -, mais également sur ceux qui ont aujourd'hui des marges de manoeuvre pour mener des politiques de soutien plus actives en matière budgétaire et de dynamisme des salaires. Autrement dit, l'Allemagne pourrait jouer un rôle plus actif pour le rééquilibrage de la zone euro.

Au regard des diverses expériences internationales, comment évaluer le "mix" politique adéquat ? Quelles sont les stratégies ayant été les plus efficaces pour sortir de la crise de 2008 ?

La différence entre les Etats-Unis et la zone euro tient également au fait que les schémas institutionnels ne sont pas neutres. En Europe, il y a des contraintes de réduction des déficits fortes pour les pays et un budget européen inexistant, alors qu'il existe une solidarité budgétaire via le budget fédéral aux Etats-Unis. Ce que montrent les différents travaux, c'est que la consolidation budgétaire a un impact négatif fort sur la croissance, et c'est ce que l'on a vu en Espagne, en Grèce, en Italie, en Irlande et dans une moindre mesure en France. 

Du côté de la politique monétaire, la Fed et la Banque d'Angleterre ont pu mettre en place des outils plus actifs que la BCE. Cette dernière a pu répondre à des problèmes ciblés comme les taux d'intérêts sur les dettes souveraines, mais la Fed et la Banque d'Angleterre ont été plus pro-actives, et ont accompagné la relance. Cette différence est évidemment liée aux contraintes institutionnelles de ces différents pays.

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