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La façade de la Cour des comptes. Paris, le 16 février 2022
La façade de la Cour des comptes. Paris, le 16 février 2022
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Conjoncture économique

La conjoncture de la France ne fait pas l'objet d'un plein consensus des observateurs qualifiés. Partons par conséquent des données de l'Insee qui vient de publier, le 7 Février, un point de conjoncture. Document à la fois minutieux et optimiste ce qui lui donne un goût étrange. La réalité réside dans les défis qui s'offrent frontalement à notre pays, notamment l'érosion du pouvoir d'achat et la perte de compétitivité.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Soyons précis en citant le texte de l'Insee :

" Malgré une consommation en baisse dans les principales économies de la zone euro, l’activité économique y a été globalement stable au quatrième trimestre 2022, les effets de la crise énergétique apparaissant à ce stade moins marqués que ce que l’on pouvait craindre.

En France, les enquêtes auprès des entreprises suggèrent une situation conjoncturelle tout à la fois hésitante et relativement résistante, même si la confiance des ménages reste quant à elle dégradée. La croissance resterait ainsi légèrement positive (+0,2 % prévu au premier puis au deuxième trimestre 2023), portant l’acquis à mi-année à environ +0,6 % pour 2023.

Le glissement annuel des prix à la consommation est relativement stable depuis l’été, autour de 6 %, mais la contribution de l’alimentation devance désormais celle de l’énergie. Cette dernière resterait toutefois importante en février, avec la revalorisation du tarif réglementé de l’électricité, puis elle refluerait nettement par « effet de base ». En juin 2023, l’inflation d’ensemble se situerait ainsi autour de 5 % sur un an, mais l’inflation sous-jacente (d’où sont retirés les prix les plus volatils) se maintiendrait un peu au-dessus de 5,5 %."

Il y a longtemps que l'on sait que la consommation est un des piliers de la croissance et il est probablement avisé de relever que le moral des ménages tiré à la baisse ne saurait porter une consommation des ménages vivace.

2023 est une année fortement anxiogène en termes d'inflation – que l'Insee cible à un niveau par trop éloigné de la réalité de la vie quotidienne de nos concitoyens ( prix alimentaires ) – et en termes d'énergie.

Il nous est rapporté que cette dernière variable serait désormais moins active : ce n'est pas le fruit des constatations territoriales. Les prix à la pompe sont clairs et au-dessus de deux €uros le litre tandis qu'une nouvelle tension surgit à travers l'importance de la Russie lorsqu'on parle spécifiquement de capacités de raffinage du carburant diesel.

L'énergie est une question qui demeure rugueuse et soumise aux aléas de la géopolitique qui permettent aux compagnies pétrolières ( Total Énergies, Shell, BP, Exxon ) d'engranger des profits nets aussi impressionnants que révélateurs de la volatilité des marchés. Le débat éthique sur les "superprofits" est un autre point mais l'idée que notre champion national ne soit pas incité à effectuer un geste commercial ( ristourne ) en direction des usagers de la route semble une faute politique.

En conservant jalousement ses acquis, ce qui est son droit, TOTAL Énergies se prive d'une bonne compréhension de sa stratégie par le consommateur. Ronchon un jour, boycotteur potentiel aux beaux jours.

Source Insee :

" L’activité économique française a ralenti au quatrième trimestre 2022 (+0,1 % après +0,2 % au troisième). Le « coup de froid » anticipé dans un contexte de choc sur les coûts du gaz et de l’électricité pour les entreprises s’est ainsi traduit par un ralentissement et non un recul, malgré une consommation en net retrait. En particulier, la production industrielle a mieux résisté que prévu en fin d’année. "

Ceci est juste mais n'est pas confirmé par les premières tendances de 2023. La violence des hausses des prix de l'électricité ( toujours liée au plan européen au prix du gaz ) et l'impact sur l'artisanat ( boulangers en-tête ) font craindre des faillites en cascade dans des secteurs où la forme juridique rend le commerçant responsable du passif net sur ses biens personnels.

Quel métier peut accepter de perdre son job et sa chemise dans ce fracas ?

S'agissant du Point de conjoncture de l'Insee, il laisse songeur.

" Fin 2022, l’investissement a quant à lui continué de progresser en France mais en ralentissant, envoyant un signal en demi-teinte. Par ailleurs, les exportations ont fléchi, du fait des produits manufacturés, mais le solde d’opinion sur les carnets de commandes étrangers reste autour de sa moyenne de longue période.

Au total, la croissance du PIB français resterait légèrement positive au premier semestre 2023 (+0,2 % prévu au premier trimestre comme au deuxième). "

En effet, il refuse d'utiliser le vocable de retournement, énonce des propos balancés comme dans une copie de philosophie  ( voir la notion utilisée de " signal en demi-teinte ) et n'aborde pas la plaie du commerce extérieur qui témoigne de la phase de désindustrialisation que la France commence à subir du fait des coûts de l'énergie et de l'impact de la législation fédérale nord-américaine : IRA qui est un aimant pour nos entreprises européennes.

Notre pays est confronté à l'arrivée à échéance de nombreux PGE ( prêts garantis par l'État ) avec des difficultés techniques : ainsi, la cotation Banque de France n'aide pas les PME à se refinancer ou à renégocier les échéances initialement convenues du PGE.

La hausse des taux d'intérêt est, hic et nunc, un frein pour l'essor des PME et elle est aussi un facteur aggravant de fragilité d'entreprises importantes.

Ce sont ainsi près de 10.000 emplois qui sont menacés si l'on regarde attentivement les dossiers Camaïeu, Toupargel, André, Kookaï, Go Sport, etc.

Parallèlement à cette sinistralité, il faut noter qu'hors intérim, le secteur industriel a enregistré une hausse de ses effectifs de + 0,1%  ( T4 2022 ) à comparer aux + 0,5% du trimestre T3.

Le point de conjoncture est respectable par construction, néanmoins il use d'une sémantique habile pour ne pas souligner et surligner les dossiers qui fâchent. La comparaison avec les travaux de Rexecode pilotés par Denis Ferrand apporte un éclairage que je n'hésite pas à qualifier d'instructif.

A titre d'exemple :  http://www.rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Analyse-et-diagnostic/La-situation-financiere-des-entreprises-francaises-et-americaines-face-aux-crises

La France ne cesse de reculer en termes de parts de marché. Ainsi, notre pays était au-dessus de 5,1% en 2000 pour ce qui concerne la part des exportations ( en valeur et exprimée en U.S dollars ) rapportée aux exportations mondiales. Puis 3% entre 2010 et 2015 et désormais 2,5% en 2022.

Donc : nous voyons tristement nos parts de marché divisées par 2 en 20 ans. Ce fait est considérable ne serait-ce que par l'effritement sérieux de l'appareil industriel et commercial qu'il illustre comme une gifle.

Parallèlement, la situation des Finances publiques devient préoccupante.

L'opinion publique sent parfaitement qu'un pays lesté de 3.000 milliards de dettes est une entité soumise à de futures ponctions fiscales.

La lecture du rapport sur la France émis par le Fonds Monétaire International ( Janvier 2023 ) est édifiante. Le FMI considère en effet que l'actuelle gestion gouvernementale aboutira à un déficit budgétaire de 4,5% du PIB en 2027. Il préconise vivement qu'un plan de restriction des dépenses publiques soit mis en place à hauteur de 2,7 points de PIB d'ici à 2027.

Notre défi national est ainsi chiffré à près de 75 Mds d'€uros. Ce qui représenterait une révolution copernicienne pour le pouvoir macronien habitué dès 2017 à l'ivresse de la dépense publique débridée. 

Comme l'a rappelé le HCFP ( Haut-Conseil des Finances Publiques ), il est désormais chaque mois plus regrettable que la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques n'ait pas été votée par le Parlement malgré les exhortations appropriées de la Commission des finances du Sénat.

En conclusion, je soumets un comparatif fort instructif au lectorat d'Atlantico.

La réforme des retraites est supposée permettre des économies de 17,7 Mds mais voit ce chiffre diminué de près de 11 milliards du fait des " gestes " du Gouvernement.

Tous ces tracas et tout ce fracas pour moins de 10 Mds à horizon 2027.

Pour ma part, j'énonce ici un fait corrosif : la hausse issue de la remontée des taux d'intérêt qui va affecter chaque année la charge des emprunts de notre dette publique sera supérieure aux gains nets de la réforme des retraites de 2023.

Heureusement que Jean-Pierre Raffarin a encore récemment proclamé avec vigueur que " Macron c'est le meilleur ! ". Il semble que les chiffres publics soient réticents face à un si beau jugement de valeur…

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