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Crise sanitaire : les brasseries artisanales trinquent
©ERIC FEFERBERG / AFP

Secteur fortement impacté

La fermeture prolongée des cafés, bars et restaurants ainsi que l’annulation de tous les grands événements culturels et sportifs de l’été plonge les brasseries dans une crise sans précédent. Parmi elles, les brasseries artisanales sont les plus touchées.

Emmanuel  de Préval

Emmanuel de Préval

Emmanuel de Préval est dirigeant chez Barnum, un distributeur spécialisé dans la fourniture des événements.

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Le chiffre est stupéfiant. Les Brasseurs de France ont estimé qu’au moins 10 millions de litres de bière allaient être détruits par les brasseurs français, faute de pouvoir être consommés à temps. Essentiellement en fait des bières artisanales, souvent non pasteurisées, très en vogue depuis quelques années mais qui sont nettement plus fragiles que les grandes bières industrielles. « Si on les garde trop longtemps, quand elles dépassent deux à trois mois de conservation, les effets olfactifs et gustatifs, l’arôme disparaissent » explique Maxime Costilhes, le délégué général du principal syndicat des brasseurs français.

Des pertes de chiffre d'affaires sans précédent

La crise est d’autant plus brutale pour le monde de la brasserie qu’il se remettait depuis plusieurs années d’une longue période de récession et revivait un nouveau printemps avec le développement spectaculaire de nombreuses brasseries artisanales. En quelques années, le nombre de brasseries est en effet passé en France d’une trentaine d’établissement à près de 2 000 structures, essentiellement artisanales, qui ont instillé un vent de nouveautés et un intérêt renouvelé des consommateurs pour la bière. Les chiffres de la consommation étaient repartis à la hausse dans tous les circuits depuis 5 ans.   

Cette année en dépit des apéros Skype ou autres Whatsappéro, les ventes d'alcool s’effondrent globalement en France depuis mi-mars. Les cafés-hôtels-restaurants (CHR) totalement à l'arrêt, c’est mécaniquement environ 30% des volumes des grandes brasseries qui disparaît. Cependant fortement implantées dans la grande distribution, elles bénéficient de la bonne santé des ventes de bières dans ce circuit qui selon IRI France ont augmenté de plus de 9 % depuis le début du confinement (évolution globale en hypers, supers, magasins de proximité et e-commerce).

Les brasseurs artisanaux (moins de 200 000 hectolitres par an) quant à eux ne sont que 20% à être présents en supermarchés et se retrouvent privés de leurs principales sources de débouchés que sont les bars et événements locaux. Certaines de ces brasseries observent jusqu'à 90% de perte de chiffre d'affaires et se retrouvent particulièrement affaiblies alors que 60% d’entre elles ont été créées dans les trois dernières années (on dénombre 450 créations sur la seule année 2019). « Une entreprise sur trois est en grande difficulté » selon Jean-François Drouin, le président du Syndicat des Brasseurs indépendants.

Si les incertitudes sont encore fortes pour les près de 150 000 débits de boissons et restaurants dont la date et les conditions de réouverture ne sont pas encore connues, la situation est encore plus sévère pour les événements culturels et festifs dont la plupart ne pourront avoir lieu cet été. Ces multiples festivals et rendez-vous estivaux sont traditionnellement un débouché naturel pour les brasseurs artisanaux avec des organisateurs qui privilégient de plus en plus la production locale. 

Entre solidarité et système D la résistance s’organise

Face à cette situation d'une gravité exceptionnelle, les brasseurs s'unissent, tentent de trouver de nouveaux circuits de distribution et appellent les consommateurs à l’aide.

Très offensif, le syndicat Brasseurs de France a lancé une plateforme solidaire et collaborative "Tournée solidaire" avec des consommateurs appelés à faire un don ou un prêt solidaire à leur brasserie artisanale préférée. De son côté le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (SNBI) communique sur un site « Solidarité-brasseurs » une carte recensant tous les brasseurs « près de chez vous » qui accueillent les clients en drive ou proposent des livraisons en local.

Car ce sont bien en effet les livraisons directes à domicile qui se développent un peu partout. En Ile-de-France la plupart des brasseries se sont lancées avec des packs spéciaux à partir de 24 bouteilles livrées en intramuros. Les drives dans un tiers-lieu regroupant plusieurs producteurs locaux se développent également favorisant la tendance générale à la consommation locavoriste.

Il y a aussi ces initiatives originales qui suscitent la curiosité comme ces brasseries montpelliéraines et leur pack « Brasseurs unis montpelliérains » ou ces roubaisiens qui ont créé un calendrier de l’Avent revisité avec « 18 bières locales pour les 18 jours nous séparant du 11 mai" ou encore ce bar lillois qui a lancé la "Confinouze, la bière du confinement » dont le premier brassin de 1.000 litres est parti très rapidement en une semaine…

Pas de quoi néanmoins sauver une année 2020 qui aura pour toute la filière un goût aussi amer que celui d’un plan de houblon.

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