Crise financière en Europe : la BCE au chevet du risque de contagion italien<!-- --> | Atlantico.fr
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Il serait important que la BCE montre son engagement dans la crise en cours, qu'elle démontre qu'elle est attentive aux développements qui ont lieu, notamment sur l'Italie.
Il serait important que la BCE montre son engagement dans la crise en cours, qu'elle démontre qu'elle est attentive aux développements qui ont lieu, notamment sur l'Italie.
©FILIPPO MONTEFORTE / AFP

La crise saison 8

Les tensions internes à la zone euro n'en finissent pas de revenir sur le devant de la scène, le dernier épisode en date étant le vote "non" au référendum italien. Dans un contexte politique troublé, le conseil des gouverneurs de la BCE se réunira ce jeudi pour prendre, ou non, les mesures qui s'imposent.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce jeudi 8 décembre, Mario Draghi annoncera la décision du conseil des gouverneurs de la BCE dans un contexte politique troublé par la victoire du non au référendum italien, et celle de Donald Trump aux États Unis. Quelles sont les actions attendues de la part de la BCE ? Est-elle encore en mesure d'apporter son soutien à l'économie européenne ?

Nicolas Goetzmann : Dans un premier temps, Mario Draghi va annoncer les nouvelles anticipations de croissance et d'inflation pour l'année en cours ainsi que pour 2017 et 2018. Puis, sur la base de ces anticipations, la BCE est à même de proposer une action en accord avec son mandat, qui est de stabiliser le niveau d'inflation à un niveau proche mais inférieur à 2%. Au regard des différentes annonces faites au cours de ces dernières semaines, les opérateurs des marchés financiers semblent croire que la BCE annoncera une prolongation de son opération d'assouplissement quantitatif, qui consiste en l'achat de 80 milliards d'euros de titres par mois, et qui a pour objectif "d'injecter" de la monnaie dans le système, et ainsi de stimuler la demande, c’est-à-dire la somme de la croissance et de l'inflation. Pour le moment, ce programme est prévu pour s'arrêter en mars 2017, et il pourrait être poursuivi pendant une période supplémentaire de 6 mois, avec une nouvelle limite fixée en septembre.

En effet, les incertitudes politiques actuelles sont susceptibles d'affoler les bourses européennes, notamment les taux d'intérêt, mais pour le moment, le calme est maintenu en raison d'une confiance retrouvée dans la capacité d'action de la BCE de Mario Draghi. Dans ce contexte, il serait en effet important que la BCE montre son engagement dans la crise en cours, qu'elle démontre qu'elle est attentive aux développements qui ont lieu, notamment sur l'Italie. Une déception de ce côté pourrait alimenter les risques. Une Banque centrale a précisément pour rôle de stabiliser un contexte macroéconomique, elle est donc jugée sur sa réactivité par rapport à des évènements. Ces évènements ont eu lieu, entre l'Italie, le Brexit, Donald Trump etc. désormais, l'institution monétaire est attendue au tournant.

S'agit-il réellement du rôle de la BCE de venir "au secours" d'un contexte certes difficile, mais purement politique ?

La question pourrait se poser si la BCE n'y était pour rien dans la défiance des populations à l'égard de l'Europe. Depuis 2008, la zone euro fonctionne à mi régime, c’est-à-dire que son taux de croissance a plus ou moins été divisé par deux par rapport à la décennie précédente, il ne s'agit pas d'une fatalité, mais bien d'une trop grande frilosité de la part de BCE depuis la survenance de la "Grande récession". Si le chômage de la zone euro est à la baisse, celui-ci vient tout juste de passer sous la barre des 10%, il convient quand même de noter que les États Unis, le Royaume Uni, ou le Japon, ont des taux de chômage respectifs de 4.6%, 4.8% et 3%. Or, ces pays ont mené des politiques monétaires bien plus agressives que celle de la BCE, c'est bien la seule différence. Il faut vraiment se rendre compte d'une réalité, le plein emploi n'est pas une question économique, en ce sens que l'on sait comment faire pour y parvenir, c'est une question politique, c’est-à-dire que la zone euro n'a simplement pas fait le choix, politiquement parlant, du plein emploi. Évidemment, un tel choix a des conséquences sur les populations, et il ne faut pas tellement s'étonner que celles-ci votent "mal". Mario Draghi sait tout cela, et pour le moment, il est possible de lui reconnaître le fait qu'il essaye de faire ce qu'il peut au sein d'institutions qui lui sont parfois hostiles. Ce n'est vraiment pas suffisant, mais il aurait besoin de soutiens politiques pour aller plus loin, ce qui aurait également pour conséquence de "heurter" les positions allemandes.

Existe-t-il d'autres options que la BCE pourrait mettre en place ? Quelles sont les contraintes et les limites qui pèsent encore aujourd'hui sur l'institution de Francfort ?

En théorie, la BCE a des capacités illimitées pour soutenir la croissance européenne, pour que celle-ci retrouve son plein potentiel. Pour la France, cela conduirait à un doublement pur et simple de la croissance de la demande (soit la somme de la croissance et de l'inflation). En pratique, c'est bien sûr plus compliqué, et ce, pour plusieurs raisons. La première est le mandat de la BCE, qui ne vise pas le plein emploi, mais qui vise une inflation proche mais inférieure à 2%. Le mandat lui-même est insuffisant et celui-ci n'est même pas rempli, parce que l'inflation s'affiche toujours à 0.5%, et qu'elle n'a pas été supérieure à 1% depuis déjà 3 ans. La deuxième est que les pays du nord, Allemagne en tête, sont satisfaits de la situation actuelle et veulent donc freiner les ambitions de Draghi, il est fréquent que la Bundesbank indique que Draghi va trop loin, ce qui vient affaiblir le message du Président de la BCE. Enfin, la troisième raison est d'ordre plus technique. Le plan d'assouplissement quantitatif a été mal ficelé, en cela qu'il pourrait être beaucoup plus efficient si la BCE indiquait qu'elle procéderait à l'achat de titres pour 80 milliards par mois jusqu'à ce que l'objectif des 2% d'inflation soit atteint. Au lieu de cela, et en indiquant une limite de temps, les marchés financiers restent dans l'incertitude de savoir si l'objectif sera atteint, et cela laisse planer un fort doute sur la volonté réelle de la BCE d'y parvenir. Dans sa dernière interview Mario Draghi a ainsi indiqué "Comment pouvons-nous contribuer au mieux à la confiance et à la stabilité ? En remplissant notre mandat" (2% d'inflation). Si Mario Draghi veut être cohérent aujourd'hui, il choisira cette option d'un QE dont l'issue serait conditionnée à la satisfaction de l'objectif. Mais la Bundesbank, et d'autres, veillent au grain.

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