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Crise : qui nous sauvera ?
Les politiques ou les marchés ?
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Crise européenne

Alors que l'Europe vient de lancer un nouveau plan de sauvetage pour la Grèce et tente de sortir de la crise de l'Euro, d'où viendra le salut ? Réponse de l'économiste Nicolas Bouzou.

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Atlantico : L'un de vos ouvrages s'intitule "Le capitalisme idéal". Dans quelle mesure, selon vous, le capitalisme que nous connaissons est-il remis en cause par la crise que traverse aujourd'hui la zone euro ?

Nicolas Bouzou : Cette crise n’est pas une crise du capitalisme au sens où seuls les mécanismes de marché seraient en cause. En réalité, les économies développées ont connu depuis 2007 une immense purge, une grande remise à zéro des compteurs. Pendant des années, les régulateurs financiers ont été maladroits, les États mal gérés, le secteur privé myope. Tous le monde est responsable de cette crise qui est la conséquence d’interactions mortifères entre des erreurs de politiques publiques et de mauvaises anticipations des marchés.

Le capitalisme ne peut pas être idéal, et le titre de mon livre relevait de l’oxymore, mais les institutions du capitalisme sont plus plastiques qu’on ne le croit. De bonnes politiques publiques peuvent faire des miracles. Regardez ce que la France a accompli dans un tout autre domaine, celui de la sécurité routière. Nous sommes devenus un exemple mondialement reconnu. Dans le champ économique, regardez ce qu’a fait Oséo pendant la crise. Aujourd’hui, le monde entier vient visiter Oséo. A l’inverse, certaines mesures de politiques économiques peuvent avoir des conséquences dramatiques. Les 35 heures par exemple. Le même raisonnement vaut pour le privé. Pendant des années, les banques ont poussé les banques centrales à maintenir des taux d’intérêt très bas, ce qui a entraîné la formation de bulles un peu partour, et leur éclatement en 2008.


Mais alors qui nous sortira de la crise européenne : les marchés ou les dirigeants politiques ?

Les marchés sanctionnent le fait que les États dans les pays développés sont surdimensionnés en termes de coût. Ils sont plutôt efficaces pour ça, même si en réalité, ils ont mis beaucoup de temps à réagir, et ils ont pendant longtemps sous-estimé le risque souverain. Mais fondamentalement une réponse politique est nécessaire.

Au niveau supranational il faut renforcer l’intégration économique européenne. Un grand pas a été fait dans ce domaine au sommet de Bruxelles. Au niveau national, nous devons redéfinir le périmètre de nos États, en particulier en matière de protection sociale. Nous avons collectivement vécu au-dessus de nos moyens pendant 30 ans. Les marchés nous sanctionnent aujourd’hui. Les politiques doivent agir en conséquence. Ce chantier-là a à peine été entamé.


Peut-on encore faire confiance aux marchés après les dérives de la crise de 2008-2009, puis celles qui ont plongé la Grèce dans la crise ?

Une confiance totale non puisque, comme je l’ai souligné, les marchés ont sous-estimé longtemps les risques. Mais les États commettent aussi des erreurs. Des crises très violentes comme celle de 2007-2009 viennent des effets cumulatifs de ces erreurs.

Mais on peut aussi aider les marchés à mieux fonctionner. En augmentant la transparence et en développant les marchés organisés, et instaurant plus de concurrence sur le marché des agences de notation, en adoptant des politiques économiques plus claires et surtout plus ancrées dans le long terme. Prenez le cas de la France : comment voulez-vous que le capitalisme français fonctionne de façon optimale avec une telle instabilité fiscale ?

Comment jugez-vous l'action des dirigeants politiques pour sortir de la crise, notamment celle de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ?

Plutôt bonne, en tous cas sur les mesures de court terme. Créer un fond de soutien pour permettre à l’État grec de se refinancer, aller vers un marché obligataire européen… tout ceci est absolument nécessaire. Mais ce n’est pas le fond du problème. Le fond du problème, c’est qu’un certain nombre de pays européens ont une croissance économique trop faible depuis longtemps, un chômage de masse opiniâtre et une dépense sociale incontrôlée.

D’une certaine façon, les pays riches ont vécu au-dessus de leur moyen via une fuite dans l’endettement public ou privé, et ils le paient aujourd’hui. Ce sont ces problèmes qui doivent intéresser les politiques en priorité. En tous cas ceux qui veulent s’intéresser aux racines du mal.


Quelle Europe économique pour demain ? L'euro est-il déjà mort ?

Non, mais certains problèmes importants n’ont pas du tout été adressés. Par exemple le niveau de l’euro / dollar. L’emploi industriel en France, en Espagne, en Italie, au Portugal, s’effondre quand l’euro passe la barre de 1,35 dollars. La vérité, c’est que dans ces pays là, on ne peut pas avoir de reprise économique forte sans un taux de change beaucoup plus favorable aux exportations. Il faut donc que les ministres des finances européens se mettent d’accord sur ce diagnostic, et négocient une intervention  sur le marché des changes avec les BCE et, mieux encore, la Fed et la Banque du Japon. C’est possible et c’est même juridiquement prévu dans le traité de Maastricht. Mais on n’en parle jamais. Or, sans dépréciation du taux de change, la réduction des déficits budgétaires est impossible car elle asphyxie l’économie.

D'un point de vue médiatique, avec cette nouvelle crise, le capitalisme de marché n'est-il pas discrédité définitivement ?

En France, il n’a jamais été populaire. Mais quand on voyage un peu, on voit que le couple démocratie /capitalisme n’a jamais été aussi populaire. C’est vrai dans les pays émergents, dans le Maghreb, ou dans certains pays européens qui se portent très bien. Je pense à l’Allemagne, mais aussi à l’Autriche, aux Pays-Bas ou à la Finlande.

La France souffre d’une sous-culture économique. C’est pourquoi je milite pour une redéfinition des programmes d’économie dans le secondaire, un chantier qui devrait être selon moi prioritaire.

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