RTE, CRE, DNTE, législateur captieux : les artisans de notre ruine<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
RTE, le Gestionnaire du Réseau de Transport d'Electricité.
RTE, le Gestionnaire du Réseau de Transport d'Electricité.
©Eric PIERMONT / AFP

Crise énergétique

Chaque jour écarte ainsi un peu plus le rideau sur le montant réel des sommes abyssales jetées et prêtes à être jetées dans le tonneau des Danaïdes d’une loi de transition énergétique pour la croissance verte dont notre Président continue de célébrer en grande pompes la mise en œuvre.

André Pellen

André Pellen

André Pellen est Ingénieur d’exploitation du parc électronucléaire d’EDF en retraite, André Pellen est président du Collectif pour le contrôle des risques radioactifs (CCRR) et membre de Science-Technologies-Actions (STA), groupe d'action pour la promotion des sciences et des technologies.

Voir la bio »

En novembre 2012, RTE publiait sa stratégie d’investissement dans le réseau de transport, découlant de l’évolution du mix énergétique devant émerger du « débat national » – la mascarade DNTE – programmé pour le printemps 2013. Non seulement la validation de cette stratégie par la CRE, dès juillet 2012, ne faisait pesait sur elle et sur ses motifs un œil guère critique – considèrant que ce schéma décennal de développement du réseau couvrait les besoins en matière d’investissement et qu’il était cohérent en termes de projets avec le plan décennal européen réalisé par ENTSO-E – mais, ainsi qu’en témoigne l’extrait suivant de la synthèse dudit débat, les conclusions de ce dernier étaient écrites d’avance ; la suite montra même que le zèle mis à l’exécution d’une LTECV imminente dépasserait les espérances :  

Enjeu n°10 : Fixer des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables. A minima, à l'horizon 2030, la mobilisation de biomasse […] devrait atteindre 20 Mtep […] Le niveau de production d'électricité par les énergies renouvelables qu'il convient d'atteindre se situe au-delà de 27 % en 2020, et entre 30 % et 40 % en 2030 en fonction de l'évolution de la consommation d'électricité […] Tout le monde estime que l'objectif fixé doit rester compatible avec la sécurité du réseau à un coût économiquement acceptable […] Mettre en place des outils de financement à taux préférentiels pour les projets d’énergies renouvelables. L’enjeu de l’accès à des financements à bas coût est un facteur déterminant de l’équilibre économique des projets d’énergies renouvelables…   

À Lire Aussi

EDF tuait la concurrence ou était tuée par sa falsification

Le contenu ci-après synthétisé de cette stratégie RTE valait son pesant d’or ; le lien de téléchargement du rapport est aujourd’hui invalide : erreur 404, document introuvable. Dès l’introduction, la couleur y était annoncée ainsi : …quelles que soient les options énergétiques retenues, un socle important d'ouvrages de réseau de transport sera à restructurer ou à réaliser, pour maintenir la sécurité d'alimentation électrique du pays et des territoires, poursuivre l'amélioration de la qualité de fourniture et accueillir les nouveaux moyens de production, notamment renouvelables.

Le programme et sa planification

Le plan de développement à 3 ans – pour les mises en service de 2013 à 2015 – prévoit la création de 63 liaisons souterraines pour un total de 73 lignes électriques ; 700 km de nouvelles liaisons souterraines étant prévues. Ce plan comporte au total 170 projets majeurs : liaisons souterraines, lignes aériennes, postes ou autres équipements programmés sur cette période.

D'ici à 2020, ces investissements de RTE vont représenter environ 15 milliards. En termes de nouvelles infrastructures, ceci constitue : 800 à 1 000 km de nouvelles routes en courant continu souterraines et sous-marines, avec les stations de conversion associées ; 1 000 à 2 000 km de renforcement de réseau électrique existant ou de nouveaux circuits en courant alternatif aérien 400 000 volts en substitution d'ouvrages existants ; environ 400 km de liaisons souterraines 400 et 225 000 volts ; 15 à 20 nouveaux postes d'aiguillage et de transformation 400 000 volts ; plus de 10 000 MVA de puissance de transformation additionnelle entre le réseau 400 000 volts de grand transport et les réseaux de tension inférieure.

D'ici à 2030, selon les scénarios, RTE estime que 35 à 50 milliards d'euros d'investissements sur le réseau de transport sont à réaliser. Sur ce montant, 5 milliards d'euros portent sur le renforcement des interconnexions électriques avec les pays voisins et 5 à 10 milliards d'euros pour accompagner la transition énergétique.

Les conséquences technico-économiques peu ou prou déjà subies à ce jour   

Avant 2012, les pertes énergétiques dans les lignes du réseau de transport valaient 4 % de la production électrique totale, soit environ 20 TWh. Après l’explosion partiellement ou totalement réalisée des longueurs de ces lignes très haute tension (THT), les pertes se sont sans doute rapprochées de celles des réseaux de distribution plus denses et plus maillés, de l’ordre de 8 % de la production. À lui seul, l’éolien offshore impose la construction de lignes THT pouvant aller jusqu’à 1000 Km cumulés.  

Il ne fait guère de doute que, in fine, ces pertes énergétiques supplémentaires et l’inévitable augmentation du péage acquitté par les producteurs usagers du réseau THT sont payées par les clients.  

Cerner pour l’occasion l’insaisissable coût de l’indigent service rendu par les « énergies alternatives »

En plus d’un subventionnement notoire de quelque 4 à 8 milliards d’euros/an, on a donc toutes les raisons de penser que, ces 10 dernières années, RTE a englouti de 15 à 20 milliards d’euros dans le ruineux complexe de production éolienne et photovoltaïque et, selon toute vraisemblance, se dispose à en engloutir au moins autant d’ici à 2030 ; ceci sans rechigner ni manifester à sa tutelle la moindre velléité d’alerte.  

Sous férule politique évidente, RTE a manifestement trahi sa mission au cahier des charges strictement technico économique, en acceptant de renchérir sans contrepartie le coût de l’électricité et en investissant des capitaux suffisants à couvrir la construction de pas moins de 4 EPR de série dans un mode de production dont l’inutilité est aujourd’hui patente ; si besoin est encore, l’épreuve attendue par des millions de Français, aux premiers frimas, se chargera de la prouver.  

Chaque jour écarte ainsi un peu plus le rideau sur le montant réel des sommes abyssales jetées et prêtes à être jetées dans le tonneau des Danaïdes d’une loi de transition énergétique pour la croissance verte dont notre Président continue de célébrer en grande pompes la mise en œuvre. Le prochain éclairage pourrait bien être jeté sur une affaire Fessenheim qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

Fessenheim toujours et encore

Estimée à quelque 10 milliards d’euros, l’ardoise de la forfaiture Fessenheim pourrait bien se révéler plus salée. En effet, le protocole d’indemnisation des partenaires allemands et suisses qui avaient un droit de tirage sur la production des deux tranches alsaciennes – à hauteur de 17 % pour les premiers, de 15 % pour les second – semble prévoir de compenser leur manque à gagner, jusqu’en 2041, comme suit : payer la due part des 12 TWh annuels de production revenant à chacun sur la base du prix marché du MWh, auquel retrancher le coût de production de la centrale au moment de l’arrêt.
Application 2022 : 12 millions de MWh X (200 € – 50 €) = 1,8 milliard d’euros d’indemnisation, en comptant celle d’EDF qui, sous couvert de nationalisation, n’arrivera jamais. On laisse nos contribuables de compatriotes imaginer ce que pourrait leur coûter une indemnisation aussi incontrôlable ne s’éteignant qu’en 2041 !  

Quand la conscience collective va-t-elle se ressaisir et finir par rendre le pouvoir à la lucidité ?

L’hémorragie financière que la mutation hors sol de notre approvisionnement électro-énergétique ne semble plus capable de stopper s’écoule par milliards d’euros, tandis que le pays s’enfonce durablement dans la précarité énergétique. Deux gendarmes opérationnels chargés de prémunir le pays contre une aussi funeste situation en portent au contraire une responsabilité particulièrement lourde : Jean-François Carenco et François Brottes. À la sortie d’un hiver pouvant se révéler meurtrier, ces deux grands commis de l’État pourraient avoir à en répondre d’une manière ou d’une autre, aux côtés des décideurs politiques desquels ils se sont fait les instruments. Car experts et spécialistes ne comptent plus les âneries technico économiques proférées par le premier, le président de la CRE, et les initiatives professionnelles en ayant résulté. Quant au second, le président de RTE, il est flagrant que son principal exploit professionnel a consisté à investir la Cour des Compte, après avoir circonvenu la plus étendue des technicités électriques de France, sur la foi d’une compétence exclusivement partisane, et inspiré le scénario de science fiction « Futurs énergétiques 2050 », façon Walt Disney.

Confiants en une conscience professionnelle hors de tout soupçon, nos institutions ont suspendu l’optimisation et la sécurisation à la fois techniques et économiques de l’approvisionnement énergétique du pays au professionnalisme des appareils RTE et CRE. Comment des gouvernants prétendument responsables ont-ils pu trahir cette confiance en livrant ces appareils à deux amateurs avant tout préoccupés de militanisme partisan ?

Rien n’est moins probable que la renationalisation d’EDF conduise les « serviteurs de l’État » à se départir de ce dernier travers et finisse par sanctuariser l’expertise requise à ces deux postes cruciaux, ainsi que la totale indépendance de leurs titulaires à émettre publiquement diagnostics et pronostics. Notre éminente ministre de la transition énergétique n’a-t-elle pas récemment repeint l’ascèse énergétique prochainement imposée aux Français en entrée en matière du légitime régime de sobriété climatique, à considérer, lui, comme définitif ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !