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Covid-19 : cette autre contamination à laquelle nous exposent les réseaux sociaux
©Sam YEH / AFP

Panique 2.0

Catalyseurs du moindre éternuement de nos sociétés, les réseaux sociaux propagent la moindre de nos frayeurs. Lors d’une épidémie réelle, les opinions s’expriment sans filtre provoquant ainsi des réactions disproportionnées.

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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Atlantico.fr : D’après une étude du régulateur des communications britanniques, près de 41 % des personnes interrogées clament s’informer à partir de simples posts vus sur les réseaux sociaux. Lors d’une telle crise sanitaire comme le coronavirus n’est-il pas dangereux de laisser des fake news circuler ? 

David Fayon : Tout d’abord et c’est valable pour l’ensemble des informations en général, il est important de devoir faire preuve de discernement lors de la sélection d’information. Il faut remonter à l’origine d’une source, faire un contrôle de vérification des informations, ce qu’on appelle du « fact-checking ». Démêler l’info de « l’infox », cela s’apprend et demande au début du temps. Ceci est d’autant plus crucial sur des sujets sensibles où il vaut mieux vérifier avant de relayer. À ce moment-là, le virus est le virus informationnel et le risque est que les personnes relayent une information et lisent après. Il faudrait plutôt lire, analyser puis éventuellement relayer. 

Il convient de ne pas avoir un comportement irrationnel basé uniquement sur l’émotion allant amener des buzz (la rumeur étant l’ancêtre du buzz). Il faut pouvoir inciter les internautes à avoir cette phase de « fact-checking ». Et, il faut aussi avoir un regard critique sur des dépêches même de l’AFP, certaines peuvent par exemple seulement citer des études sans les étudier et ce n’est pas suffisant car il est nécessaire de les étudier pour voir à quoi elles font référence, les auteurs, les buts poursuivis, etc. Réagir à chaud n’est pas la même chose que réagir à froid et c’est pour cela qu’il existe des mensuels pour plus de recul et d’analyse des faits. 

Cela n’est pas le ressort des réseaux sociaux comme Twitter mais les médias sont complémentaires. Il convient de s’approprier les codes des différents outils. S’agissant du coronavirus sur Twitter, plusieurs hashtags sont apparus pour suivre l’événement en temps réel (covid19 et des variantes comme Covid_19, covid, covid_19fr, etc.). Dans toutes ces discussions, il y a des scientifiques qui s’expriment au côté d’influenceurs et de personnes diverses et il est important pour chacun de multiplier ses sources sur les réseaux. Si tous les champs d’expression sont balayés on peut alors bénéficier d’une diversité de sources à croiser (comme dans la presse lire aussi bien Libération que Le Figaro, Le Monde, L’Express ou Valeurs Actuelles). La denrée limitée est le temps, ce qui conduit à adopter pour les internautes un côté un peu zapping notamment avec l’usage du smartphone où la rapidité et les formats courts sont privilégiés. 

Sur le coronavirus, le Dr. Dominique Dupagne a fait un billet sur son site atoute.org qui donne une synthèse des problèmes inhérents au coronavirus. Il reprend la même démarche qu’en 2011 lors de la grippe aviaire H1N1 où il avait compilé différentes sources pour bâtir une synthèse de l’état de l’art et de la prévention à adopter. Il existe aussi des articles très complets comme celui paru sur Medium qui indique qu’il faut agir dès à présent et ne pas temporiser. Chaque jour qui passe sans action accroît le nombre de décès.


Comment les organismes officiels de santé peuvent-ils propager la bonne information et contrebalancer les fausses informations qui pullulent ? 

Ils peuvent se baser sur leur notoriété, un certain nombre de suiveurs et de relais d’opinion. Ils peuvent aussi se rapprocher d’influenceurs en leur transmettant la parole officielle et des communiqués de presse, acheter des espaces publicitaires sur les médias sociaux pour remonter l’information vers les sites officiels pour que les internautes aient l’information la plus juste possible. L’une des clés est la course à la visibilité pour faire remonter les bonnes informations pour rendre inaudibles les fausses.

Il convient aussi pour les citoyens de ne pas être naïfs et en ce sens les réseaux sociaux sont potentiellement un accès au savoir et à l’information en temps réel, ce qui les rend également plus critiques et intransigeants. Les gouvernements ne disent pas forcément la vérité. En 1986 pour Tchernobyl les nuages s’étaient arrêtés à la frontière ! La situation qui se passe en France pour le coronavirus est peut-être celle de l’Italie avec un peu de décalage. Dans la mesure où la propagation d’un virus a une forme de croissance dite en S (courbe de Gompertz), avec une phase où ça s’accroît tout doucement puis une phase de décollage très forte pour la propagation. Ensuite, la courbe ne s’applique plus car c’est la phase de décroissance dans l’hypothèse où le virus est jugulé. Ce qui est intéressant c’est de freiner la hausse. Des vies sont en jeu. Ce n’est malheureusement pas si simple car il existe des intérêts économiques et des emplois à la clé. Le CAC 40 a perdu un tiers de sa valeur en une dizaine de jours. Le coronavirus induit des effets d’exagération à cause d’un comportement irrationnel.

Dès lors, il est important de pouvoir restaurer la confiance. Mais comment un gouvernement qui est déjà peu populaire (affaires nombreuses, révolte des Gilets Jaunes, réforme des retraites contestée) restaurerait cette confiance ? Ce n’est pas simple pour lui. Après il y a des personnalités comme Rafik Smati, le président d’Objectif France, qui répondait à l’attitude de Sibeth N’Diaye qui stigmatisait les Italiens. Lui a expliqué que l’on ne pouvait pas les incriminer, ils avaient été contaminé avant nous et avaient dû prendre des mesures drastiques. En Lombardie, ils ont un niveau d’hôpitaux de très bonne qualité et ils ont été confronté à un problème nouveau et complexe : c'est à l'image d'un incendie où il y a plusieurs foyers à maîtriser et à éteindre. 

Quelles actions Facebook ou Twitter doivent entreprendre pour repérer les posts à risque ? 

Je me réfère à la signification du mot crise en chinois qui a une double signification, la crise proprement dite mais aussi le second volet qui est la source d’opportunité qui résulte de la crise. Lorsqu’il y avait eu des tremblements de terre ou des attentats terroristes, la fonction de signalement « Safety Check » avait été développée sur Facebook pour signaler à ses amis que nous étions en zone de sécurité. Actuellement on fête les quinze ans du Web 2.0 et un ouvrage intitulé « Web 2.0 15 ans déjà et après ? » sorti la semaine dernière sur lequel nous avons planché avec un collectif de 56 pionniers du Web 2.0 fait état des changements de civilisation induits par les réseaux sociaux au cœur du Web 2.0. 

Par rapport aux « fake news », des évolutions se dessinent sur les réseaux sociaux pour indiquer par exemple des comptes ou des informations vérifiées ou encore sur Twitter des contenus qui peuvent choquer pour laisser à l’internaute la possibilité de cliquer pour les afficher ou non. Les algorithmes peuvent déterminer si des informations sont plus vraisemblables que d’autres. La véracité à 100 % n’existe pas. La faille est algorithmique et il y a un humain derrière qui l’a conçu. Une multitude de subtilités existe dans les informations écrites (tweets ou posts sur Facebook) qui peuvent faire que l’algorithme ne comprend pas toujours comme l’ironie par exemple qui peut être maniée par l’internaute. C’est pour cela qu’il est important pour les personnes qui puisent des informations sur les réseaux sociaux d’avoir des sources fiables. 

Concrètement, on peut suivre les comptes du SAMU, de certains CHU dans sa région, les médias locaux comme Ouest-France si on habite La Rochelle ou Rennes et plus globalement de l’OMS. Il convient de faire une « diète informationnelle » comme le dit Joël de Rosnay et de sélectionner ses sources. 

Facebook et Twitter ne peuvent pas tout. Et c’est aussi aux internautes de reprendre leur destin en main et d’agir pour démêler le bon grain de l’ivraie. En tout état de cause, les réseaux sociaux constituent un accélérateur et un Cinquième pouvoir (par exemple printemps arabe en 2011 avec le rôle de Facebook, YouTube et Twitter sur l’opinion y compris internationale) qui peut faire pression sur le Gouvernement qui aurait pu même agir plus tôt et qui a conduit le président à faire son allocution télévisé le 12 mars.

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