Covid-19 : à quel point faut-il s'inquiéter des nouvelles venues d'Israël et d’Australie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La ville de Sydney a mis en place un nouveau confinement de deux semaines.
La ville de Sydney a mis en place un nouveau confinement de deux semaines.
©SAEED KHAN / AFP

La peur du Delta

En raison d’inquiétudes liées à la propagation du variant Delta, Israël durcit ses mesures contre le coronavirus alors même que 60% de sa population est vaccinée. En Australie aussi, ce variant oblige les autorités à remettre en place des restrictions. Ce variant plus contagieux remet-il en cause les perspectives de sortie de crise en France ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : En raison d’inquiétudes liées à la propagation du variant Delta, le gouvernement israélien a reporté l’entrée des touristes d’environ un mois. Au même moment, l’État hébreux instaure à nouveau une obligation du port du masque dans tous les lieux non ouverts. Étant donné l’état actuel de la couverture vaccinale de la population (la moitié des Israéliens ont reçu deux doses), que représente ce changement de stratégie ? La menace est-elle réelle ?

Antoine Flahault : Israel, un pays de 8,5 millions d’habitants, n’avait pas rapporté plus de 30 cas par jour depuis la mi-mai alors que nos modèles prévoient que l’Etat hébreux en rapportera désormais entre 100 et 170 par jour sur les 7 prochains jours. Le taux de reproduction effectif du virus est l’un des plus élevé du monde, R > 1,7, soit une croissance exponentielle de l’épidémie qui reste pour le moment non contrôlée. Le gouvernement a donc raison de se préoccuper de cette situation qui semble en large partie due au variant Delta. En réinstaurant le port du masque en milieux intérieurs, en incitant les adolescents et les jeunes à se faire vacciner, Israël prend des mesures très précoces pour tenter d’enrayer la progression du variant Delta sur son territoire. Elle adopte une stratégie dite de « suppression » c’est-à-dire de maintien du niveau de circulation virale à un très faible niveau.

Avec une incidence à 8.3 et 60% de la population vaccinée, Israël reprend des mesures pour maîtriser le rebond. L'Australie, elle aussi reconfine la ville de Sydney. Pourquoi le variant Delta inquiète-t-il autant ?  La transmission plus rapide du variant delta nous incite-t-elle encore plus à prendre en compte l'aérosolisation ?

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Le variant Delta n’est pas un nouveau virus. Il se transmet de la même manière que la souche originelle qui avait émergée à Wuhan et tous les autres variants identifiés depuis. Il est plus transmissible, peut-être un peu plus agressif, et répond bien à l’immunité conférée par le vaccin, en tout cas contre les formes graves, à condition d’avoir reçu ses deux doses depuis plus de deux semaines, mais peut-être un peu moins bien sur les formes modérées ou frustes de la maladie. Les signes de la maladie sont très voisins, et la contagiosité par voie aérosol est similaire, ni plus ni moins fugace qu’avec les souches précédentes.

On réalise avec ces variants de plus en plus transmissibles que l’on ne peut pas vivre avec ce coronavirus : on doit s’en débarrasser. On ne connaît pas encore le niveau de couverture vaccinale nécessaire pour bloquer tout risque d’épidémie, ce que l’on appelle « l’immunité collective », mais visiblement il est supérieur à 65% de la population, chiffres à peu près obtenus en Israël. On ne peut donc pas entièrement miser sur la seule vaccination pour penser se débarrasser rapidement du problème. Il convient donc d’une part, de poursuivre l’objectif ambitieux de vacciner plus de 80% de la population, et d’autre part, parallèlement, de mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour maintenir un niveau très faible de circulation du virus. Les Australiens sont parmi les plus « intolérants » à la circulation du virus. Après avoir détecté une vingtaine de cas à Sidney ces derniers jours, ils ont décidé de reconfiner plusieurs quartiers entiers de la ville afin d’identifier et démanteler toutes les chaînes de transmission. Ils ont l’habitude de procéder de la sorte et maintiennent une situation zéro Covid sur leur territoire avec succès depuis de longs mois. Le cas israélien est intéressant pour le reste de l’Europe, car il permettra d’évaluer l’efficacité de leur réponse très précoce au démarrage d’incendie épidémique qu’ils ont repéré récemment. Les Britanniques ont davantage tardé à réagir. Ils ont laissé leurs frontières ouvertes avec l’Inde pendant au moins deux semaines alors que l’épidémie faisait rage sur le sous-continent d’Asie en avril dernier, et se retrouvent aujourd’hui avec une situation difficilement contrôlable, et presque 15 000 nouveaux cas par jour. Certes leur système de santé n’est pas au bord de la saturation, il y a d’ailleurs une très faible mortalité associée à ce rebond pour le moment, mais ils ont décidé de réagir pour contrer ce rebond, notamment en retardant leur dernière étape de déconfinement. On va pouvoir comparer les stratégies. Est-ce que les Australiens reprendront rapidement le contrôle, tellement leur action est précise et rapide ? Quand les Israéliens parviendront-ils à circonscrire les départs d’incendie épidémique identifiés sur leur territoire ? Suivront-ils en la matière les Japonais ou les Sud-Coréens qui ont su jusqu’à présent ne jamais laisser remonter la circulation du virus à des niveaux élevés ? Comment les Britanniques vont-ils passer l’été si le nombre de nouveaux cas continue ainsi à grimper avec une croissance exponentielle ?

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Devrions-nous aussi en France prendre en considération toute la dangerosité du variant Delta en retardant le déconfinement ?

La France aujourd’hui est dans une situation épidémiologique favorable. Le taux de reproduction est encore largement au-dessous de la valeur 1 (0.73 le 25 juin), même s’il a tendance à remonter légèrement, à la faveur de clusters liés au variant Delta. Les Landes représentent sans doute un test pour les autorités dans la lutte contre ce variant. Les mesures prises seront-elles suffisantes ? La traque du variant Delta y sera-t-elle suffisamment exhaustive ? Ne laissera-t-elle aucune chaîne de contamination continuer à se propager ? C’est ce que l’on apprendra ces prochains jours. Si le taux de reproduction repart à la baisse et mène la courbe épidémique vers la décrue dans ce département de Nouvelle-Aquitaine, c’est que le combat aura été gagné. Si en revanche la situation continue à se dégrader localement, voire se propage dans le pays, alors cela voudra dire que les autorités sont en train de perdre la main sur sa propagation et le chemin ne sera plus très loin d’une situation à la Britannique.

Je ne suis pas sûr, après dix-huit mois de pandémie, que les dirigeants Européens aient réellement pris toute la mesure de la force épidémique de ce coronavirus. Beaucoup croient encore que l’on peut vivre avec ce virus, comme s’il s’agissait d’une pandémie grippale, que l’on pouvait, que l’on devait même s’en accommoder. Les trois vagues pandémiques précédentes ont concerné à chaque fois moins de 5% de la population et pourtant elles sont toujours venues saturer le système de santé, et ont nécessité la prise de mesures fortes qui n’ont pas éviter une surmortalité parfois importante. Il reste en France plus de la moitié de la population qui n’a pas reçu de vaccin, cela représente encore un réservoir équivalent à dix vagues pandémiques. Peut-on se permettre d’avoir encore plusieurs vagues sur le territoire européen ces prochains moins ? Ne faut-il pas plutôt chercher à mettre en œuvre des stratégies de riposte plus performantes contre le coronavirus ? Des stratégies dont on sait désormais avec le recul, qu’elles sauront préserver une vie sociale, culturelle et sportive plus libre ? Une riposte alternative qui permette à tous les secteurs de l’économie de fonctionner à nouveau ?

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Pour cela, nous aurons besoin que les autorités soient très pro-actives, soit à la façon des Australiens ou des Japonais, soit – si cela s’avère efficace – à la façon des Israéliens. On connaît aujourd’hui les ingrédients de la recette qui permet de reprendre la main. Il faut continuer à tester, mais en séquençant désormais tous les virus identifiés, or ce n’est pas encore suffisamment fait en France. Il faut rétro-tracer toutes les chaînes de contamination, systématiquement également, c’est-à-dire sans laisser circuler le moindre virus sur le territoire. Et enfin, il faut isoler efficacement tous les porteurs de virus des bien-portants. Il faudra aussi savoir mettre des cordons sanitaires dès que des foyers démarreront. Ce seront des micro-confinements stricts, très localisés et très brefs, qui permettront à la veille sanitaire de reprendre la main rapidement. Il faut contrôler les frontières avec toutes les zones rouges, d’Europe ou d’ailleurs et permettre de circuler librement à l’intérieur des zones vertes. Les autorités pourront piloter le contrôle sanitaire aux frontières, si elles organisent le séquençage systématique des virus de tous les nouveaux positifs. Elles pourront ainsi identifier les plus grands exportateurs de variants vers la France. Elles imposeront alors des quarantaines strictes à tous les voyageurs (et personnels navigants) en provenance de ces zones à haut risque d’importation de variants. Et enfin, il faudra continuer à vacciner et conserver une grande ambition en termes de niveau de couverture vaccinale. Pour cela, il sera nécessaire d’aller chercher, parfois un par un, les personnes âgées isolées , les personnes exclues du système de vaccination, en raison de leur langue, leur condition sociale ou de santé. Il sera également crucial de chercher inlassablement à convaincre les réticents, les hésitants, ceux qui doutent ou se posent des questions vis-à-vis du vaccin sans être fondamentalement anti-vax. A ce prix, avec ce travail acharné des autorités de santé durant l’été visant à préserver à un niveau très bas la circulation du virus, les Européens pourront profiter de leurs vacances, certes en conservant le masque dans les transports publics et les lieux clos et mal ventilés, mais sans trop se soucier des risques de contamination partout ailleurs, et retourner dans les bars, cafés, et restaurants, profiter de la vie festive, culturelle et sportive, et recevoir leurs amis et leurs proches.

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