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Peut-on espérer une baisse prochaine du pétrole ?
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Cartel

Avec le boom de la production pétrolière aux États-Unis due principalement au pétrole de schiste, certains observateurs pensent que le prix du pétrole pourrait se retourner. Erreur, car le marché du pétrole n’est pas un marché comme les autres.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Avec l’augmentation de la production pétrolière aux États-Unis due principalement au pétrole de schiste, certains observateurs pensent que le prix du pétrole pourrait se retourner. C’est une erreur car le marché du pétrole n’est pas un marché comme les autres : l’absence d’élasticité de la demande au prix, la présence d’un cartel (l’OPEP) et les différences de coût d’extraction en font un marché particulier.

La demande de pétrole en fonction des prix est inélastique

C'est-à-dire qu’une hausse des prix du pétrole n’entraîne pas de baisse de la demande. Ces dernières années, la demande a même augmenté corrélativement au prix.

Ainsi, alors que le prix moyen du Brent (pétrole de Mer du Nord) a atteint un record de 112 dollars en 2011 contre 79 dollars en 2010, la demande est passée de 87,4 millions en 2010 à 90 millions de barils par jour en 2011. Malgré la hausse des prix, le taux de croissance de la demande s’élève à 4% par an contre une moyenne de 1,4% de 1983 à 2000 lorsque le prix était autour de 20 dollars.

Dans la décennie 1990-2000, le monde consommait chaque jour 1 million de barils de plus qu’un an auparavant, désormais ce chiffre est passé à 3,3 millions de barils. Pour que l’augmentation de la production de pétrole des États-Unis fasse baisser le prix, il faudrait qu’elle permette à l’offre mondiale d’augmenter plus vite que la demande. Dans les conditions actuelles d’exploitation du pétrole de schiste, c’est peu probable : une bonne partie des réserves reste encore techniquement inexploitable.

Le marché pétrolier n’est pas un marché concurrentiel

Le marché pétrolier n’est pas un marché concurrentiel car il existe un cartel : l’OPEP. En 2011, l’offre mondiale de pétrole a atteint plus de 90 millions de barils par jour contre 85,2 millions en 2010. La production de l’OPEP représente 40% de la production soit 26,2 millions de barils par jour (quotas: 24,84 millions et 26,2 avec dépassement) et la capacité de production de l’OPEP est estimée à 35,45 millions de barils par jour. La raison d’être d’un cartel est d’agir sur les prix et l’OPEP agit sur les prix du pétrole en ajustant ses quotas de production, de sorte que l’offre égale tout juste la demande, ce qui engendre des tensions sur les prix.

Or actuellement, les pays du Golfe (principaux producteurs de pétrole de l’OPEP) ont besoin de dégager des excédents budgétaires énormes car, avec le « printemps arabes », ils ont multiplié les dépenses à caractère social : l’Arabie Saoudite aurait augmenté ses dépenses de 130 milliards de dollars pour l’éducation, la santé et les affaires sociales. Dans ce contexte, peut-on penser sérieusement que les équilibres budgétaires des pays du Golfe pourraient supporter durablement une forte baisse du prix du pétrole ? Probablement non, donc si une hausse de l’offre de pétrole des États-Unis entraînait une baisse du prix du pétrole, l’OPEP baisserait ses quotas de production pour faire remonter le prix.

Le coût de fabrication du pétrole varie en fonction de l’endroit où on le puise

Le pétrole n’est pas un produit standard et son coût de fabrication varie en fonction de l’endroit où on le puise. Alors que dans une industrie standard, les coûts de fabrication ont tendance à baisser avec le progrès technique - entraînant mécaniquement une baisse des prix -, dans l’industrie pétrolière, les coûts de production (coûts d’extraction) augmentent avec le progrès technique, car les compagnies pétrolières mettent en production des gisements dans des zones de plus en plus difficiles d’accès. Or, pour exploiter ces gisements au coût d’extraction élevé, les compagnies nécessitent un prix du pétrole suffisamment élevé pour réaliser un profit (c'est-à-dire supérieur au coût d’extraction).

Aujourd’hui, avec un prix du pétrole supérieur à 120 dollars, les pétroles de schiste américains deviennent rentables mais une hausse de l’offre ne pourrait pas faire baisser le prix plus bas que le coût d’extraction de ces pétroles, faute de quoi ils ne seraient plus rentables. Force est de constater que pour continuer sa progression, le pétrole de schiste américain a besoin d’un prix élevé du pétrole. L’augmentation des coûts d’extraction agit donc comme un « stabilisateur » du prix du pétrole.

En résumé, les fondamentaux poussent le prix du pétrole à la hausse avec une augmentation de la demande et une offre qui s’ajuste volontairement à cette demande grâce aux quotas de production de l’OPEP. A cela, il faut ajouter l’augmentation des coûts d’extraction qui agissent comme des « stabilisateurs » du prix. Dans ce contexte, pour qu’une hausse de l’offre de pétrole fasse baisser les prix, il faudrait trouver des « super gisements » qui combinent à la fois d’énormes réserves et un coût d’extraction faible : ces gisements existent, malheureusement ils ont déjà été découverts !

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