COP26 : les 25 précédentes ne sont pas parvenues à stopper le dérèglement climatique. Quid de celle-ci ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le premier ministre écossais Nicola Sturgeon prononce un discours sur la COP26 à Glasgow, le 25 octobre 2021.
Le premier ministre écossais Nicola Sturgeon prononce un discours sur la COP26 à Glasgow, le 25 octobre 2021.
©JEFF J MITCHELL / PISCINE / AFP

Des paroles et des actes

Pour répondre à la question sur l’espoir suscité ou non par le sommet sur le climat qui va s’ouvrir à Glasgow, il faut d’abord comprendre pourquoi les autres ont échoué.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico : La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques s’ouvre à la fin du mois. Cette Cop 26 a été précédée de 25 conférences sur le climat, dont la COP21, qui avait débouché sur l’Accord de Paris. Pourquoi les éditions précédentes n’ont-elles pas eu les résultats attendus ? 

Philippe Charlez : La photo des 121 chefs d’Etat le 30 novembre 2015 au Bourget tous apparemment solidaires autour d’une même cause avait béatement réjoui la planète entière. La signature de l’accord laissa espérer naïvement à certains que l’humanité allait enfin prendre la problématique climatique à bras le corps en bousculant les cultures, les codes, les intérêts financiers et les petits calculs électoraux. Quand on regarde l’hétérogénéité des situations culturelles résultant de l’histoire, de la géographie et des moyens il fallait vraiment être candide pour y croire. L’accord a d’ailleurs été construit pour que rien ne se passe à postériori. Juridiquement non contraignant[1] et se caractérisant par une absence alarmante de chiffres, les Accords de Paris font un peu penser à un emprunt entre une banque et un particulier où les deux parties s’accorderaient sur la somme à rembourser (« maintenir à l’horizon 2100 la température moyenne mondiale bien au-dessous de 2°C et poursuivre l’effort pour la limiter à 1,5 °C ») mais, sans préciser ni les annuités ni l’échéancier de remboursement (c’est-à-dire les moyens pour y arriver). Cet agenda inversé est d’autant plus décrédibilisé que l’objectif de 1,5°C s’avérait déjà en 2015 pratiquement impossible à atteindre. La période 2015 à 2020 (accroissement des émissions de 1,4 milliards de tonnes de CO2 soit de 4%) a confirmé le complet irréalisme des Accords de Paris.

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Par ailleurs, les principales marges de progrès se situant dans les pays émergents (ils consomment aujourd’hui 80% du charbon et sont responsables de 65% des émissions), les pays riches s’étaient engagés dès 2009 à mobiliser un « fonds vert pour le climat » de 100 G$ par an en faveur des pays pauvres. Non seulement les promesses n’ont pas été tenues mais, même si elles avaient été remplies en totalité, ces 100 G$ ne représentent qu’une partie infime des besoins réels. Selon l’économiste britannique Nick Stern, le respect des Accords de Paris vers une société bas carbone nécessiterait un transfert de financement entre les pays riches et les pays pauvres de…2000 milliards d’euros par an soit environ 3,7 % du PIB de l’OCDE[2]. La croissance économique de l’OCDE étant aujourd’hui inférieure à 2%, ce financement conduirait mécaniquement à une récession structurelle dans les pays riches. Mission impossible donc !

Pour agir sur des sujets globaux comme le climat, vaut-il mieux des accords larges et non contraignants ou plus restreints mais contraignants ? Est-ce cette erreur de stratégie qui plombe fondamentalement les COP? 

Il ne faut jamais l’oublier que l’écologie est « un sport de riches ». Rêver d’une transition mondiale intégrée est utopique. Comment imposer des règles communes à 200 pays possédant des cultures, des histoires, des géographies et surtout des niveaux de développement aux antipodes. En Europe, la volonté de coopération énergétique n’est pas venue d’une quelconque solidarité factice entre états Membres mais de crises gazières à répétition entre la Russie, l’Ukraine et l’Union Européenne. La volonté de coopération énergétique n’est guère différente d’une escalade en montagne : « si je suis seul je peux vivre ma vie et prendre seul décisions de façon isolée alors que si je suis encordé, je suis fortement dépendant de mes compagnons d’escalade ». En termes énergétiques, « la cordée » fait principalement référence aux énergies liées aux réseaux de distribution de gaz et d’électricité. Or le gaz et l’électricité sont parmi les sources d’énergies qui sont vouées à croitre significativement. Et comme les réseaux gaziers et électriques européens sont interdépendants les européens ont une cordée commune. En revanche quel intérêt d’attacher le Namibien, le Chilien ou le Philipin à la même cordée que l’européen. Plutôt qu’une grande messe mondiale sans intérêt qui ne débouchera jamais sur aucun résultat concret je suis effectivement favorable à des COPs régionales beaucoup plus contraignantes.

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Avoir des accords contraignants localisés permettrait-il de mieux gérer des pays tels que la Chine ou le Brésil souvent présentés comme les saboteurs des négociations ?

Comme je le développais dans la question précédente, la contrainte s’impose d’elle-même quand on se trouve encordés. C’est donc à chaque région de définir en fonction de ses besoins le niveau des contraintes à imposer au voisin. Je ne mettrais pas par ailleurs la Chine et le Brésil sur un même pied d’égalité. La Chine reste certes le plus gros émetteur de CO2 de la planète mais a engagé une transition à vitesse supersonique : plus gros barrage hydroélectrique du monde avec les Trois Gorges, premières centrales nucléaires EPR en service dans le monde, croissance exponentielle des puissances éolienne (300 GW) et solaire (250 GW). Le problème de la Chine est que sa croissance économique et donc sa demande en énergie augmentent plus vite que sa capacité à mettre en œuvre de nouvelles unités décarbonées d’où le recours toujours significatif au charbon. Mais, la Chine va dans les années à venir avoir de plus en plus recours au gaz ce qui décarbonera sont mix mais maintiendra des prix très élevés sur les marchés. La Chine peut vivre aujourd’hui seule son destin énergétique car elle n’est encordée avec personne. Elle est certes très dépendante du pétrole et de façon croissante du gaz sous forme de GNL mais, son approvisionnement se fait essentiellement par la mer. En revanche, lorsque les gazoducs en provenance de Russie seront finalisés, les réseaux européens et chinois seront connectés. Russes, européens et chinois seront alors encordés et devront coopérer au sein d’une association régionale élargie. Le Brésil en revanche par la voix de son président Bolsonaro a utilisé la question climatique comme outil de propagande populiste et a effectivement joué un rôle de saboteur. Espérons que les futures élections brésiliennes changeront la donne.

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Quels sujets devraient être traités en priorité lors de la prochaine COP26 qui se tiendra à Glasgow ? A t-on des raisons d’espérer plus de résultats à l’issue de la prochaine conférence sur le climat ? Quelles stratégies faut-il adopter pour faire des progrès sur le sujet climatique ?

Je pense que la question des 1,5° doit être remise sur la table. Cet objectif ne sera jamais atteint et n’a plus de raisons d’être. On sait que la trajectoire actuelle ce sera entre 2,5° et 3°. Il faut donc se préparer dans les décennies qui viennent à faire face à ce défi. La prévention (c’est-à-dire limiter les émissions) ne suffira plus, il faudra aussi lancer des programmes curatifs notamment pour les populations côtières qui seront les plus exposées. Mais, il faut aussi avoir le courage d’affronter les mouvements décroissantistes et défendre un développement durable reposant sur une croissance soutenable. Enfin, dans les pays de l’OCDE il faut définitivement lever les verrous nucléaires et CCS (réinjection du carbone dans le sous-sol) conditions incontournables pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Malheureusement, les COPs sont souvent polluées par de nombreuses activistes (je les appelle « climato-gauchistes ») pour lesquels solutionner le réchauffement climatique n’est la priorité. Le climat est pour eux un prétexte pour faire passer d’autres idée sans aucun rapport. Je fais ainsi par exemple référence à l’éco-féminisme de Sandrine Rousseau. Les réseaux climato gauchistes restent donc redoutables et leur idéologie mortifère ne manquera pas d’occuper le terrain de la COP26 de Glasgow. Ainsi, un collectif de 150 ONGs parmi lesquelles Extinction Rebellion, Greenpeace, les Amis de la Terre ou encore Avaaz a d’ailleurs annoncé la couleur en demandant dans une missive ouverte au président de l’AIE« d’arrêter immédiatement d’investir dans l’exploration et le développement de nouveaux combustibles fossiles, de renoncer au gaz, au nucléaire et à la capture/réinjection du carbone ». De la décroissance égalitariste assurée !


[1] L’ONU qui porte le projet n’a aucun pouvoir de sanction vis-à-vis des États

[2] Le PIB des pays OCDE était égal à 53 T$ en 2019. Source des données : Banque Mondiale

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