Ce dont il faudrait absolument réussir à convaincre Angela Merkel pour sauver la zone euro !<!-- --> | Atlantico.fr
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La monétisation ne doit pas profiter qu'aux banques, madame Merkel !
La monétisation ne doit pas profiter qu'aux banques, madame Merkel !
©Reuters

Têtue

Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se retrouvent lundi pour un sommet destiné à finaliser le traité censé renforcer la surveillance budgétaire et la discipline au sein des membres de la zone euro. Y-a t'il encore une marge de manoeuvre sur les positions allemandes ?

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Mais pourquoi Angela Merkel et le gouvernement allemand refusent-ils avec tant d'obstination toute perspective de création monétaire dans l'objectif de desserrer les contraintes liées à la crise de la dette des Etats dans la zone euro? Alors même qu'on a déjà créé de la monnaie ces dernières années... mais pour rien !

L'objectif de cette création monétaire dont il faudrait réussir à convaincre les Allemands serait d'acheter la dette des pays de la zone euro en difficulté et de pouvoir prêter aux Etats à taux zéro ou à 1% comme aux banques, voire d’annuler carrément une partie de leur dette. Il n’y a pas, en effet, d’autre solution pour des pays en crise de solvabilité, c’est à dire des pays qui ne créent plus suffisamment de richesses pour rembourser leur dette comme la Grèce et le Portugal et qui ont déjà fait beaucoup d’efforts tout en continuant à s’enfoncer dans la crise ….

 Les Allemands refusent cette solution, en disant que la création monétaire est source d’inflation. Le risque théorique existe bien mais l'économie européenne connait si peu de croissance que les tensions inflationnistes paraissent maîtrisées. Au-delà, et cela rend le refus de Mme Merkel singulièrement absurde, cette création monétaire a déjà eu lieu et elle se poursuit sans apporter aucune solution ; si ce n’est de permettre de nouveaux profits au système bancaire que Madame Merkel voulait cependant sanctionner.

Il y a, en effet, monétisation et monétisation. La monétisation, ou création de monnaie en contrepartie de l’achat d’un actif, existe déjà ; elle est de 900 milliards depuis 2002 comme on le voit dans le tableau ci-dessous pour la zone euro. Si on ôte l'effet de l’élargissement de la zone euro à 17, la création de richesse et l’inflation, qui demandent tous trois de la création de  monnaie pour alimenter les nouveaux pays en monnaie et pour suivre les nouvelles productions et  les prix, on peut estimer la création monétaire à près de 600 milliards d’euros depuis la création de l’euro et à près de 500 milliards depuis 4 ans.

Cette création de monnaie aurait pu permettre d’acheter en contrepartie comme actif toute la dette grecque, portugaise dont le total est de 500 milliards d’euros en leur demandant de rembourser cette dette à taux zéro sur 10 ans ou, même, d’annuler cette dette sans que cela coûte quelque chose aux pays européens puisque cette monnaie est créée à partir de rien. Il resterait 100 milliards pour aider ces pays à se réindustrialiser.

Mais cette monétisation s’est faite pour les banques. Il s’est agi d’abord, jusqu’en 2008, de leur donner de nouvelles liquidités pour qu’elles puissent avoir les moyens d’augmenter leur bilan et de spéculer sur les marchés dérégulés, car l’économie réelle ne demandait pas une telle création de monnaie ; il s’est agi ensuite, en 2009-2010, de venir à leur secours en raison justement de ces spéculations hasardeuses (quand elles ne se faisaient plus confiance entre elles car elles pensaient que les autres banques allaient faire faillite en raison de ces produits spéculatifs avec la pratique mutuelle du hors bilan) ; il s’agit, enfin, depuis fin décembre 2011 d’ouvrir toutes les vannes des liquidités afin de tenter de régler la crise la dette souveraine et d'éviter un credit crunch étouffant le financement de l'économie européenne.

La Banque Centrale espère ainsi que les banques empruntent à 1% l’argent à la Banque des Etats pour le prêter à 3 ou 6% aux Etats, ou plus simplement qu'elles continuent à  spéculer sur les produits dérivés avec cet argent (entre autres sur les produits dérivés ou CDS des Etats dans du hors-bilan) afin que les banques finissent par consolider les montants de leurs fonds propres jusqu'au niveau exigé par les accords de Bâle III. Certes, on espérait et on espère toujours aussi faire baisser les taux des dettes de pays encore solvables, comme l’Espagne et l’Italie, mais l’appétence pour la dette publique par les banques reste un pari qui devra se vérifier dans le moyen terme.

Sous l'influence de l’Allemagne, on a interdit dans les Traités européens de pratiquer une autre monétisation que celle qui profite, de fait, quasi uniquement aux banques. Il est constitutionnellement interdit de faire des avances directement au Trésor des Etats au même taux qu’aux banques. Il est aussi interdit à la BCE d’acheter directement de la dette des Etats à l’émission de cette dette, tout au plus, lui est-il permis, et là encore en prenant une certaine liberté avec les textes, d’acheter de la dette sur le marché secondaire pour ‘’fausser’’ le marché par cette offre nouvelle qui fait baisser les taux et ceci afin d’éviter de trop fortes pertes aux banques qui ont de la dette souveraine….

Mais ce pari est une fuite en avant. Il pousse le système dans ses logiques ultimes jusqu’à l’absurde, tout en ne réglant rien des déficits structurels des pays du Sud de la zone euro.

Les pays du Sud doivent créer plus de richesses et ce n’est pas en mettant un cataplasme sur une jambe de bois, en gagnant du temps sans les aider à investir dans leur réindustrialisation, qu’on arrêtera les déficits dus à cette désindustrialisation.

Avec cette monétisation dont le bénéfice ne profite qu'aux banques, on court à la ruine, à la révolte des peuples tout en accélérant, avec  la faillite des Etats, la faillite des banques. En effet, si, par hasard, ce plan d’achat de la dette souveraine par les banques réussissait, dans le cadre de l’actuelle constitution européenne qui empêche à la BCE d’être acheteuse en dernier ressort des dettes des Etats, il associerait le risque souverain et le risque bancaire : les banques qui achèteront de la dette de leur Etat en difficulté, se trouveront en difficulté également si leur Etat ne parvient pas à combler ses déficits en raison de la récession que la rigueur impose !

Un début de solution existe : il faut que l’Europe retrouve sa souveraineté monétaire. Nous le savons désormais, ce n’est pas en déléguant cette souveraineté à un système indépendant, que celui-ci s’avère plus vertueux, bien au contraire ! Pour autant, il est bien évident que la monétisation n'est pas la solution coup de baguette magique qui permettrait aux Etats de ne plus s'astreindre à aucune discipline budgétaire. Tenter de régler le problème de la dette des Etats de la zone euro tel qu'il se pose désormais ne doit pas empêcher de ne pas reproduire à l'avenir les mêmes dérives budgétaires que celles ayant générée cette crise de la dette souveraine. 

Néanmoins, la capacité de création monétaire peut être utilisée pour sortir du cercle vicieux dans lequel l'Europe s'est enfermée. Ni la Grèce, ni  le Portugal ne pourront payer leur dette ; et Madame Merkel le sait comme les autres dirigeants européens.  La BCE doit racheter une partie de leur dette et les aider à rembourser en utilisant également la création monétaire pour lancer un grand programme de réindustrialisation de l’Europe et plus particulièrement de ces pays via la Banque européenne d’investissement et les autres grandes banques publiques. Il s’agit, ainsi, d’engager également un processus qui fait levier pour utiliser les ressources d’un marché financier de 19 000 milliards d’épargnes de la zone euro.

Alors la création monétaire a tout son sens car elle aide à une sortie de la crise en diminuant le poids de la dette et en engageant un processus de création de nouvelles richesses. Certes nous devrons alors appliquer, pour pouvoir nous réindustrialiser, la réciprocité dans l’ouverture ou la fermeture de nos marchés car même l’Allemagne perd des emplois industriels, ce qui est à rendu compliqué par les traités européens qui prônent une concurrence sans contrepartie des autres pays émergents, mais c’est un autre sujet.

A quoi reconnaît-on une crise systémique ? Plus on suit la logique du système, plus on s’enfonce dans la crise ! Sortons de cette crise systémique européenne en brisant ce qui interdit des solutions !

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