Contrôle des loyers : une étude américaine conclut à ses effets très négatifs sur les revenus des… plus défavorisés <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Une étude américaine dévoile les effets négatifs sur les revenus des plus défavorisés.
Une étude américaine dévoile les effets négatifs sur les revenus des plus défavorisés.
©Paul J. RICHARDS / AFP

Crise du logement

Une nouvelle étude menée sur l'impact du contrôle des loyers dans le Minnesota en 2021 a permis d'étudier la redistribution de la richesse. Qui a le plus « profité » du contrôle des loyers ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

Voir la bio »

Atlantico : Quels sont les premiers enseignements de cette étude sur le contrôle des loyers et la chute de la valeur des propriétés ?

Charles Reviens : Cette étude économétrique du National Bureau of Economic Research (NBER) américain analyse les conséquences de la mise en place d’un contrôle des loyers dans la ville de Saint-Paul mis en place par référendum (53 % pour, 47 % contre) en novembre 2021.

Le dispositif est très simple puisque la croissance des loyers est limitée en termes nominaux à 3 % par an sans aucune ajustement lié à l’inflation et sans distinction entre les locataires en place et les nouveaux locataires.

Le titre de la publication des 2 auteurs Kenneth R. Ahern & Marco Giacoletti est très explicite : « voler Peter pour payer Paul ? la redistribution de la richesse causée par le contrôle des loyers. Pour les auteurs, l’objectifs des pouvoirs publics de baisser le cout du logement pour les ménages à faible revenu n’a pas été atteint tout en provoquant une basse de la valeur des logement représentant 6 à 7 % de leur valeur initiale soit 1,6 milliard de dollars.

Qui a le plus « profité » du contrôle des loyers au regard des résultats de cette étude ?

L’étude constate d’abord un effet général de baisse de de la valeur des logements qui est un effet habituel et bien documenté des mécanismes de contrôle de loyer. Il y a donc un transfert de richesse des propriétaires vers les locataires : les locataires vont payer moins à des propriétaires qui auront un taux de rendement plus bas ou vendront leurs biens plus chers.

Mais son point majeur concerne les effets du contrôle des loyers sur la répartition de la richesse, et montre bien la limite d’une vision simpliste « les propriétaires sont riches et les locataires sont pauvres » puisqu’il y a des riches et des pauvres parmi les 2 catégories :

À Lire Aussi

Immobilier et logement : cette mère de toutes les batailles (politiques) curieusement délaissée par les candidats

-       les transferts de revenus sont plus importants pour les propriétaires pauvres que pour les propriétaires riches, par exemple car ces derniers possèdent davantage de logements non destinés à la location et moins impacté par la baisse des valeurs ;

-       les locataires riches profitent bien davantage de l’encadrement des loyers que les locataires pauvres puisqu’ils ont des loyers plus élevés.

Comme on est aux USA, il a bien entendu prise en compte des minorités (via une corrélation avec le niveau de revenus) et des niveaux d’éducation, d’où il ressort que les locataires les moins avantagés ont beaucoup plus de chance d’être issus des minorités avec un niveau d’éducation plus faible.

Comment expliquer que cette politique ait entraîné des effets très négatifs sur les revenus des plus défavorisés ? Le transfert de richesse entre groupes de revenus est-il voué à l’échec ?

Les deux raisons sont les suivantes :

-       le dispositif mis en place est linéaire (limitation de l’augmentation des loyers identique) et favoriser les locataires payant les loyers les plus élevés donc ceux ayant les revenus les plus élevés ;

-       la baisse de valeur de valeurs touche tous les propriétaires mais plus ceux destinés au marché locatif.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette étude sur la politique du contrôle des loyers et face à la pression du marché de l’immobilier ?

À Lire Aussi

Cette petite ville américaine dont vous n’avez jamais entendu parler mais qui pourrait bien avoir trouvé la recette pour échapper à la crise du logement

On peut constater un attrait universel pour cette approche et de nombreux autres pays y ont récemment eu recours : différents comtés aux États-Unis, Berlin, Argentine. Il y a de nombreuses questions de calibrage et de ciblage des dispositifs avec l’exemple particulièrement simpliste du mécanisme de Saint-Paul.

Pour comprendre cet attrait, il faut faire un peu d’économie politique, d’histoire, et d’analyse comparée des politiques publiques du logement. En effet il y a une tentation permanente pour les responsables politiques, ceux de gauche plus que les autres pour pousser et parfois mettre en œuvre les dispositifs d’encadrement des loyers les plus divers : quand on croit peu au marché, quand on veut limiter les nouvelles constructions pour des raisons environnementales ou autres, et qu’on fait face à des augmentations de prix et de loyers effectives pour de multiples raisons, la solution de l’encadrement des loyers constitue une option politique tentante

Le dispositif est souvent décidé pour pallier une situation de flambée des loyers. Ainsi le dispositif a une efficacité à court terme puisqu’il procure avantage de prix pour les locataires ciblés par le dispositif (locataires en place ou entrants), et c’est la raison principale pour laquelle il est mis en place. En revanche il induit des conséquences de moyen et long terme qui peuvent être particulièrement négatives.

Il ne faut enfin pas oublier l’impact à moyen terme sur l’offre de logements disponibles à la location, du fait du comportement bien documenté des propriétaires dans la durée : non-respect de la loi, réduction des investissements de maintenance, retrait de logements du marché locatif : la contrainte de prix sur les loyers crée, et c’est d’ailleurs son objectif une contrainte économique sur les bailleurs avec conséquences directes sur l’offre ou la qualité de l’offre. D’où la phrase boutade de l'économiste Assar Lindbeck selon lequel « outre un bombardement, la meilleure façon de détruire une ville est par une politique de contrôle des loyers ». L’encadrement des loyers crée de beaux effets insiders-outsiders avec des gagnants (locataires bénéficiaires du dispositif) et des perdants à court terme, sachant que les perdants (propriétaires et investisseurs) vont réduire leurs investissements d’entretien voire sortir du marché avec une réduction de l’offre dont sont victimes les candidats locataires non rentrés sur le marché.

Donc à long terme le risque est celui d’une baisse de l’investissement et des effets d’éviction et de réduction de l’offre conduisant soit à la hausse de certains prix soit à la baisse de la qualité de l’offre. Il y a au final un cycle d’économie politique entre mise en place puis abandon des dispositifs d’encadrement des loyers.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !