EDF signe un contrat d'importation de gaz de schiste américain : externalisation du problème ou pas discret vers son exploitation en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Henri Proglio, dirigeant d'EDF.
Henri Proglio, dirigeant d'EDF.
©Reuters

Double discours

L'an dernier, François Hollande saluait la décision du Conseil économique social et environnemental d'interdire l'exploitation des gaz de schiste en France. Pourtant, la position du gouvernement est instable depuis que EDF a signé un important contrat d'approvisionnement avec une compagnie texane, dont la livraison inclura du gaz de schiste américain.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : le 17 juillet, une filiale du groupe d'énergie Cheniere annonçait dans un communiqué de presse (voir ici) la signature d'un contrat avec EDF pour la livraison de gaz naturel liquéfié à hauteur de 770 000 tonnes par an. Pourtant, François Hollande saluait il y a un an le vote du CESE (Conseil économique social et environnemental) sur l'interdiction de l'exploitation des gisements de schiste sur le territoire français. En quoi ce paradoxe, consistant à "déléguer" la responsabilité et le coût environnemental aux Américains tout en jouissant de l'abondance de ses ressources révèle-t-il une position française hypocrite ?

Stephan Silvestre : Il faut tout d’abord préciser que le contrat que d’approvisionnement que vient de signer EDF avec la société Cheniere concerne du gaz naturel liquéfié et non du gaz de schiste. Le métier de Cheniere est de liquéfier et d’exporter du gaz qui lui arrive par gazoducs, quelle que soit son origine. Il se trouve qu’une partie du gaz présent dans les gazoducs texans est non-conventionnel, mais il ne s’agit pas là d’une clause de ce contrat. De plus, ce contrat porte sur vingt ans, durée pendant laquelle l’origine du gaz est susceptible d’évoluer. Par ailleurs, EDF n’est pas la première compagnie européenne, ni même française, à s’approvisionner chez Cheniere. Les compagnies européennes ont la liberté de s’approvisionner où elles le veulent, hormis les pays sous embargo, et les gouvernements, fussent-ils leurs principaux actionnaires, n’interfèrent pas dans leurs processus d’achats.

Quelle a été la position du gouvernement sur le sujet, a-t-on pu remarquer un repositionnement depuis le départ des écologistes ?

À ce jour, le gouvernement n’est pas intervenu sur ce dossier. S’il existe une loi limitant l’extraction du gaz sur le territoire français, il n’en existe pas pour l’importation. Certaines voix se sont tout de même élevées à l’occasion des négociations en cours sur le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), pour demander l’exclusion des hydrocarbures non-conventionnels. Il est certain que le gouvernement dispose de davantage de marges de manœuvre en la matière depuis le départ des écologistes. S’ils avaient été encore là, nul doute qu’ils seraient montés au créneau. En ce qui concerne l’exploitation française, le gouvernement n’a pas encore montré d’évolution. Mais cela pourrait changer lorsque qu’Arnaud Montebourg dégainera son rapport sur la question.

Actuellement, seulement 17% de notre gaz nous est fournie par la Russie. A quel niveau cette décision d'importer du gaz naturel liquéfié se situe-t-elle ? Répond-elle davantage à une logique managériale, de diversification des fournisseurs, ou plutôt à des impératifs politiques ?

En Europe, les contrats gaziers sont essentiellement des contrats long terme (sur 15 ou 20 ans), généralement signés entre compagnies. Il arrive que de gros contrats soient signés à l’occasion de visites d’État, mais ce ne sont pas les gouvernements qui imposent les sources. Les compagnies clientes, comme GDF-Suez, ont tout intérêt à diversifier leurs sources afin d’éviter de se trouver trop dépendantes d’un fournisseur, aussi bien pour des raisons géopolitiques qu’économiques. À ce titre, le gaz naturel liquéfié (GNL) présente de nouvelles opportunités de diversification qui intéressent ces compagnies, surtout lorsque celui-ci est bon marché et non indexé sur le pétrole, comme c’est le cas du GNL américain. D’autres acteurs vont entrer dans la danse, comme l’Argentine, le Mexique ou l’Algérie, au grand dam de la Russie.

N'est-on pas seulement en train de déplacer le problème ? La dépendance aux États-Unis est-elle vraiment plus tolérable ?

On est encore très loin d’une dépendance aux ressources américaines. Pour le moment, il s’agit d’un nouvel entrant sur le marché européen, sur lequel les Européens sont eux-mêmes présents (Norvège, Pays-Bas, Grande-Bretagne). De plus, le gaz américain est entièrement sous le contrôle des compagnies productrices et non du gouvernement, contrairement au gaz russe. Bien entendu, le seul moyen de ne plus importer serait d’exploiter notre propre gaz. Même si cela ne représentait que 5% à 10% de notre consommation, ce serait un argument de poids dans les négociations avec nos fournisseurs.

Sur quels autres sujets du domaine énergétique la France est-elle également dans une position paradoxale ?

On peut citer la production d’électricité éolienne. Celle-ci a été fortement promue, en dépit de son coût élevé, pour produire de l’électricité verte, mais elle génère en réalité des émissions de CO2 car les centrales éoliennes étant imprévisibles, elles doivent être couplées à des centrales thermiques pour suppléer les trous de production. Dans un pays dans lequel l’essentiel de l’électricité est d’origine thermique, cela ne pose pas de problème, mais dans un pays comme la France où 90% de l’électricité est déjà décarbonnée, c’est contre-productif. On peut aussi citer la grande vague du photovoltaïque, qui représente moins de 1% de la consommation et qui a fait augmenter les importations françaises de panneaux photovoltaïques asiatiques au détriment des fabricants européens, le tout toujours sans aucun impact positif sur les émissions de CO2, avant que les autorités décident de faire machine arrière.

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