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Congrès de Debout la France : comment Nicolas Dupont-Aignan est devenu un autre homme
©Reuters

Traumatisé de l'euro

Candidat à l'élection présidentielle pour la deuxième fois après 2012, Nicolas Dupont-Aignan pourrait bien mener cette fois une campagne électorale différente des précédentes. Le souverainiste s'est déjà dit "traumatisé de l'euro" et pourrait en faire un thème prépondérant de sa campagne.

Dominique Jamet

Dominique Jamet

Dominique Jamet est journaliste et écrivain français.

Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.

Parmi eux : Un traître (Flammarion, 2008), Le Roi est mort, vive la République (Balland, 2009) et Jean-Jaurès, le rêve et l'action (Bayard, 2009)

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David Desgouilles

David Desgouilles

David Desgouilles est chroniqueur pour Causeur.fr, au Figaro Vox et auteur de l'ouvrage Le Bruit de la douche aux éditions Michalon (2015).

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Atlantico : Alors que Nicolas Dupont-Aignan est candidat à l'élection présidentielle de 2017, se pourrait-il que sa campagne soit moins axée que d'habitude sur la question de l'euro et du souverainisme, un créneau par ailleurs également occupé par le Front national ? A-t-il tiré des leçons de ses précédentes campagnes ? Doit-on s'attendre à un "nouveau" Nicolas Dupont-Aignan ?

Dominique Jamet : La campagne présidentielle que Nicolas Dupont-Aignan a commencé, qu'il va mener et dont le meeting de demain sera un événement important ne sera effectivement pas la même que les précédentes. Il m'apparaît important de rappeler l'existence d'un socle commun aux adhérents, aux militants et aux électeurs de Debout La France. C'est sur ce socle que Nicolas Dupont-Aignan a construit son parti et ce socle ne change pas. Cette base, c'est celle du souverainisme que personne ne perd de vue au sein du parti Debout La France. Elle est essentielle et nourrit l'ensemble des objectifs : que la France récupère la maîtrise de ses frontières, de ses lois, de son budget voire de sa monnaie.

Le deuxième élément de discours de cette campagne ne sera pas le plus surprenant. Face aux fortes menaces qui pèsent désormais sur la France, entre djihadisme, communautarisme et immigration incontrôlée, la position de Debout La France est partagée, avec des nuances,  par différents acteurs et mouvements politiques. Le Front National, bien sûr, mais pas seulement. La droite des LR et même un pan des socialistes. Aujourd'hui, sur ces questions, il n'y a pas de différence très sensible entre Manuel Valls, par exemple, Nicolas Dupont-Aignan et d'autres personnalités politiques.

La particularité de la campagne de Nicolas Dupont-Aignan se fera sur plusieurs éléments. Tout d'abord, l'idée que si un ordre public, social et moral est évidemment essentielle ; cet ordre ne saurait faire sens sans justice sociale. Pour dire les choses schématiquement, Debout La France se rattache à sa filiation et à l'histoire de la droite traditionnelle, ce qui fait naturellement de l'ordre une thématique importante, primordiale. Cependant, la notion de justice sociale n'en est pas moins indispensable, comme elle l'était au gaullisme social. La France ne peut pas traiter ses précaires, ses chômeurs ou ses travailleurs pauvres comme elle le fait actuellement. Il faut évidemment veiller à éviter la fraude, mais il est important que tout un chacun puisse vivre décemment. Pour cela, on ne peut pas se reposer sur les diminutions d'impôts, qui coupent des ressources aux services publics. Il faut, à l'inverse, augmenter les salaires. Trop de gens sont réduits à des allocations insuffisantes pour vivre, sans compter les travailleurs qui ne parviennent pas à toucher un salaire décent. Sans justice sociale, il ne peut y avoir d'ordre social stable.

Un autre des thèmes de la campagne de Nicolas Dupont-Aignan concerne l'hypocrisie à laquelle adhère l'intégralité des hommes politiques. Tous, confrontés à une situation de la France qui est catastrophique, estiment avoir les méthodes et les remèdes nécessaires pour revenir à la situation d'avant-crise sans que rien ne change. Ils bercent d'illusions un vaste public, quand ils font croire aux Français que ceux d'entre eux dont les emplois n'existent plus retrouveront un travail dans les mêmes filières ou les mêmes conditions qu'il y a 20 ans. C'est faux et il nous incombe de réinventer la société, de la rééquilibrer. Les équilibrages professionnels ne seront plus jamais les mêmes. C'est pourquoi Debout La France estime qu'il faut poursuivre deux objectifs. D'abord, dans la mesure du possible, une ré-industrialisation de la France qui s'impose d'autant plus que sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy comme François Hollande, de nombreuses entreprises ont émigré à l'étranger, emportant avec elles de nombreux savoir-faire.  En deuxième lieu, il apparaît nécessaire d'anticiper et d'organiser l'apparition de nouveaux métiers, de nouvelles techniques, qui représenteront évidemment d'immenses bastions d'emplois à l'avenir. La part des emplois classiques dans l'agriculture ou dans l'industrie va mécaniquement se réduire et il faut préparer la France, amorcer la transition. Il est nécessaire de se projeter davantage dans l'innovation, d'accorder plus de crédits de recherches à la R&D ; de rénover l'enseignement… 

David Desgouilles : Il faut attendre que le programme présidentiel soit dévoilé pour s’en rendre compte, mais j’ai peine à croire que Nicolas Dupont-Aignan abandonne ce qui constitue l’ADN de sa démarche politique depuis qu’il est député. Et le fait que le "créneau" soit déjà occupé par le Front National serait une très mauvaise raison pour amorcer un tel virage. D’abord parce qu’il a précédé Marine Le Pen sur le sujet et a fortiori Florian Philippot sur ces thèmes souverainistes ; rappelons qu’il fut un compagnon de route de Philippe Séguin et Charles Pasqua. Mais aussi en termes de sociologie électorale. Lorsqu’on observe par exemple les résultats aux régionales par commune, on s’aperçoit que bien souvent, son parti fait des bons scores quand le FN en fait aussi. Cela signifie qu’on vote pour les deux partis souvent pour les mêmes raisons. Et cela signifie surtout qu’une partie des électeurs, alors qu’ils ont les mêmes aspirations que ceux qui votent FN, ne souhaitent pas le faire, certainement en raison qui ont trait  à leur tradition politique, souvent gaulliste, qui s’accommode mal de l’histoire du parti lepéniste, même dirigé par son actuelle présidente. Cela leur apparaît comme une transgression encore impossible. Dès lors, le revirement que vous décrivez pousserait tous ces gens dans l’abstention.

Ce qui a changé, en revanche, et qui peut énormément aider Nicolas Dupont-Aignan à réaliser un meilleur score qu’en 2012, c’est la structuration de son parti et sa participation aux diverses échéances électorales depuis lors. La participation de Debout La France aux élections régionales sur tout le territoire et son score intéressant donne une très bonne base à l’aube de la campagne présidentielle. Habituer les électeurs à voter pour vous, y compris dans les scrutins locaux alors que vous êtes d’habitude attendu uniquement aux européennes et à la présidentielle, c’est très important. Dès lors, surtout si c’est Alain Juppé qui est désigné à la primaire, Nicolas Dupont-Aignan peut raisonnablement conquérir des électeurs supplémentaires.

A quoi peut-on s'attendre de sa part en matière de discours dans la campagne qui s'annonce ? Quels sont les grands axes sur lesquels il pourrait s'appuyer (institutions, transparence, économie…) ?

Dominique Jamet : Cette première question faisait déjà, partiellement au moins, office de réponse. Le programme de Nicolas Dupont-Aignan reposera essentiellement sur le mérite et sur l'avenir. A l'inverse de bien d'autres personnalités politiques, Nicolas Dupont-Aignan ne prétend pas toucher aux institutions de la Vème République qu'il estime solides et efficace. En réalité, il estime davantage que ce sont les partis et les hommes politiques qui se sont succédés au pouvoir qui les fragilisent. S'il propose des réformes, ça n'est pas tant pour critiquer ces institutions que pour revenir sur leur utilisation actuelle et prôner un retour à l'esprit originel des institutions de la Vème République. Somme toute, un retour à la vérité de nos institutions.

Il s'agit, par exemple, de mettre un terme au quinquennat et organiser le retour au septennat. En revenant ainsi à l'origine de la Constitution de 1958, on rend au président de la République une dignité, une légitimité qui n'est plus seulement électorale, mais qui s'ancre également dans le temps (et dans sa gestion) et qui lui permet d'être non plus un Premier ministre bis, mais l'homme des grandes orientations, des grandes impulsions.

Il est également question de permettre au Parlement de recouvrer ses attributions. Il s'en est laissé déposséder par des majorités de partis, inféodées aux présidents de la République issus de leurs camps. Le Parlement a parfaitement le droit de censurer le gouvernement et de légiférer. La Vème République prévoyait effectivement un pouvoir fort de l'exécutif, mais pas seulement et certainement pas une humiliation du Parlement. Nous devons revenir à l'esprit original de ce régime politique, qui n'abbaisait pas le Parlement. 

​David Desgouilles :  Il devrait continuer à s’appuyer sur la nécessité de recouvrir les moyens d’une politique mais il est en effet nécessaire de ne pas en rester là et définir de quelle politique il s’agit. Selon mes informations, il souhaiterait s’appuyer sur deux thèmes, l’ordre et la justice sociale. L’ordre, c’est évidemment tout ce qui a trait à la sécurité, en particulier dans le contexte terroriste, mais aussi l’ordre dans les institutions : c’est tout le sens des propositions qu’il a commencé à évoquer sur la probité des élus, par exemple. Quant à la justice sociale, cela devrait être aussi l’occasion d’autres propositions. Il a d’ailleurs commencé à en faire sur le sujet des petites pensions de retraite.

Ce dimanche a lieu à Paris un grand congrès du parti Debout la France. Quels sont les principaux enjeux de ce congrès, à moins de 7 mois de l'élection présidentielle ?

Dominique Jamet : Ce congrès, qui se tient ce dimanche 2 octobre, a plusieurs caractéristiques dont deux principales. D'abord, il est désormais clair qu'il ne s'agit plus d'un congrès groupusculaire. Il suffit de prêter un minimum attention à la presse, d'ouvrir un journal ou de lire quelques écrits pour réaliser que le monde médiatique comme le monde politique prennent désormais Nicolas Dupont-Aignan, ainsi que son parti Debout La France, au sérieux. Et pour cause ! Son mouvement ne pèse plus le même poids qu'en 2012, où il avoisinait les 1,70% à l'élection présidentielle. Désormais, Debout La France atteint les 5% dans l'ensemble des sondages – et c'est un score qui a été confirmé à deux reprises, électoralement, lors des élections régionales en Bourgogne-Franche Comté et en Île de France. Ce faisant, cela ferait de Nicolas Dupont Aignan le 6ème ou le 5ème candidat de l'élection de 2017, selon les enquêtes. Dans les circonstances actuelles, avec la montée du FN et des scores globalement très serrés, ces 5% sont susceptibles de faire réfléchir, y compris des partis concurrents.

Cette base de 5% apparaît comme acquise, et Debout La France espère bien progresser. Cette prise de considération est plus satisfaisante qu'auparavant, d'autant plus que le parti bénéficie aujourd'hui d'un flux de nouvelles adhésions qui s'il n'est pas torrentiel demeure appréciable. La conjoncture semble en effet favorable à Nicolas Dupont-Aignan : on constate un rejet de plus en plus fort des grands partis de gouvernement, couplé à un besoin de renouveau, susceptible de profiter à Debout La France. Le courant semblait évidemment porteur pour le Front National, qui s'est largement dé-diabolisé. La question que cela pose désormais, c'est bien de savoir si le diable ne s'est pas fait ermite !

Beaucoup de Français se demandent en effet si une victoire du FN peut-être compatible avec la paix civile, avec la cohésion nationale. Ces individus se disent que pour diverses raisons, souvent liées à l'image (et l'image qu'on s'en fait) du FN, ce parti ne pourra probablement pas arriver au pouvoir ; et que s'il le faisait cela ne pourrait pas être sans conséquences sur la paix civile. Debout La France apparaît comme une alternative, dont le programme souverainiste peut parfois se rapprocher des thèses défendues par le Front National, sans pour autant générer les mêmes risques ou les mêmes craintes. Nicolas Dupont-Aignan n'effraie personne en cela qu'il est Républicain. En outre, sa candidature incarne une certaine forme de renouveau, un clivage qui se dessine autour de ceux dont on pense qu'ils ne pourront pas apporter quelque chose de neuf (ou qu'ils ne pourront pas le faire sans une part de danger) et ceux qui pourront le faire. Parmi ces derniers, on retrouve notamment Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron peut-être, et Nicolas Dupont-Aignan.

​David Desgouilles : Il s’agit de lancer la campagne présidentielle de Nicolas Dupont-Aignan  mais aussi les élections législatives qui suivront. J’ai lu que Manuel Valls lui-même avait déclaré qu’un score à deux chiffres était possible pour le candidat de Debout La France. La primaire de droite va laisser des traces dans l’électorat de droite et un espace politique plus important  peut s’ouvrir. Surtout si Alain Juppé, le favori euro-compatible et libéral, l’emporte. Dans ce contexte, les élections législatives qui suivraient pourraient installer durablement ce parti dans le paysage politique, et le rendre plus difficilement contournable.

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