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Comment les ténors de la droite sont en train de laisser Emmanuel Macron installer son nid au sein de l'électorat LR
©ETIENNE LAURENT / POOL / AFP

Victoire au Sénat ou pas

52% des sympathisants de droite sont satisfaits de leur nouveau président. Ils n'étaient que 37% en août. Un renversement qui devrait inquiéter Les Républicains.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Selon un sondage IFOP pour le JDD du 24 septembre, la popularité d'Emmanuel Macron a pu progresser de 5 points depuis le mois d'août dernier. Pour les sympathisants LR, ce renversement de tendance laisse apparaître un bon de 15 points, passant de 37 à 52% de satisfaits. (et une hausse de 23 points pour les sympathisants UDI). Comment expliquer une telle hausse ? De l'opposition frontale à Jean Luc Mélenchon aux réformes, quels ont été les recettes du chef de l'Etat pour ce qui ressemble à un kidnapping de l’électorat de droite ? 

Edouard HussonQu'appelons-nous la droite? On remarque que plus on se rapproche du centre, plus la cote de popularité d'Emmanuel Macron remonte: de 4 points chez les sympathisants du Front National (il passe de 11 à 15) à 23 points dans le cas de l'UDI. Mais la droite peut-elle encore être considérée comme un ensemble? Si l'on qualifie le Front National d'héritier de la droite bonapartiste, pour reprendre la terminologie de l'historien René Rémond dans son histoire des droites, alors on voir que Macron y est détesté. En revanche, il remonte dans la "droite orléaniste", où il est le plus fort; et il a un certain impact sur la droite "légitimiste". Depuis qu'il a été élu, Macron perd des soutiens à gauche, y compris au centre-gauche. Et il en gagne à droite. Il est une droite qui ne lui pardonne pas d'avoir maltraité le Général de Villiers - et surtout de continuer, comme ses prédécesseurs, à négliger l'appareil de défense; ou bien qui le critique pour ne pas faire assez en matière de sécurité. Il est une autre droite qui est sensible à la présence du Président sur la scène internationale, à sa défense de l'euro, à son engagement franco-allemand. Ces deux droites sont largement inconciliables: comme le montrent les statistiques sociologiques et les cartes, Macron plait à la droite d'en haut et il horripile la droite populaire. Cela vaut aussi pour son opposition à Mélenchon: elle plait à ceux que Bernanos aurait appelé "les bien-pensants"; et elle est une confirmation pour les couches populaires: Macron s'attaque à un homme qui comprend le peuple. 

Quelle part de responsabilité attribuer à la droite elle même ? En quoi l'effacement actuel des LR présente t elle une opportunité à Emmanuel Macron ? Quelles sont ces responsabilités, s'agit il plus d'un problème de personnalités ou véritablement d'un problème de fond ? 

Emmanuel Macron est un remarquable stratège politique. Il a fait une campagne improbable et qui restera dans les annales comme un modèle du genre. Cela n'empêche pas de dire qu'il aura eu bien de la chance. Les Républicains ont offert la victoire à Macron sur un plateau avec une complicité à son égard bien supérieure en intensité à celle dont avait fait preuve Jacques Chirac en 1981 quand il avait joué Mitterrand plutôt que Giscard. Pour cette raison aussi, la campagne présidentielle de 2017 restera dans les mémoires. Entre décembre 2016 et mai 2017 nous avons assisté au lent suicide de la droite modérée: refus de voir que Les Républicains ne pouvaient gagner l'élection qu'en s'ancrant bien à droite de l'échiquier; puis incapacité à reconnaître que ne pas défendre François Fillon, objet d'un véritable lynchage médiatique et judiciaire, cela revenait à perdre non seulement les présidentielles puis les législatives. Si l'on ajoute les buts marqués contre son camp par Nicolas Sarkozy; le manque de caractère de Juppé qui aurait pu forcer le destin et prendre la place de Fillon; on arrive naturellement au ralliement d'Edouard Philippe; à l'émergence des Constructifs; et à la fascination de toute une partie des cadres LR envers le nouveau président. Lui-même a eu ce trait de génie consistant à rebaptiser En Marche en LREM, ce qui peut se lire "Les Républicains En Marche". Evidemment, cela ne tient pas seuement aux personnes. C'est le fond qui est en cause: LR, à la suite de l'UMP, et même du tandem RPR-UDF des années 1981-2002, est devenu un parti "giscardien", c'est-à-dire libéral, centrste et européen. Mais qu'est Emmanuel Macron sinon un des specimens chimiquement les plus purs du giscardisme? La droite modérée est condamnée à être vampirisée par le président. 

De quelle manière la droite pourrait elle couper l'herbe sous le pied du Président ? Quelles sont les thématiques que la droite devrait utiliser afin de retrouver son électorat ? 

Il faut de toute urgence réconcilier la droite avec le peuple. Cela commence d'abord par un changement de récit. Regardez comme la droite reste enfermée dans le récit écrit voici trente-cinq ans par Giscard, Mitterrand et Chirac. Giscard et Chirac ont été complices pour ringardiser le gaullisme. Chirac a combattu Giscard mais pour se rallier à ses idées et disputer à Mitterrand, qui se débarrassait lui-même de la gauche patriote, le terrain du centre. Le plus fort a cependant êté Mitterrand, qui a eu cette intuition géniale de pousser le Front National pour rendre iunutilisables le thème de la patrie. Nicolas Sarkozy a bien relevé le drapeau jeté à terre mais il a été asphyxié par l'ordre monétaire européen. Fillon a essayé, lui, de relever le flambeau des valeurs familiales, avant d'être ridiculisé par ses adversaires et par les siens. Maintenant que Macron est au pouvoir et applique le programme qui aurait été celui d'un Juppé, il faut imaginer une opposition complète qui, pour autant, ne se laisse pas enfermer dans le populisme. Face au grand communicateur qu'est Macron, il faut opposer le thème de la transmission. La France est un héritage à transmettre: patrimoine, culture, éducation, famille doivent être au coeur du programme de la droite. Tout comme le thème de la protection: commerciale, militaire etc.... Il faut utiliser le formidable potentiel de la révolution numérique, et en faire un usage bien plus massif et radical que ce qu'envisage Emmanuel Macron. En particulier, l'effort éducatif doit permettre de former, effectivement, toute une classe d'âge, au monde digital, aux écosystèmes de la troisième révolution industrielle. L'Etat doit se moderniser: la droite peut être régalienne tout en s'occupant de casser définitivement le jacobinisme. Jacobinisme français et européen. Les Français aspirent à reprendre en main leur destin; et, en particulier, il est absurde que notre politique monétaire soit décidée aussi loin des acteurs économiques et des initiatives entrepreneuriales.  La droite d'en haut peut et doit redécouvrir le peuple, à condition de lui offrir un récit d'espoir, non le récit crispé des populistes. On peut bien être contre l'euro, rien de rédhibitoire à cela; mais il ne faut pas le combattre au nom d'un retour au franc au sens de la fiat currency des années 1970. On pense, et on a raison de le faire, qu'il n'y rien de plus archaïque que de gérer une zone aussi immense et aussi diverse que les 19 de l'euroland avec un instrument de pilotage unique et sommaire, les taux d'intérêts. Il va bien falloir poser un certain nombre de questions fondamentales puisque, d'un côté, il faudra dégager des marges de manoeuvre budgétaire et, de l'autre, Madame Merkel, mal réélue, aura une politique monétaire dure. Il faut donc changer de politique étrangère, se rapprocher de la Grande-Bretagne en particulier, pour moins dépendre de l'Allemagne. 

Je me suis sans doute emballé: imaginez-vous un responsable LR aller sur ces terrains? 

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