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Comment la photo du petit Aylan a eu un effet sur la propension à l'accueil des migrants en Europe
©Reuters

Bonnes feuilles

Jérôme Fourquet analyse comment les opinions publiques européennes réagissent à l’arrivée de migrants sur les côtes méditerranéennes. Comment comprendre les différences d’attitudes concernant l’accueil des migrants et le fait que certains pays, dont la France, se montrent particulièrement réticents alors même que le nombre des migrants arrivant sur son territoire est faible ? Quelles ont été les conséquences électorales ? Comment cette problématique s’imbrique-t-elle avec celle de la menace terroriste et du rapport à l’islam ? Extrait de "Accueil ou submersion", de Jérôme Fourquet, aux éditions de l'Aube 1/2

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Un effet « Aylan » plus ou moins puissant selon les pays

Si des écarts de niveau très importants existent donc entre les pays concernant la propension à accueillir une partie des migrants sur son territoire, un "effet Aylan" (du nom du petit garçon syrien dont les photos du corps sans vie ont fait le tour du monde au début du mois de septembre 2015) a eu lieu dans différents pays. Ainsi, entre juillet (mois au cours duquel l’Ifop avait réalisé un autre sondage sur le sujet) et fin septembre 2015 (date de l’enquête utilisée ici), l’adhésion à l’accueil de migrants, qui était déjà très élevée en Allemagne, a grimpé de 10 points. Mais la progression a été du même ordre en France et en Grande-Bretagne, où l’opinion publique était initialement beaucoup moins bien disposée.

Un effet « Aylan » plus marqué dans certains pays que dans d’autres Question : Êtes-vous favorable ou opposé à ce que les migrants qui arrivent par dizaines de milliers sur les côtes italiennes et grecques soient répartis dans les différents pays d’Europe et à ce que [la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et les Pays-Bas] en accueillent une partie ?

La publication de ces photos a incontestablement joué un rôle dans ce mouvement d’opinion mais les reportages et les dépêches faisant le bilan des victimes, qu’il s’agisse des naufrages en Méditerranée ou de la mort des 70 migrants dans un camion frigorifique en Autriche, qui ont scandé l’actualité durant tout l’été 2015, ont sans doute également pesé. Ainsi, concernant le drame survenu en Autriche, le tableau de bord politique Ifop-Fiducial pour Paris Match réalisé les 28 et 29 août 2015 indiquait que 61  % des interviewés en avaient parlé avec leurs proches, faisant de ce sujet le second thème de conversation des Français durant cette période derrière l’attentat déjoué du Thalys (75 %), mais loin devant les baisses d’impôts annoncées par François Hollande (39 %) ou la polémique sur les propos d’Emmanuel Macron sur les 35 heures (36 %).

Dans le même ordre d’idées, on peut penser que l’exposition précoce de l’Italie aux drames des migrants a engendré, il y a longtemps déjà, une forte sensibilisation dans le pays. Une prise de conscience et un choc émotionnel comparables à ceux enregistrés dans les autres pays à l’occasion de la diffusion des photos du petit Aylan ont pu s’y produire plus anciennement à l’annonce de multiples naufrages ayant eu lieu entre les côtes italiennes et libyennes. Différentes catastrophes ont, au regard du nombre de victimes, été de nature à marquer les esprits italiens. Comme le montre la liste suivante, recensant les principaux naufrages ayant eu lieu, ces drames ont commencé il y a près de cinq ans maintenant. Depuis 2011, l’opinion italienne est ainsi exposée régulièrement à des récits et à des images de corps repêchés et de groupes de survivants hagards et transis entassés sur le pont des bateaux des garde-côtes italiens5.

Si l’on analyse maintenant les résultats au niveau de chaque pays, on constate que, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, l’adhésion à l’accueil des migrants n’est pas plus faible dans les régions qui sont les plus directement exposées. Ainsi, par exemple, en Italie, l’adhésion s’élève à 78  % dans le Sud et les îles contre 77 % en moyenne. On retrouve le même phénomène en Allemagne, puisque 74 % des Bavarois se déclarent favorables à l’accueil (et à la répartition entre les différents États membres, rappelons-le), soit un score proche de la moyenne allemande, qui s’établit à 79 %, ou bien encore en Espagne (67  % sur l’ensemble du pays contre 65  % dans les régions du Sud).

Ces très faibles variations régionales traduisent le fait que la question des migrants est principalement abordée dans un cadre national, comme une problématique concernant tout le pays, et non pas comme un sujet local. Dans ce contexte, la question revêt une dimension éminemment politique et recrée partout en Europe du clivage gauche-droite. Comme on peut le voir sur le tableau suivant, on constate en moyenne un écart de 30 à 40 points entre les réponses des sympathisants de gauche et de droite sur l’adhésion à l’accueil, sauf en Allemagne, dirigée par un gouvernement de coalition, où l’écart n’est « que » de 18 points.

Extrait de "Accueil ou submersion", de Jérôme Fourquet, publié aux éditions de l'Aube, octobre 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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