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Comment la France est structurellement en train de devenir la première destination des migrants
©JORGE GUERRERO / AFP

Premier choix

Les derniers chiffres de Frontex montre une érosion de la "crise migratoire". Mais les migrants qui traversent l'ouest de la Méditerranée sont majoritairement francophones.

Atlantico : Alors que les derniers chiffres publiés par l'agence Frontex tendent à démontrer l'érosion de la crise migratoire conjoncturelle qui a touché l'Europe depuis 2015, les tendances structurelles des routes empruntées et des nationalités des pays de départ révèlent un nouveau profil des pays de destination. Alors que les principales nationalités de départ, passant par la route ouest de la Méditerranée sont francophones (Mali, Guinée, Maroc), ne peut-on considérer la France comme étant la principale destination de l'immigration structurelle vers l'Europe ?

Laurent Chalard : Effectivement, il existe une différence importante dans la composition des flux entre l’immigration clandestine conjoncturelle, liée à une crise géopolitique, et l’immigration clandestine structurelle alimentée par un « mirage européen », consécutif d’un décalage considérable de niveau de vie entre l’Europe et le reste du monde. 

A l’occasion des crises géopolitiques, la destination des flux peut s’avérer très variable en fonction des liens qu’entretiennent les pays concernés avec des pays européens. Par exemple, à l’occasion de la chute de Ben Ali en 2011, des tunisiens se sont dirigés vers la France, l’ancienne puissance coloniale, qui abrite la plus importante communauté tunisienne sur le sol européen, alors que les kurdes se rendent en Allemagne et que les irakiens privilégient le Royaume-Uni. Les différences peuvent cependant être aussi le produit des politiques d’accueil. Par exemple, l’Allemagne a ouvert en grand ses portes aux réfugiés syriens en 2015, ce qui a conduit ces derniers à se diriger massivement vers ce pays. La France n’est donc pas forcément la destination première des migrants clandestins conjoncturels, tout dépend du pays concerné et de sa politique d’accueil. 

Par contre, concernant les flux clandestins structurels, ils proviennent essentiellement d’Afrique subsaharienne, où le niveau de vie est sensiblement moindre que dans les pays arabes et les possibilités d’immigration légale vers le continent européen limitées. Or, les Etats de cette région du monde les plus pauvres et les plus proches de l’Europe sont francophones, d’où le choix dominant de se rendre en France, qui est probablement la première destination souhaitée avec le Royaume-Uni pour les migrants clandestins structurels.

En quoi cette modification du profil de la crise migratoire, passant d'une étape conjoncturelle à une autre, structurelle, doit-elle être prise en compte par les autorités ? En quoi ce changement peut-il également avoir un impact sur l'approche européenne ? 

Le terme « modification » n’est pas forcément le plus adapté, dans le sens que l’on revient à une situation « normale », près 2015, d’un flux régulier de plusieurs dizaines de milliers d’immigrés clandestins franchissant la Méditerranée chaque année, processus continu depuis le début des années 2000, même si l’intensité des flux varie d’une année sur l’autre. Les autorités européennes ne font donc pas face à une situation nouvelle, mais se retrouvent dans la poursuite de gestion d’un processus qu’elles ont du mal à gérer depuis le départ, paraissant désemparées, voire dépassées par les évènements. En effet, cette immigration ayant des causes structurelles, il est très difficile d’y mettre fin en quelques années, d’autant que les dirigeants européens se sentent mal à l’aise sur le sujet, ayant une certaine mauvaise conscience de leur incapacité à réduire les inégalités de développement entre l’Europe et l’Afrique. 

Comment envisager l'avenir ? Les causes qui sont à l'origine de cette situation sont-elles installées pour durer dans le temps ? 

A brève échéance, cette immigration clandestine structurelle est appelée à se poursuivre, a minima au même rythme, voire même à s’accélérer si les Etats d’Afrique subsaharienne n’arrivaient pas à proposer un avenir meilleur à leurs enfants. Les moteurs de cette immigration sont installés dans la durée, d’autant que nous ne sommes pas à l’abri d’autres crises géopolitiques, alimentant de nouveaux flux conséquents de réfugiés. Face à cette situation, deux avenirs sont envisageables. Un premier avenir repose sur le renforcement du modèle de l’Europe forteresse, l’objectif des dirigeants européens étant alors de limiter au maximum possible le passage des clandestins, suivant la voie italienne, plébiscitée par les opinions publiques. Un second avenir serait d’instaurer un quota annuel jugé soutenable d’immigrés clandestins que l’Europe  pourrait accueillir, par exemple 50 000 personnes par an, ce qui ferait 500 000 personnes en dix ans, un chiffre tout à fait raisonnable, sous réserve d’une répartition relativement égalitaire par sexe. Dans ce cas-là, au-delà du chiffre atteint, les immigrés clandestins seraient expulsés. Cependant, cette solution ne bénéficierait pas forcément du soutien de la majorité de l’opinion publique européenne !

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