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Comment la Cité du Vatican a été fondée par Mussolini
©OFF / AFP

Bonnes feuilles

Bernard Lecomte publie "Tous les secrets du Vatican" aux éditions Perrin. Le Vatican, terre de mystères et de fantasmes, a fait couler beaucoup d'encre sans pour autant lever le voile sur toutes ses zones d'ombre. Bernard Lecomte est parvenu à exhumer trente-quatre dossiers célèbres et souvent non élucidés de l'histoire mouvementée du siège de l'Église catholique. Extrait 1/2.

Bernard Lecomte

Bernard Lecomte

Ancien grand reporter à La Croix et à L'Express, ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine, Bernard Lecomte est un des meilleurs spécialistes du Vatican. Ses livres sur le sujet font autorité, notamment sa biographie de Jean-Paul II qui fut un succès mondial. Il a publié Tous les secrets du Vatican chez Perrin. 

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En octobre 1922, la « marche sur Rome » de Mussolini bouleverse le paysage politique italien, mais ne modifie pas ses rapports avec l’Église : les deux pouvoirs s’observent d’un œil favorable, voire bienveillant. Les fascistes raccrochent les crucifix dans les écoles et les tribunaux, rétablissent l’instruction religieuse à l’école, renforcent l’institution du mariage, favorisent les célébrations de l’Année sainte en 1923. En retour, Pie  XI et son entourage se fient aux déclarations engageantes des nouveaux dirigeants. Ils ne protestent pas beaucoup quand, cette année-là, Mussolini fait interdire le Parti populaire de don Sturzo, lui-même contraint à l’exil. Et ne se privent pas de rappeler leur revendication principale, comme dans L’Osservatore Romano lors de la visite à Rome du roi Alphonse XIII : « La blessure ouverte le 20 septembre 1870 ne se soigne pas avec des cataplasmes. Elle est et restera ouverte aussi longtemps qu’on n’y aura pas pourvu. […] La question romaine demeure sans solution… » 

Appels du pied, propos conciliants, danse du ventre. Reçu à Assise pour la fête de saint François, le 4 octobre 1926, avec les honneurs souverains, le cardinal Merry del Val, légat de Pie XI, n’hésite pas à remercier chaleureusement « celui qui tient en main les rênes du gouvernement » et qui, « visiblement protégé de Dieu », a « sagement relevé les destinées de la nation ». Mussolini, sans doute, n’en demandait pas tant. Mais c’est ce jour-là, précisément, que le Duce lance le processus des négociations sur la question romaine par une lettre adressée au professeur Domenico Barone, conseiller d’État, qui fut un des rédacteurs de la constitution fasciste. 

En réalité, le conseiller Barone avait déjà invité chez lui, le 6  août, le jeune frère du nonce apostolique à Berlin, l’avocat consistorial Francesco Pacelli, marquis de son état, pour tâter le terrain. Dans la plus grande discrétion, plusieurs entretiens eurent lieu entre les deux juristes, vite convaincus qu’un accord était possible. Tandis que Barone recevait la lettre de Mussolini, Pacelli en recevait une du cardinal Gasparri, secrétaire d’État, l’autorisant à poursuivre les négociations dans le plus grand secret. 

Un mois plus tard, un avant-projet de traité est rédigé. Avec l’aide du secrétaire de la Sacrée congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires, Mgr  Borgognini-Duca, une première mouture du futur concordat est rédigée en avril 1927. Mais il est un sujet qui fâche : le régime fasciste entend garder le monopole du contrôle des organisations de jeunesse, lesquelles constituent, aux yeux de l’Église, un des piliers de l’Action catholique. 

Des dizaines de conversations, quelques suspensions, la mort imprévue de Barone  : il faudra encore dix-huit mois pour que l’avocat Pacelli, officiellement délégué par le cardinal Gasparri, entame les dernières conversations avec Mussolini en personne au palais Chigi, le domicile du Duce, à partir du 8 janvier 1929. Chaque matin, Francesco Pacelli rendait compte personnellement au Saint-Père des conversations de la veille. 

Le 3 février, tout est conclu. Le 7, par courtoisie, Gasparri en informe secrètement les missions diplomatiques auprès du Saint-Siège. L’ambassadeur de France, M. de Fontenay, est le premier à présenter au pape les félicitations de son gouvernement. Et le 11, les signatures sont échangées dans le palais apostolique du Latran – là où, seize siècles plus tôt, l’empereur Constantin offrit pour résidence au pape de l’époque, Miltiade, le palais de l’impératrice Fausta, qui fut sa première parcelle de territoire…

Les accords du Latran 

Les accords dits du Latran comportent trois volets, à commencer par un traité politique assurant au Saint-Siège une souveraineté pleine et indépendante sur l’État de la « Cité du Vatican ». Celui-ci est constitué de l’ensemble fortifié de l’antique cité du Vatican, du palais de Castel Gandolfo, des trois basiliques patriarcales de Saint-Jean-de-Latran, Sainte-Marie-Majeure et Saint-Paul-hors-les-Murs et de quelques autres dépendances. En contrepartie, le Saint-Siège reconnaît le royaume d’Italie et renonce définitivement à toute prétention sur les anciens États pontificaux. 

Les accords comportent aussi une convention financière attribuant des indemnités au Saint-Siège (750 millions de livres par an) en dédommagement de la perte de territoires et de revenus depuis la constitution de l’État italien. 

Enfin, le concordat instaure le catholicisme comme religion d’État en Italie. Il attribue le pouvoir de nommer les évêques au seul souverain pontife, les nouveaux évêques devant prêter serment de fidélité devant le roi. D’autres décisions sont prises, très favorables à l’Église : l’enseignement religieux devient obligatoire dans les écoles primaires et secondaires ; le divorce est interdit ; les congrégations religieuses sont dotées d’une personnalité juridique leur permettant d’acquérir des biens,  etc.

L’innovation la plus spectaculaire, c’est évidemment ce minuscule territoire de 44  hectares qui fait du Vatican le plus petit État du monde : alors que les terres du pape, en 1859, s’étendaient sur 18 000  hectares, la Cité du Vatican se réduit désormais au tiers de la principauté de Monaco ! Mussolini avait d’ailleurs proposé d’y adjoindre quelques autres domaines du côté du Janicule, y compris plusieurs quartiers habités, mais le cardinal Gasparri a décliné cette offre : 

— Nous ne voulons pas avoir à nous occuper d’une grève de tramways ! 

Au lendemain de la signature des accords, Pie XI écrira, dans une lettre aux curés et prédicateurs de Rome : « Il nous plaît de voir le domaine foncier réduit à de si minimes proportions qu’il puisse et doive être lui-même considéré comme spiritualisé par l’immense, sublime et vraiment divine puissance spirituelle qu’il est destiné à soutenir et servir. » 

Mussolini aura, de son côté, ce bref commentaire : 

— La Cité du Vatican est grande par ce qu’elle représente, et non pour un kilomètre carré de plus ou de moins ! 

C’est lui qui a trouvé la formule Cité du Vatican, alors que plusieurs éminences avaient proposé Roma vaticana, la « Rome vaticane ». Pour les uns comme pour les autres, ce territoire recouvré est plus qu’un symbole : c’est toujours le Saint-Siège, naturellement, qui est personne de droit international et qui retrouve ainsi une légitimité politique aux yeux du reste du  monde.

Extrait du livre de Bernard Lecomte, "Tous les secrets du Vatican", publié aux éditions Perrin

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