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Comment faire la différence entre l’amour et le désir ? Les neurosciences ont des réponses
©©LOIC VENANCE / AFP

Merci la science

Amour, désir, simple attraction ... Comment distinguer ces sentiments et que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous tombons amoureux ?

Aurore Malet-Karas

Aurore Malet-Karas

Aurore Malet-Karas est docteure en neurosciences et sexologue. Passionnée par l'étude des mécanismes reliant à la fois le corps et l'esprit, elle a poursuivi un double cursus en biologie et en psychologie, qui ont abouti à des recherches en Neurosciences Cognitives sur les mécanismes de la mémoire, des émotions (et en particulier sexuelles), du plaisir et de la récompense (et par extension des addictions).

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Atlantico : Comment notre cerveau fait-il une différence entre l’attachement amoureux et le désir ? 

Aurore Malet : Dans ce cas précis, il faut distinguer l’attachement purement émotionnel que l’on peut ressentir pour un proche versus une pulsion sexuelle. En neurosciences, le désir est très compliqué à définir et il n’a pas de définition proprement parler qui fait consensus. Chaque laboratoire va travailler avec sa propre définition et dans son cadre. On définit pourtant de manière générale, le désir qui donne envie d’aller vers l’autre dans un cadre sexuel. Le désir correspond à de la mise en mouvement physique. Il y a dans le désir tout un pattern d’activation d’hormones et de neurotransmetteurs qui soutiennent cette mise en avant/ en marche/ en action / en mouvmeents. Comme il y a une réponse sexuelle, des réactions physiologiques particulières apparaissent telles que les questions d’érection, de clitoris ou de la verge. Cela amène à des régulations du système cardio-vasculaire. La testostérone, hormone de l’action sexuelle, sera présente, il y aura du cortisol à faible dose et un peu d’adrénaline. C’est ce qui va permettre d’amener le sang vers les organes génitaux. 

Il peut aussi y avoir de la dopamine, qui est un neuro-modulateur, pour renforcer la mémorisation des événements. Il  faut justement ne pas tout réduire à la dopamine, car ce neuromodulateur est présent dans de très nombreux comportements, par exemple dans la mise en place des actions motrices de Parkinson, qui est un problème de dopamine. La dopamine est aussi très bien décrite dans le systèmede la récompense. C’est quelque chose de plaisant, qui nous fait du bien et il s’agit d’une anticipation du résultat de notre action sexuelle qui décharge la dopamine. Cela correspond à la mise en place de l’action pour un acte sexuel. 

Ce désir reste-t-il associé à la fonction reproductive ?

C’est une grande question théorique. Il faut comprendre que lorsque l’on fait l’amour, nous sommes en train de jouer avec une « machine » qui a évolué pour la reproduction. Cela ne peut pas être totalement détaché de cet aspect de la « machine ». On peut y ajouter des fantasmes, du contrôle de la « machine », mais la fonction reproductrice va être centrale et c’est avec ces outils là que l’on fait quelque chose. 

Comment passe-t-on du désir à l’affection au sentiment amoureux ? Est-ce les mêmes mécanismes  ? 

Pour la neurosciences, il s’agit de deux modules différents. La partie sexuelle est connue, il y a une fonction évolutive autour de la fonction de reproduction. L’attachement est plus particulier car on  a considéré  que c’est une fonction spécifique à l'homme, on pensait à tort que les animaux n’étaient pas capables d’affection. Historiquement, l’attachement a été décrit  d'abord dans le lien mère-enfant et notamment lors de l’allaitement. Cela amène à la sécrétion de l’ocytocine qui fonctionne en couple avec la vasopressine, il s’agit de deux messagers chimiques des hormones qui ont pour rôle de jouer avec la vasodilatation et la décontraction des muscles. Quand on est bien avec une personne, ce système dans notre corps qui nous permet de nous détendre et c’est cette détente que notre cerveau va  encoder comme agréable.

On analyse maintenant nos émotions du bas vers le haut. C’est notre corps qui réagit de manière physiologique et notre cerveau va construire après un sens. Comme pour la dopamine, ici aussi on ne peut pas réduire l'attachement au couple ocytocine/vasopressine.  Nous avons évolué comme cela. D’autres zones dans le cerveau vont se mettre en place pour qu’il interprète les émotions. On va donc avoir des zones du cortex pariétal, du cortex cingulaire certaines zones des lobes temporaux qui sont sollicitées pour analyser la situation.

Qu’est ce qui fait que le désir ou l’affection va apparaître ? 

Le contexte. Si on en est une gazelle dans la nature, qu’il y a des hautes herbes dans la savane qui se mettent à frémir soudainement, si  c'est une amie gazelle arrive on va juste lever la tête et continuer à brouter, si c’est un lion on va détaler. Le contexte dirige les stimulis que l’on a. Il s’agit de deux modes différents entre le contexte sexuel et affectif. La notion d’attachement est très très vague en neurosciences. Les résultats sont difficiles à interpréter car on peut avoir de l’attachement pour son enfant, pour sa meilleure amie ou sa partenaire alors que l’on ne va pas avoir les mêmes envies sexuelles pour ces mêmes personnes. 

Doit-on comprendre l’amour comme étant un cocktail de différentes choses ? À la fois le désir, l’attachement, l’attraction ? 

Ce n’est pas des questions de neuroscience, mais qui relève plutôt de la philosophie. Parfois les neurosciences et la philosophie travaillent ensemble, mais l’amour est un terme assez vague. En science, on a besoin de mesure et sans précision on ne peut pas préciser la notion. La question est de savoir ce que nous avons comme émotion, ce qu’on ressent ainsi que ce que l’on en fait. 

La manière dont on travaille en neurosciences n’est pas d’aller prendre des grands concepts comme la liberté, le désir pour mettre des gens dans un IRM pour voir ce qu’il se passe. La première question que l’on se pose est celle de la définition des termes. Avant de travailler sur le désir et l’amour, on doit définir les termes, pour ensuite trouver des manières de les mesurer.

Il faut faire attention au réductionnisme. On ne peut pas réduire des comportements complexes à une hormone, une région cérébrale ou un neurotransmetteur. C’est impossible. C’est quelque chose que l’on retrouve massivement dans la presse. Il est nécessaire d’avoir quelque chose de mesurable en science. 

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