Comment expliquer que le Sida fasse moins peur que la perspective d’une grossesse indésirée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A l’époque, on pensait que l’épidémie du Sida pouvait être comparable à celle de la peste.
A l’époque, on pensait que l’épidémie du Sida pouvait être comparable à celle de la peste.
©Reuters

Inconscients ?

Le Sidaction se tient tout le week-end. Des réactions de femmes prouvent que dans les esprits une grossesse non désirée soit plus crainte qu'une maladie sexuellement transmissible. Pourquoi ?

Pascal De Sutter

Pascal De Sutter

Pascal de Sutter est psychologue-sexologue et enseigne dans plusieurs universités de France et de Belgique, dont Lille et Metz. Il est l'auteur, avec Catherine Solano, de plusieurs ouvrages sur la mécanique sexuelle des hommes aux éditions Robert Laffont : La mécanique sexuelle des hommes : l'éjaculation. Il organise également des séminaires d'épanouissement conjugal, voir le site les sens de l'amour Il est le co-fondateur du site ma santé sexuelle.

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Atlantico : Le Sidaction 2013 a débuté pour récolter des fonds afin de faire avancer les recherches. Un reportage France Info (cliquez ici) rapporte des témoignages de femmes de tout âge qui sont plus préoccupées par une grossesse que par une contamination du VIH. Comment expliquer que la crainte d’une grossesse non désirée soit plus fort que celle de contracter une maladie à l’issue d’un rapport sexuel non protégé ?

Pascal de Sutter : Il y a plusieurs phénomènes, le premier c’est qu’il y a eu dans les années 80, des grandes campagnes par rapport au Sida qui ont fait peur aux gens. A l’époque, on pensait que l’épidémie du Sida pouvait être comparable à celle de la peste. Or comme l’épidémie n’a pas touché autant de personnes que dans les prédictions, les gens ont l’impression que la menace s’est éloignée.

La deuxième hypothèse, c’est qu’avec la trithérapie, la population a le sentiment, faux, que l’on peut soigner le Sida avec des médicaments. Ils n’ont pas conscience que le traitement est très lourd et qu’il ne fait que ralentir la maladie. On assiste à une dédramatisation du Sida.

L’idée que la crainte d’une grossesse non désirée est plus forte que celle d’une maladie s’explique de façon psychologique. On connait tous une femme qui est tombée enceinte, plus ou moins précocement. Or, il est moins fréquent de côtoyer de près ou de loin quelqu’un atteint du Sida. Dans nos connaissances, certains ont peut-être déjà contracté des infections sexuellement transmissibles (IST), mais ils ne s’en vantent pas. La maladie nous parait éloignée, ça ne nous concerne pas, ça n'arrive qu'aux autres. Alors qu'attendre un enfant, est quelque chose de concret. La maladie est plus de l’ordre de l’imaginaire, de l’irréaliste que le fait d’avoir un enfant. La grossesse est quelque chose de très réel. On pense toujours que le partenaire avec qui on partage l’intimité ne peut pas avoir de maladie. Quelque part se protéger, c’est aussi lui dire qu’il est sale, c’est avouer à son partenaire qu’on n’a pas confiance en lui.

Il est relativement facile de dire à son/sa partenaire que l’on ne souhaite pas avoir d’enfant avec lui/elle. Par contre, dire indirectement, en exigeant le préservatif, cela signifie "j’ai pas envie que tu me transmettes une maladie, car tu es peut être malade ou que tu me trompes avec quelqu’un d’autre", c’est plus compliqué sur le plan relationnel et psychologique. Toutes ces croyances psychologiques influencent nos comportements.

Quel rapport les partenaires ont-ils au préservatif ?

Le préservatif n’est agréable pour personne. Pour un homme, ce n’est pas un plaisir de mettre un préservatif car souvent le temps qu’il le mette, qu’il l’ajuste correctement, il perd son érection. C’est toujours un peu délicat, voire humiliant pour un homme de mettre un préservatif. Ils vont peut-être le porter pour une première relation sexuelle avec une nouvelle partenaire, mais avec une partenaire régulière ils ne l’utilisent plus.

On a aussi cette idée, que ce sont les hommes qui rechignent à mettre un préservatif. Or on constate que souvent, se sont les femmes qui mélangent les sentiments et le désir sexuel. Lorsqu’elles sont un peu amoureuses, elles demandent à ne plus utiliser de protection. Si l’homme met un préservatif, c’est une façon de lui dire qu’elle est une putain, que c’est une femme parmi d’autres. Alors que si la femme a l’illusion qu’elle est la seule, que l'homme ne fait l’amour qu’avec elle, elle ne voit pas l’utilité de mettre un préservatif.  Les femmes dans le feu de l’action, peuvent s'oublier, s’abandonner complètement et demander à l’homme de ne pas mettre de préservatif.

Pour mieux gérer le préservatif, il faut avoir un bon entrainement. Plus on l’utilise, plus on s’en accommode. Une fois que les personnes sont en couple et après avoir effectué les tests nécessaires, il est préférable de choisir un autre moyen de contraception.

Comment expliquer la relative inefficacité des campagnes de prévention ? Comment les améliorer ?

Il ne faut pas être trop négatif. C'est désagréable de mettre un préservatif : la sensation à la pénétration est différente, le latex peut irriter… Pour un jeune, et même pour les moins jeunes, aller acheter des préservatifs en pharmacie ou en grande surface est délicat car il n’y a pas de lieu de confidentialité. Alors, on peut se réjouir que malgré tous ces éléments de gêne (achat et utilisation) autant de gens utilisent un préservatif. Le milieu libertin, le milieu des prostituées, ont recours à ce moyen de contraception de façon très régulière. La preuve étant, que l’épidémie n’a pas été aussi épouvantable que ce qu’on nous avait prédit. Malheureusement, encore trop de gens se font contaminer chaque année.

Dans les campagnes de prévention, il faut expliquer les règles de sécurité de base à respecter. A un moment, on préconisait de tout faire avec des contraceptifs : fellation, cunnilingus… mais dans la réalité cela transforme la sexualité en quelque chose de désagréable. La société doit accepter que le risque zéro n’existe pas. Il faut protéger au maximum les jeunes en leur disant la vérité. La vérité c’est qu’un préservatif ce n’est pas agréable à porter mais que c’est la moindre des choses lorsqu’on est avec un/une nouveau partenaire.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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