Comment contenir la tentation de l’islamisme radical chez les jeunes issus des immigrations post-coloniales <!-- --> | Atlantico.fr
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Des jeunes brandissent un drapeau palestinien lors d'une manifestation appelant à la paix à Gaza, place de la République à Paris, le 22 octobre 2023.
Des jeunes brandissent un drapeau palestinien lors d'une manifestation appelant à la paix à Gaza, place de la République à Paris, le 22 octobre 2023.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Prévention

Après la marche de ce dimanche contre l’antisémitisme il faut mettre en place des actions de prévention pour contenir la tentation de l’islamisme radical chez les jeunes issus des immigrations post-coloniales.

Jean-Claude Sommaire

Jean-Claude Sommaire

Jean-Claude Sommaire, administrateur civil honoraire, a fait l’essentiel de sa carrière au Ministère des affaires sociales.

Il a notamment été Conseiller technique, chargé de l’immigration et de l’intégration, auprès de Claude Evin, sous le gouvernement de Michel Rocard de 1988 à 1991.

En 1993, il a été auditeur d’une session de l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure et a participé à un groupe de travail sur les sectes qui contribuera à la mise en place de la Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Il a aussi été Secrétaire général du Haut Conseil à l’Intégration, de 1999 à 2003, et a contribué alors à l’élaboration d’un rapport intitulé « L’islam dans la République », sujet toujours d’actualité.

Une fois en retraite il a été administrateur de la Sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence, et de l’adulte, en Yvelines pendant de nombreuses années.

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La loi confortant le respect des principes de la République ne suffit pas

La loi du 24 aout 2021, confortant le respect des principes de la République, a vraisemblablement contribué à freiner la montée de l’islamisme radical dans les banlieues mais elle n’a pas permis d’attaquer le mal à la racine. On l’a constaté tragiquement, à Arras, quand le jeune Mohammed Mogouchkov a assassiné sauvagement le professeur Dominique Bernard.

Pourtant, en 2018, une grande enquête sur « la tentation radicale », effectuée auprès de 7000 lycéens par les sociologues du CNRS Olivier Galland et Anne Muxel, nous avait déjà alerté sur le fait que beaucoup de jeunes musulmans vivaient aujourd’hui un profond conflit de loyauté entre leur milieu familial, où on leur a toujours dit que Dieu était à l’origine de tout, et l’école où on leur demande de reconnaitre les vérités scientifiques indépendamment de leurs convictions religieuses. Pour ces élèves, formatés par leur éducation familiale et confortés par ce que leur disent les réseaux sociaux islamistes, le Coran a toujours raison. Certains enseignants évoquent d’ailleurs, à leur sujet, une forme de schizophrénie qui ferait obstacle à ce que l’école puisse leur apporter, comme aux autres élèves, les connaissances et les possibilités d’émancipation propres à notre société démocratique.

Des enseignants en difficulté dans les quartiers sensibles

Cependant, malgré ce contexte difficile, les plus motivés d’entre eux continuent d’organiser, dans leur classe, des temps de dialogue et d’échanges, avec ces élèves, pour les aider à mûrir et à cheminer afin qu’ils ne restent pas prisonniers de leur dogme religieux. Toutefois, d’autres professionnels, moins aguerris ou traumatisés par l’assassinat de Samuel Paty, préfèrent, depuis ce drame, éviter les questions pouvant susciter des réactions violentes de la part de leurs élèves ou de leurs parents.

Il faut aussi prendre en compte que, le 16 octobre dernier, lors de l’hommage national à Dominique Bernard et à Samuel Paty, 183 signalements « d’une gravité particulière » ont été recensés par le Ministère de l’Education Nationale. Dans l’attente de leur passage en Conseil de discipline, une exclusion temporaire de ces perturbateurs a été prononcé, accompagnée d’une saisine du procureur de la République. Toutefois, beaucoup d’acteurs de terrain souhaiteraient que ces sanctions, évidemment nécessaires, ne conduisent pas à faire de ces élèves des martyrs de la cause islamiste susceptibles de récidiver suivant des modalités plus violentes.

Enfin il ne faut pas oublier que, dès les premiers jours qui ont suivi l’attaque barbare du Hamas, du 7 octobre, le Ministère de l’Intérieur a relevé une augmentation significative des actes antisémites alors que les bombardements israéliens sur Gaza n’avaient pas encore commencé…

Des jeunes en rupture en demande d’écoute et de reconnaissance

Malgré tout, d’après de nombreux témoignages émanant d’acteurs de terrain intervenant quotidiennement dans les quartiers sensibles (animateurs sociaux-culturels, médiateurs, éducateurs de rue, etc.) ces jeunes, qui ont fait sécession, demeurent très demandeurs, à l’école ou ailleurs, de moments de rencontre et d’échange sur de nombreux sujets en lien avec ce qu’ils vivent au quotidien, dont tous ceux se rapportant aux « religions ».

Assignés à un destin de français minoritaire, du fait de leur naissance au sein de familles venues d’ailleurs, il faut comprendre qu’ils doivent se construire une identité complexe qui inclue nécessairement une part de l’histoire familiale qui les a précédés. Une histoire que leurs parents, la plupart du temps, ne leur ont pas raconté et qu’ils peuvent alors facilement instrumentaliser, en se référant uniquement à la colonisation et à l’esclavage.

Gabriel Attal devrait relancer la Réserve Nationale de l’Education Nationale

Après les attentats de janvier 2015, à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cascher de la Porte de Vincennes, le Ministère de l’Education Nationale a créé une « Réserve citoyenne » pour offrir, à tous les citoyens, la possibilité de s‘engager bénévolement pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République à l’École, aux côtés des enseignants ou dans le cadre d’activités périscolaires.

Gabriel Attal devrait actualiser et relancer ce dispositif, en sommeil depuis plusieurs années, pour permettre le développement, au plan national, d’un véritable réseau d’animateurs bénévoles de vie personnelle et civique, disponibles pour animer des temps spécifiques de dialogue et d’échange avec ces jeunes en rupture. Au plan local, ces espaces de dialogue auraient vocation à être mis en place dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, au sein des établissements scolaires ou dans des lieux associatifs extérieurs.

Le rôle de ces animateurs de vie personnelle et civique, serait d’animer, bénévolement, des temps de rencontre et d’échange, sans tabou, avec les jeunes des quartiers ghettoïsés, sur les sujets qui les intéressent. Leur mission serait d’essayer de les faire progresser vers une meilleure compréhension du monde au-delà de leur espace de vie quotidien, généralement très restreint au plan géographique et fortement marqué, ethniquement et culturellement (« les blancs sont partis » et il n’y a plus de Jean-Pierre et de Françoise).

Ces animateurs, appelés à intervenir dans les territoires « perdus de la République/ gagnés par l’islamisme », ne sembleraient pas, a priori, devoir présenter un profil type. Ils pourraient être, mais pas nécessairement, des personnes, en activité ou en retraite, connaissant ou ayant eu à connaitre des problèmes rencontrés par les jeunes des quartiers sensibles.

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