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Comment abandonner les énergies fossiles et réduire le CO2 : pour des énergies renouvelables compétitives
©Reuters

Marché sous tension

Alors que le monde se réunit à Paris à l'occasion de la Conférence pour le climat, la Fondation Concorde s'interroge sur les avantages que présentent les différentes sources d'énergie. Quelle place pour les énergies renouvelables, dans un monde où plus d'un milliard d'habitants sont privés d'électricité, et comment rendre la France plus compétitive dans ce domaine ?

Fondation Concorde

Fondation Concorde

La Fondation Concorde est un think tank français fondé en 1997, présidé par Michel Rousseau (professeur associé à l'Université Paris-Dauphine). Tournée prioritairement vers les TPE/PME et l’industrie, elle a pour préoccupation permanente la compétitivité des entreprises et l'entrepreneuriat, tout en exigeant un Etat allégé et la réduction de la dépense publique.

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1. Sans énergie bon marché, pas de progrès humain.

Les principaux indicateurs de développement humain - mortalité infantile, pauvreté, santé, etc.- sont étroitement liés à la consommation d’énergie par habitant. Le rattrapage des pays en développement (à titre d’exemple, 1,2 milliard de personnes sont privées d’électricité dans le monde) nécessite un développement soutenu de la consommation d’énergie : il faudrait produire 16 fois plus d’énergie pour assurer à l’humanité le niveau de vie actuel des Etats-Unis.

2. L’électricité : l’énergie d’aujourd’hui et de demain

Une part croissante de l’énergie sera consommée sous forme d’électricité - 45% en 2035 contre 42% actuellement - d’abord du fait du rattrapage des pays émergents, mais aussi parce que l’électricité est un vecteur d’énergie qui permet de recourir à un mix d’énergies primaires évolutif et d’intégrer les productions d’énergies renouvelables. Mais aussi parce que l’électricité est l’énergie du numérique (7,4% de la consommation d’électricité en Suisse et 16% en Grande Bretagne) et de la robotisation.

Le prix de l’électricité constituera un déterminant majeur de la croissance économique.

Mais, à l’heure actuelle, la production d’électricité est l’activité la plus émettrice de C02 (elle représente 40% des émissions mondiales de CO2 fossile, loin devant les transports avec 22%) : du fait de l’utilisation du charbon, c’est également la première source de pollution de l’air avec de gigantesques conséquences sanitaires !

Selon l’OMS, sept millions de décès prématurés sont liés à la pollution de l’air chaque année.

En Asie, 3,3 millions de décès sont liés à la pollution intérieure des habitations, due au mode de cuisson et de chauffage au bois et charbon et 2,6 millions de décès sont liés à la pollution extérieure.

Comment abandonner les énergies fossiles et réduire le CO2 : Pour des énergies renouvelables compétitives 

En effet, l’énergie conditionne l’accès de la population mondiale aux ressources les plus indispensables :

- Près de la moitié de la population mondiale devra faire face à une pénurie d’eau en 2030 (Source : UN). Or l’eau, nécessite de l’énergie pour le pompage ou la désalinisation. 200 millions de personnes sont déjà alimentées grâce au dessalement de l’eau. En Inde, par exemple, 30,5% de l’électricité serait consommée pour la fourniture en eau douce.

- L’accroissement des besoins en nourriture sera de 13% en 2020, 35% en 2030 (Source : NIC). Là encore, l’augmentation de la production, requiert énergie et eau.

3. Le charbon, énergie la moins onéreuse mais la plus dangereuse pour l’homme

Une centrale électrique à charbon de 1000 MW rejette chaque année près de 300 000 tonnes de cendres, dont 400 tonnes de métaux lourds toxiques, arsenic, mercure, cadmium, dont 5 tonnes d’uranium 238 et 13 tonnes de thorium, 350 tonnes de suie et de particules fines qui s’échappent dans l’atmosphère. Et aussi 7,8 millions de tonnes de C02 et 10 000 tonnes d’oxyde d’azote (NOX). Ainsi, selon l’Université de Stuttgart, les centrales électriques au lignite et au charbon allemandes et polonaises provoqueraient 1000 décès par an en France.

Les métaux lourds issus de la combustion du charbon pour la production électrique constituent la principale source de contamination de la chaîne alimentaire : le mercure pour le poisson, le cadmium et le plomb pour les végétaux et par conséquence la viande et les produits laitiers. Cent vingt Etats ont conclu un accord de limitation de leurs émissions de mercure en janvier 2013, tant le risque sanitaire apparaissait majeur.

Source : étude réalisée par Pierre-Yves Morvan-Ameslon à partir des données de A Rabl et JV Spardor (les coûts externes de l’électricité) et de Bernard Durand (Energie et Environnement).

Le charbon est donc la première énergie à remplacer mais c’est aussi la moins chère. Or, il est prévu qu’elle devienne l’énergie la plus utilisée dans le monde dans les prochaines années.

4. Les énergies renouvelables peuvent-elles se substituer aux énergies fossiles ?

A court et moyen terme, la substitution rêvée des énergies renouvelables aux énergies fossiles en particulier au charbon se heurte à leur coût élevé et à leur intermittence impliquant des coûts d’intégration dans le système électrique très importants et qui croissent avec leur développement au point d’être supérieurs à leurs coûts de production !

Coût d’intégration des différentes énergies dans le système électrique en Allemagne selon leur part dans la production en euros par MWh:

Source OCDE

Le coût d’intégration de l’énergie photovoltaïque passe de 36€/MWh lorsqu’elle représente 10% de la production à 82€/MWh lorsqu’elle représente 30% de la production, contre moins d’un euro le MWh pour le charbon. Ce coût s’ajoute aux coûts de production de chaque énergie.

En 2014, les subventions à la production aux énergies renouvelables se sont élevées à 22,3 milliards d’euros en Allemagne, soit une subvention de 163€/MWh pour un prix de marché de 29€/MWh !

Plus les énergies renouvelables seront développées, plus il faudra mobiliser un stockage de longue durée sur plusieurs semaines ou plusieurs mois. Or, le coût du stockage est rédhibitoire à l’heure actuelle. A long terme, on peut cependant espérer des progrès technologiques importants dans le domaine du stockage de l’électricité, du photovoltaïque en couche mince et de la production d’hydrogène. Mais il faudrait que ces progrès soient gigantesques – cela paraît pour le moment hors de portée- pour aboutir au modèle "rifkinien" dans lequel la production serait entièrement décentralisée et autonome, régie par les individus ou les villes. Il paraît plus vraisemblable que l’on aille vers un mix d’installations de grande taille permettant d’alimenter de manière fiable les immenses zones urbaines complétées par des installations décentralisées, le réseau assurant une fonction de solidarité. Pour réduire la pollution atmosphérique, les grands pays en développement (Chine, Inde, Turquie) opteront pour partie pour des centrales nucléaires. On observe déjà cette tendance. En effet, le nucléaire n’émet pas de carbone et surtout pas de polluants atmosphériques.

5. Intensifier l’effort de recherche mondial sur les énergies renouvelables

"Développer une fourniture d’énergies renouvelables en base meilleur marché que l’électricité issue des combustibles fossiles" par des avancées technologiques et scientifiques. Tel est l’objectif que se fixe le "programme Apollo mondial pour combattre le changement climatique" élaboré entre autres par David King, ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique et Nicolas Stern, auteur du fameux rapport sur l’économie du changement climatique. Alors les énergies renouvelables évinceront naturellement les énergies fossiles grâce au mécanisme économique le plus efficient : le prix. C’est la seule manière réaliste de laisser les énergies fossiles et leur carbone sous terre !

Le programme Apollo souligne les effets pervers du développement actuel des énergies renouvelables par la subvention sur l’effort de recherche : la part de la recherche sur les énergies dans les dépenses de recherche publique est tombée de 11% dans les années 80 à 4% à l’heure actuelle. Les grands fabricants d’éoliennes et de photovoltaïque n’investissent que 2% de leur chiffre d’affaires dans la recherche contre 5% dans l’électronique et 15% dans la pharmacie.

Dans l’hypothèse d’un échec de ces développements technologiques (leur succès n’est pas garanti), le nucléaire demeurerait la seule alternative permettant de fournir à l’humanité une électricité propre dépourvue de C02. Une meilleure utilisation des ressources en uranium par des réacteurs à neutrons rapides permettrait en effet de multiplier par 100 la production d’énergie par ces mêmes réserves, ce qui multiplierait l’ensemble des réserves mondiales d’énergie par 6 toutes énergies confondues.

Par exemple, avec les seuls produits de retraitement des combustibles nucléaires, la France pourrait, à partir de réacteurs à neutrons rapides, produire de l’électricité au rythme actuel pendant 5000 ans.

6. La singularité française : un système électrique parmi les plus efficaces au monde

Le système électrique français est parmi les 3 plus efficaces au monde avec une production à la fois bon marché et décarbonée à 98% grâce au nucléaire, à l’hydraulique et aux renouvelables.

Cela lui permet d’avoir une des meilleures intensités carbone parmi les pays développés avec des émissions de CO2 de 5,7 tonnes par an par habitant contre 10 pour l’Allemagne.

Paradoxalement, les émissions de CO2 du système électrique français sont tellement minimes que le développement des énergies renouvelables sur notre territoire augmente les émissions de CO2. En effet, le solaire photovoltaïque émet beaucoup de C02 dans sa phase de fabrication : entre 60 et 150 g/KWh de CO2 selon le lieu de fabrication des panneaux. De plus, un développement important des énergies renouvelables nécessiterait de recourir en complément à davantage de centrales à gaz ou au charbon.

Autant pour la planète que pour son économie, la France a intérêt à tirer tout le bénéfice possible de son parc nucléaire en prolongeant sa durée de vie. A court terme, cette énergie nucléaire propre et décarbonée évite de développer massivement par la subvention des technologies renouvelables non matures avec des conséquences majeures sur le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité de nos entreprises et donc l’emploi !

Profitons des trois décennies de production électrique compétitive et sans carbone pour nous positionner par notre recherche sur les énergies de demain :

- Le stockage de l’énergie

- Des énergies renouvelables réellement compétitives

- Les réacteurs nucléaires de 4ème génération. La France qui a été leader dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides avec le réacteur Phénix (250 MW) et son successeur Superphénix (1200 MW), malheureusement arrêté par décision politique, a un rôle majeur à jouer.

Conclusions et propositions

1) Doubler en 5 ans l’effort de recherche français sur les énergies renouvelables, le stockage de l’électricité, production et stockage de l'hydrogène pour développer des productions d’énergies renouvelables meilleur marché que l’électricité issue des combustibles fossiles. Cet effort de recherche pourrait être financé par une CSPE réduite.

2) Mettre en place une coopération du CEA et du CNRS en matière de recherche avec les autres organismes de recherche mondiaux dans le cadre du programme APOLLO sous l'égide de l'AIE.

3) Prolonger la durée de vie du parc nucléaire afin de nous donner le temps et les ressources pour réaliser les avancées technologiques dans le stockage et les énergies renouvelables et mettre au point des réacteurs à neutrons rapides. Cela nous donnerait une avance considérable.

4) La France doit veiller à ce que les énergies renouvelables dont nous n’avons pas besoin pour réduire nos émissions de C02 ne viennent pas gonfler le prix du KWh d’électricité, qui reste un des derniers avantages comparatifs de notre pays. A la manière des Anglais, il faut stopper les subventions, en suspendant l’obligation d’achat des énergies renouvelables par EDF, et attendre qu’elles deviennent compétitives en les laissant se développer librement sur le marché. Demander à l’Allemagne de fermer ses centrales à charbon pour réduire les émissions de CO2, et cesser une pollution dramatique qui atteint parfois jusqu’à la région parisienne.

5) Fixer un prix-plancher de la tonne de CO2 à 30€ pour rendre les centrales électriques à gaz beaucoup moins émettrices de CO2 plus compétitives que les centrales à charbon.

En résumé, une nouvelle stratégie française de l’énergie pourrait se résumer comme suit :

  • - Aujourd’hui, le nucléaire ;
  • - Demain, les énergies renouvelables après les avoir rendues moins chères que les énergies fossiles par un très gros effort de recherche ;
  • - Un recours, le nucléaire de génération 4 qui permet de multiplier les réserves énergétiques mondiales par six.

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