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Cohn-Bendit football club : 
quand la gauche célèbre le sport-spectacle
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Mise au vert

Ce vendredi soir, Daniel Cohn-Bendit enfile une nouvelle fois son maillot de consultant pour commenter sur Canal+ Sport l’actualité… du foot ! L'époque où la gauche dénonçait le sport-spectacle semble bien loin...

Marion Fontaine

Marion Fontaine

Marion Fontaine est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université d’Avignon.

Spécialiste de l’histoire du monde ouvrier et de l’histoire sociale et politique du sport, elle a publié récemment Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires ». Essai d’histoire sociale (Les Indes Savantes, 2010).

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« Pas un crédit pour les stades où 50 000 spectateurs contemplent vingt ou trente acteurs, mais pour chaque piste ou village, la piste, la piscine, le terrain » : aux propositions de construction d’un « grand stade » pour la Coupe du monde de 1938, le célèbre socialiste Léo Lagrange opposa cette réponse abrupte. Les temps ont bien changé.

Lorsque Daniel Cohn-Bendit a annoncé qu’il endossait les habits de commentateur sportif sur Canal +, beaucoup ont spéculé sur un éventuel retrait politique du député européen des Verts. Personne en revanche ne s’est étonné de voir un homme de gauche participer aussi directement au spectacle du football. La métamorphose a pourtant de quoi laisser songeur. Est-elle seulement le fait du trublion des Verts ? Il est permis d’en douter.

Euro 2016 de foot : quand le sport-spectacle ne fait plus débat

Lorsque la France a obtenu au mois d’octobre dernier d’organiser l’Euro 2016, la satisfaction fut unanime, à droite comme à gauche, de Martine Aubry à Gérard Collomb jusqu’à Marie-Georges Buffet. Si l’acceptation par la gauche de l’économie de marché est restée jusqu’à aujourd’hui tourmentée et partielle, l’acceptation du sport-spectacle, elle, n’a guère fait débat, et encore moins problème, les communistes ayant même dans ce domaine un temps d’avance sur leurs adversaires socialistes. Il serait injuste d’en tenir rigueur aux uns et aux autres : face à l’envahissement du spectacle, le jansénisme sportif de Léo Lagrange était sans doute condamné. Mais il est intéressant d’en tenir compte.

« Bon » spectacle contre « mauvais » spectacle

Si la gauche, toutes forces confondues, argue toujours d’une approche spécifique en matière sportive, cette spécificité s’est déplacée. Certes, les discours valorisant l’éducation, la pratique de masse et les amateurs, demeurent. Néanmoins, la distinction s’opère plutôt ailleurs : d’un côté dans la valorisation du « bon » spectacle, encadré par les pouvoirs publics et porteur des valeurs humanistes, de l’autre dans la détestation du « mauvais » spectacle, représenté par les dérives diverses et variées du « sport-business ».

Cette distinction reste cependant fragile. Le spectacle sportif a, dès sa naissance, partie liée avec la culture de masse, c’est-à-dire la culture marchande : les « dérives » dénoncées, qui pour certaines ne sont pas neuves, relèvent aussi de caractères intrinsèques à ce spectacle.

Politique sportive : la gauche doit trancher

Faut-il alors considérer ce dernier comme irrécupérable, comme le prouve l’échec de toutes les tentatives militantes d’entre-deux-guerres pour en proposer une version vraiment alternative ? Etre de gauche implique-t-il d’être, dans ce domaine, libéral, de ne plus s’en mêler, à l’échelle locale comme à l’échelle nationale, et de se cantonner à la seule prise en charge de l’éducation sportive et des activités des amateurs ?

Une position aussi extrême est certainement intenable. Le fait qu’elle le soit ne dispense pourtant pas d’un effort de clarification touchant au rapport au spectacle et aux règles qu’il est possible, ou non, de lui apposer. A l’heure où l’Etat et les collectivités locales commencent à s’affairer en vue de l’Euro 2016, cette clarification apparaît indispensable : le sport aussi impose à la gauche de définir ce que peuvent être son identité et sa politique au XXIe siècle. 

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