Ci-gît le rêve américain (1945-2012)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les jeunes ne sont pas les tenants de cette tradition historique américaine selon laquelle l’Etat devrait laisser libre cours aux marchés.
Les jeunes ne sont pas les tenants de cette tradition historique américaine selon laquelle l’Etat devrait laisser libre cours aux marchés.
©

Generation Y

Depuis février 2009, le taux de chômage américain reste au dessus des 8%. Un niveau qui est encore plus élevé chez les jeunes de 16 à 24 ans, qui de facto ne connaissent pas la même Amérique que celle de leurs parents. La nouvelle génération d'Américains semble définitivement acter la fin du rêve américain.

Martin Michelot

Martin Michelot

Martin Michelot est depuis janvier 2012 Research and Program Coordinator au bureau de Paris du German Marshall Fund of the United States

Ses centres d’intérêt sont la politique étrangère américaine, les affaires stratégiques et géopolitiques, la politique intérieure américaine, les relations transatlantiques, et les études sur les think tanks.

Voir la bio »

A l’occasion de son discours sur l’état de l’Union en 2011, le président américain Barack Obama a qualifié la crise économique de « Sputnik moment of our generation » « l’instant Spoutnik de notre génération ». Le lancement réussi par l’URSS, en 1957, du premier satellite artificiel de la terre, avait ébranlé une supériorité américaine affirmée au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. C’est sur la base symbolique de ce grand questionnement national que fut bâtie la supériorité de la puissance américaine au cours du XXème siècle.

C’est pendant ces années de guerre froide que fut structuré le rêve américain tel qu’on le comprend encore aujourd’hui : quelle que soit son origine, la certitude de mener une vie prospère en retour de son dur labeur, « the place where you can make it if you try »,« l'endroit où la réussite est possible, à condition de le vouloir » (Barack Obama, 7 décembre 2011).

Aujourd’hui, la Great Recession/Grande Récession semble avoir fait envoler en éclats cette raison de vivre. L’instant Spoutnik que décrit Barack Obama en 2011 représente bel et bien, aux yeux des Américains, la montée en puissance de la Chine, et notamment la prospérité ouvertement affichée de sa classe moyenne, qui sonne comme un contraste des plus saisissants face aux difficultés auxquelles les Américains font face pour sortir de la crise.

Une importante étude menée par le Pew Reseach Center en date du 3 novembre dernier souligne que c’est la Génération Y – les 18 à 29 ans – qui a le plus sévèrement pâti de la crise économique. Dans une nation habituée à un taux de chômage aux alentours de 6%, le taux actuel de 8,2% fait tâche. Plus inquiétant encore, le taux de chômage des jeunes de 16 à 24 ans est de 16,5%, un chiffre à s’élève à 20,5% dans la communauté latino-américaine, et jusqu’à 30% pour la communauté afro-américaine. Ces chiffres accablants symbolisent-ils la fin du rêve américain, cet idéal de vie qui ne discrimine pas et qui a facilité l’intégration de successions de couches d’immigrés, attirés par la garantie d’une ascension sociale et d’une vie facile ?

Affirmer cela reviendrait à mettre de côté ces qualités si propres aux Américains : la résilience et la capacité à rebondir. Des grands conflits aux catastrophes naturelles, en passant les crises économiques, les Américains ont toujours su trouver des motifs d’espoir, confiants en la grandeur de leur Nation et la supériorité de leur modèle de vie. Or, ce que montre le débat sur la fin du rêve américain est que le modèle central de ce rêve n’a pas été adapté à la Génération Y.

Cette génération croit plus que jamais à la grandeur des Etats-Unis – les images de célébration dans les rues des grandes villes américaines après l’annonce de la mort de Ben Laden en sont une preuve flagrante - mais, contrairement aux Baby-Boomers, se définit comme très peu religieuse, ne s’oppose pas à l’immigration ou au mariage homosexuel, et surtout, croit à la centralité du rôle de l’Etat dans leurs vies. Les jeunes ne sont pas les tenants de cette tradition historique américaine selon laquelle l’Etat devrait laisser libre cours aux marchés ; au contraire, un sondage de décembre 2011 montre même que 49% des jeunes de la Génération Y connotent le mot « socialisme » de manière positive, contre 43% qui l’associent négativement.

Le mot « capitalisme » recueille lui 46% d’opinions positives et 47% d’opinion négatives. La Génération Y se retrouve donc beaucoup moins que ses prédécesseurs dans le rêve américain tel que défini de manière historique. Pendant ce temps-là, l’écart générationnel ne cesse de s’agrandir : les écarts de revenus entre les ménages où le chef de famille a moins de 35 ans et ceux où il en a plus de 65 ans n’ont jamais été aussi élevés. Ces contrastes saisissants définissent donc la Génération Y comme une génération à part, presque laissée pour compte et condamnée à payer les dettes contractées par la génération supérieure, le mouvement Occupy étant la partie émergée de l’iceberg du mécontentement de ces jeunes qui dénoncent les excès du rêve américain.

Ce constat ouvre une opportunité politique que les partis Démocrate et Républicain ne sauraient ignorer. La Génération Y est identifiée comme étant la plus progressiste de tous les temps : elle a grandi sous une période – la présidence de Bill Clinton - de prospérité économique importante, et a connu ses premiers émois politiques en s’opposant à la guerre en Irak et aux politiques privatives de liberté de l’administration George W. Bush.

La campagne des jeunes en faveur de Barack Obama en 2008 a été un facteur décisif dans la victoire de l’actuel président ; il n’y a donc aucune surprise à ce qu’aujourd’hui, son équipe de campagne s’attache tout particulièrement à remobiliser cette base qui peut insuffler un vent de dynamisme face au candidat sobre et si peu charismatique qu’est Mitt Romney.

Ces jeunes, qui ont systématiquement voté pour le Parti démocrate depuis 2000, sont une base à laquelle il doit s’attacher, puisqu’elle est la clé de ses futurs succès, tout comme le sont les deux principales communautés ethniques ; or, aujourd’hui, 41% de la génération Y est issue de ces communautés ethniques, un chiffre appelé à augmenter dans les années à venir. Il revient donc aux partis politiques de proposer une nouvelle version du rêve américain à cette génération qui représentera les Etats-Unis dans le futur.

L’histoire des Etats-Unis montre qu’il est toujours difficile de modifier les concepts sur lequel le pays a été bâti, mais il en va aujourd’hui de la préservation de la grandeur de la Nation américaine, celle qui s’est construite et renforcée autour des grands chocs de l’histoire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !