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Chute de 22% des commandes publiques en 3 ans : comment l’Etat a fait payer à l’investissement son refus de couper dans les dépenses de fonctionnement et pourquoi c’est grave
©Reuters

Faute politique

De 2012 à 2015, l'investissement public de l'Etat en France a fait les frais des politiques d'austérité et a connu une diminution de presque 10%. Une telle stratégie risque à court terme d'avoir des effets négatifs sur la croissance économique et de réduire la qualité des infrastructures publiques sur le long terme.

Paul Hubert

Paul Hubert

Paul Hubert est économiste au Département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

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Atlantico : Selon l’étude réalisée conjointement par l’Assemblée des communautés de France et la Caisse des dépôts et consignations, la commande publique aurait subi une baisse de 22 % entre 2012 à 2015. L'investissement public aurait-il servi de variable d'ajustement dans la bataille menée contre les déficits? Comment le justifier ?

Paul Hubert : Il convient tout d’abord de bien définir ce dont on parle. La commande publique est un terme générique relatif à l'ensemble des contrats passés par les personnes publiques et qui peuvent être ou non soumis au code des marchés publics. La commande publique ne correspond donc pas uniquement à de l’investissement public, qui a, lui, diminué de 9,6% sur la période considérée par le rapport mentionné plus haut. Les dépenses d’investissement (la formation brute de capital fixe selon le terme de la comptabilité française) des administrations publiques sont passées de 80 milliards d’euros en 2012 à 73 milliards en 2015.

Bien que la baisse soit plus faible que ce qu’annonce le rapport, on peut en effet considérer que l’investissement public a fait les frais des politiques d’austérité menées ces dernières années, ce type de dépenses étant bien plus facile à réduire que les dépenses de fonctionnement. On peut imaginer que ce mouvement va se poursuivre avec les baisses de dotations de l’Etat aux collectivités locales (qui représentent environ 75% des dépenses d’investissement public en France) à venir sur la période 2015-2017. Cette baisse de dotations sera d’environ 11 milliards d’euros, à comparer à la baisse de 7 milliards entre 2012 et 2015, et il est très probable que les collectivités locales réduisent leurs investissements plutôt que leurs dépenses de fonctionnement.

Quels sont risques à long terme d'une telle politique ?

Il n’y a pas que des risques à long terme : les dépenses d’investissement public ont des effets d’entrainement sur l’investissement privé, comme le montre une étude récente que nous avons mené avec Jérôme Creel et Francesco Saraceno (voir ici). D’autres études (résumées ici par Eric Heyer) ont aussi montré que l’effet multiplicateur (l’effet sur le PIB d’une hausse de la dépense publique) est très fort en bas de cycle comme c’est le cas aujourd’hui. Ces deux éléments suggèrent que baisser les dépenses d’investissement public dans la situation actuelle a d’importants effets négatifs sur la croissance française.

A long terme, le risque d’une telle politique est de réduire la qualité des infrastructures publiques, qui, en outre, constituent un des premiers avantages de la France pour attirer les entreprises étrangères selon l’AFII. On notera aussi que cette baisse des investissements publics n’est pas homogène dans l’espace, et pose question pour l’égalité des territoires.

Au regard du contexte actuel, entre taux zéro et manque d’investissement, en quoi une nouvelle approche serait souhaitable ? Une telle politique est-elle possible sans menacer la pérennité des comptes publics ?

Deux problèmes entravent les décisions en termes d’investissement public. Premièrement, les règles budgétaires européennes considèrent que l’investissement public est une dépense comme les autres et est donc soumis aux mêmes contraintes. Deuxièmement, l’héritage du Traité de Maastricht veut que la question des comptes publics ne soit traitée que du côté du passif, c’est-à-dire des dettes. Or, il conviendrait, comme pour les entreprises et les ménages, d’avoir un raisonnement patrimonial et de considérer chaque dette au regard de sa contrepartie en termes d’actif. Alors que le passif financier de l’Etat était de 130% du PIB en 2014 (ou 96% du PIB au sens de Maastricht pour des questions de périmètre), l’actif financier est de 57% et l’actif non financier de 90%. La valeur nette est donc positive.

Si le projet est rentable (et pas seulement en termes financiers, mais pour la société, en termes écologiques, etc) et que son coût est faible (les taux d’intérêt sur les dettes souveraines sont à des niveaux historiquement faibles aujourd’hui), alors il n’y a aucune raison de réduire l’investissement public aujourd’hui. Au contraire même.

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