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Sarkozy, le « petit Français de sang mêlé », qui jusqu’au bout a voulu croire à un miracle
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Chronique d'une défaite

Nicolas Sarkozy quitte l’Élysée : un revers cinglant pour cet « animal politique » habitué à vaincre, mis au tapis par un « président normal »… C’est ce dernier combat, sans doute le plus acharné, que retracent au jour le jour Arnaud Leparmentier et Stéphane Grand, qui ont suivi la campagne du président, de réunions en meetings. Extraits de "Nicolas Sarkozy : les coulisses d'une défaite" (1/2).

Arnaud Leparmentier et Stéphane Grand

Arnaud Leparmentier et Stéphane Grand

Arnaud Leparmentier est journaliste au Monde, attaché à l’Élysée.

Stéphane Grand, journaliste au service politique d’Europe 1, a suivi la campagne présidentielle du président candidat. 

Voir la bio »

Nicolas Sarkozy aura été le président d’un seul mandat. Comme Valéry Giscard d’Estaing, renvoyé par les Français le 10 mai 1981. Jusqu’au bout, le candidat UMP a voulu croire à un miracle. Seul. Les sondeurs et les commentateurs, tant de fois vilipendés, avaient bien discerné le rejet des Français. Dimanche 6 mai, à 20 heures, ce qui se susurrait sur la toile est confirmé sur les écrans de télévision : le socialiste François Hollande est élu président de la République. Après avoir fait la course en tête pendant des mois, il recueille 51,9 % des voix. À cinquante-sept ans, Nicolas Sarkozy quitte l’Élysée avec 48,1 %[1] des suffrages exprimés. Dès la fin de l'après-midi, Nicolas Sarkozy a convoqué sa plume, Henri Guaino, pour préparer le discours reconnaissant sa défaite. L'UMP, pressée de tourner la page, se lance dans la bataille des législatives.

Ainsi se scelle la défaite de celui qui prétendait incarner la majorité silencieuse. Un échec, au risque du déshonneur. Nicolas Sarkozy n’a cessé d’aller à droite, sans cesse plus à droite, pour siphonner les voix du Front national. Il a cru pouvoir réitérer sa tactique de 2007, celle qui l’avait conduit à radicaliser son discours, sur les conseils de Patrick Buisson, en inventant le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. La manœuvre avait permis de mettre François Bayrou hors jeu et de renvoyer Ségolène Royal à la posture traditionnelle de la gauche.

N’écoutant que son conseiller issu de la droite maurrassienne, Nicolas Sarkozy a donc viré à droite en février, voyant que son discours de janvier sur la compétitivité et l’Allemagne restait sans effet. Il a décidé de devenir le « candidat du peuple », contre « l’entre-soi des élites ». Tout fut bon, à celui qui s’était vu accuser d’être le président des riches, pour récupérer le vote populaire, au risque du populisme. Il a proposé d’user du référendum pour contourner les corps intermédiaires, à commencer par les syndicats. Il a proposé de diviser par deux l’immigration légale, sans expliquer comment. Pour flatter la France du « non », il a menacé de rétablir unilatéralement les frontières et de suspendre les accords de Schengen.

Dès le soir du 22 avril, c’est l’échec. Un double échec. Nicolas Sarkozy n’a pas réussi à virer en tête au premier tour – Giscard y était parvenu. Surtout, Marine Le Pen a réussi à battre le record de son père en 2002.

Alors, il s’est enferré. Au lieu de recentrer son discours en vue du second tour, celui qui se présentait en 2007 comme un « petit Français de sang mêlé » s’est avancé sans cesse plus loin sur les terres de l’extrême droite. Au point d’emprunter à Marine Le Pen le concept de présomption de légitime défense pour les policiers – autrement dit un « droit de tirer », dans le langage plus clair de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur. Au point d’afficher dans son clip de campagne, réalisé à la va-vite par son conseiller Patrick Buisson, un panneau de douane en arabe et en français. Et puis, il a inventé la fête du « vrai travail », récupération antisyndicale qui a vite suscité un malaise. Il s’est d’ailleurs ravisé, reniant cette expression. Ses proches se sont affligés, constatant qu’il n’entendait plus rien, n’écoutait plus personne, devenait plus véhément au fil de ses discours transformés en diatribes. Le léger sursaut républicain des derniers discours initié par Henri Guaino, la plume néogaulliste du candidat, n’a pas suffi.

Pour le centre, les bornes étaient franchies : François Bayrou a appelé à voter Hollande. Un entre-deux-tours où tout est permis ne permet pas d’inverser une tendance. Jacques Chirac n’y était pas mieux parvenu en 1988, distancé par François Mitterrand, chantre de la France unie : la libération des otages du Liban, l’assaut sanglant de la grotte d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, rien n’y avait fait.

Le débat avec François Hollande, où Nicolas Sarkozy est apparu agressif, n’a pas permis de miracle. Le président suscitait des superstitions, tant on l’annonçait fort dans le duel. Mais il est apparu démuni. Le candidat socialiste a pu débiter à quinze reprises, sans être interrompu : « Moi, président de la République…» Une anaphore qui lui a permis de faire, en creux, le procès de la pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy.

Car c’est aussi sur son style et sa stature présidentielle que ce dernier a échoué. La soirée au Fouquet’s au soir de son élection, la tentative de nomination de son fils Jean à la tête du quartier d’affaires de La Défense, ses écarts de conduite – du « casse-toi pauv’ con », proféré au Salon de l’agriculture, au téléphone portable pianoté lors d’une audience avec le pape Benoît XVI – ont abîmé l’image sacralisée que les Français, malgré tout, se font du chef de l’État.


[1] Estimation de l'institut Ipsos à 20 heures.

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Extrait de Nicolas Sarkozy : les coulisses d'une défaite, L'archipel ( 9 mai 2012 )

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