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Christophe Caresche : “Beaucoup d’électeurs de la primaire de gauche voulaient en réalité la disparition du Parti socialiste.”
©Reuters

Entretien politique

Une semaine après la victoire de Benoît Hamon face à Manuel Valls dans le cadre de la primaire de gauche, Christophe Caresche nous livre en exclusivité son analyse sur le candidat du PS pour 2017.

Christophe Caresche

Christophe Caresche

Christophe Caresche est député de Paris du 18e arrondissement, membre du Parti socialiste.

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Atlantico : Vous avez publié cette semaine une tribune dans Le Monde dans laquelle vous revendiquez un droit de retrait suite aux résultats de la primaire socialiste. Signée par plusieurs autres députés socialistes, vous soulignez l'incohérence qu'il y aurait pour ceux qui ont soutenu l'action du gouvernement de défendre un programme "conçu comme [une] antithèse". Est-ce que cette victoire de Benoît Hamon n'était pas un risque d'entrée de jeu ? En quoi votre démarche, au-delà de son fondement, remet-elle en cause le principe même d'une primaire ?

Christophe CarescheNous ne mettons pas en cause le principe de la primaire et encore moins son résultat. Mais il faut bien constater que celle-ci a été organisée dans des conditions très différentes de 2011. En 2011, le Parti socialiste avait imposé un cadre politique aux candidats en leur demandant de respecter le projet qu’il avait élaboré. Le Parti, miné par ses divisions internes, a été incapable de faire de même durant cette primaire, ni sur l’évaluation du bilan, ni sur les propositions. Cette absence de cadre collectif a abouti à une critique virulente de l’action gouvernementale, alors que tous y avaient pris part, et à la formulation de propositions qui n’avaient jamais été discutées dans le Parti ! A ma connaissance, le Parti socialiste n’a jamais organisé de réflexion sur le revenu universel d’existence ou sur le "49.3 citoyen". Ces mesures font parties aujourd’hui des propositions phare de son candidat ! En l’absence de "programme commun", la primaire s’est donc centrée sur un choix d’orientation politique et même idéologique qui appartenait au Parti. Ce choix a été tranché par des électeurs qui, pour beaucoup, combattent le Parti socialiste et veulent sa disparition. Sauf à adopter un électoralisme opportuniste, nous ne pouvons pas l’accepter. Nous ne pouvons pas renier l’action que nous avons menée, même si elle peut être critiquée, ni notre identité de parti réformiste.

Gilles Savary, signataire de la tribune, a d'ailleurs déclaré "en trois jours, on a changé de parti sans que jamais nos militants n’aient été consultés. On ne se retrouve pas dans le 49.3 citoyen de Hamon, qui fait droit à l’émotion populaire"... Qu'en pensez-vous ?

Dans les faits, c’est effectivement à un tournant politique et stratégique que nous assistons. Le programme de Benoît Hamon est en rupture sur de très nombreux points avec ce qu’a porté le Parti socialiste jusqu’ici, sur la conception du travail, sur le rôle des entreprises, sur le sérieux budgétaire, etc. Certains s’en réjouissent car ils y voient la possibilité de se délester d’un bilan devenu encombrant et de renouer avec une partie de la gauche. Certes, mais cette orientation entérine une forme de dérive protestataire et "mouvementiste" qui interdira au Parti socialiste d’accéder pour longtemps au pouvoir. C’est ce débat qui est posé à la social-démocratie en France mais aussi en Angleterre avec Jeremy Corbyn ou en Espagne avec Podemos dont Benoît Hamon dit s’inspirer. Le projet de fédérer les gauches contestatrices et anti-capitalistes sur une base économique ou écologique se fera au prix de l’abandon de notre capacité à exercer la responsabilité du pouvoir. 

Aujourd'hui, Benoît Hamon se rend à la cérémonie d'investiture du PS où sa candidature sera entérinée. L'ancien ministre de l'Education nationale vous a-t-il contacté depuis la publication de votre tribune ? A quelles réactions avez-vous fait face en interne ? Et de la part des militants socialistes ?

Benoît Hamon viendra devant le groupe socialiste de l’Assemblée nationale mardi prochain. Nous aurons donc la possibilité de discuter avec lui. D’ici là, nous serons très attentifs à son discours d’investiture dimanche. Je reçois autant de réactions pour me féliciter de la publication de notre tribune que de protestations. J’en déduis que les militants socialistes sont partagés en deux ! Beaucoup sont amers, car ils ne comprennent pas que ceux qui ont contesté violemment l’action gouvernementale durant ces dernières années - et ont pris part à l’échec - se retrouvent en situation de nous représenter. Soit ils partiront, soit ils ne participeront pas à la campagne. 

Benoît Hamon a fait plusieurs gestes d'ouverture à l'attention de Jean-Luc Mélenchon et des écologistes. Avez-vous le sentiment qu'il devrait en faire autant avec le pôle réformateur du Parti socialiste ? Qu'est-ce que cela traduit pour vous ?

Sans surprise, Benoît Hamon se tourne vers les écologistes et Jean-Luc Mélenchon. Il l’avait annoncé et c’est cohérent avec sa stratégie. Mais il est aussi le candidat du Parti socialiste, c’est-à-dire d’un parti pluraliste et de gouvernement qui exerce encore la responsabilité du pouvoir et qui a été fortement combattu par ceux vers qui Benoît Hamon se tourne. L’exercice n’est pas facile ! Mais je pense que Benoît Hamon aurait tort de s’enfermer dans un dialogue exclusif avec la "gauche radicale" sous peine de perdre la crédibilité indispensable à un candidat à l’élection présidentielle. Benoît Hamon doit impérativement donner plus de consistance à son projet qui reste imprécis et flou quant à sa mise en œuvre. Ce qui a fait son succès, une certaine capacité à ré-enchanter la gauche, peut se retourner contre lui si ses propositions apparaissent comme purement virtuelles. A cet impératif de sérieux s’ajoute la nécessité de rassembler son camp en commençant par le Parti socialiste.

Vous avez déclaré dans Le Télégramme cette semaine qu'il existait aujourd'hui une tentation Macron chez les députés réformateurs. Qu'est-ce qui pourrait leur faire franchir le pas ? Qu'en est-il de vous ?

Pour la première fois, depuis longtemps, existe dans notre pays la possibilité de l’émergence d’une force centrale. La radicalisation de la droite comme de la gauche avec les désignations de François Fillon et de Benoît Hamon ouvre cette perspective. Il y a donc place pour une force centrale, réformatrice, européenne et j’ajouterai, même si c’est parfois perçu négativement, modérée. A l’évidence Emmanuel Macron peut l’incarner et beaucoup sont tentés de le rejoindre au PS après le renoncement de François Hollande et l’élimination de Manuel Valls. Mais n’oublions pas que la menace de l’élection du Front national surplombe ces prochaines élections. L’effondrement de la candidature de François Fillon est très préoccupant de ce point de vue, et il se pourrait que le choix se résume, dès le premier tour, à la question de savoir quel sera le meilleur candidat pour battre Marine Le Pen. Les semaines qui viennent seront décisives. Pour ce qui me concerne, je parrainerai un candidat comme la loi m’en donne la faculté, mais mon choix n’est pas arrêté.

Vous affirmez d'ailleurs que Benoît Hamon n'a pas besoin de devenir social réformiste, mais qu'il doit avoir un programme plus crédible, notamment sur les mesures économiques et assumer en partie l'action économique de François Hollande. Qu'est-ce qui a pu manquer, selon vous, à cette action, au regard du taux de chômage supérieur à 10% que connaît le pays ? Crédibiliser son programme, cela reviendrait-il à revenir sur sa disposition phare, le revenu universel ?

Ce n’est pas parce que nous avons trahi nos engagements que nous avons connu des difficultés, mais parce qu'une partie de la majorité n’a pas assumé la politique menée. Ce que nous reprochent les Français, ce n’est pas seulement l’insuffisance des résultats, c’est aussi nos divisions et notre incapacité à gouverner de manière ordonnée et efficace. Je ne crois pas que l’orientation économique et sociale de ce quinquennat soit condamnée par les Français. Sinon comment expliquer le succès d’Emmanuel Macron ? Ce serait une erreur de croire qu’une candidature socialiste pourrait prospérer sur le reniement de ce que nous avons accompli. 

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