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Chômage : Emmanuel Macron se donne 18 à 24 mois pour obtenir des résultats d’ampleur. Voilà pourquoi on peut sérieusement en douter
©ERIC PIERMONT / AFP

Promesses

Parmi les quatre grandes préoccupations des Français – chômage, insécurité, pouvoir d'achat, immigration – le sous-emploi de masse est un sujet fondamental. C'est une évidence durable.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Fort logiquement, il faut donc se réjouir des chiffres de novembre qui, selon Pôle Emploi, traduisent un reflux de 29.500 personnes en métropole soit une baisse de – 0,8%. Pour l'heure, ce n'est évidemment pas la politique du nouveau gouvernement qui est à l'origine de ce recul mais bien davantage le niveau de croissance qui parcourt toute l'Europe. Au-delà de 1,6%, la France confirme la loi d'Okun qui établit un lien entre chômage et croissance. (  https://www.andlil.com/la-loi-dokun-6078.html      ).

Dans la mesure où le taux de croissance pour 2017 va tangenter les 2,0%, il est clair que le chômage va baisser sous deux bémols. Premièrement, l'économie va certes créer environ 250.000 emplois en chiffre brut avant imputation de l'arrivée d'une nouvelle classe d'âge ( soit 130.000 personnes ) ce qui aboutira à un nombre de créations nettes d'emplois de 120.000 par an dans la meilleure des hypothèses. D'ici à 2022, en supposant la croissance autour de 2% par an, le chômage baisserait de 700.000 unités en intégrant les évolutions démographiques.

A ce rythme, la promesse du candidat Macron de ramener le chômage sous la barre des 7% en 2022 ne sera donc pas concrétisée. Le président Macron avait énoncé, lors de son entretien du 15 octobre sur TF1 une phrase désormais célèbre : " On ne juge pas l'action d'un président de la République simplement à un indicateur ". Oui mais voilà, l'attente populaire l'emporte sur la seule volonté présidentielle affichée.

Devant le risque politique de l'impatience citoyenne, Emmanuel Macron a été contraint de corriger le tir et a indiqué que " des résultats significatifs se verront au bout de 18 à 24 mois ".

Cet horizon est effectivement crédible en termes économiques mais illusoire en terme de baisse du chômage qui ne dépassera pas 300.000 personnes soit 10% des chômeurs de catégorie A mais moins de 5% des près de 6 millions de personnes ( 5.919.200 ) qui forment les catégories A, B et C des inscrits de Pôle Emploi.

Il y aura donc du mieux mais pas dans la proportion escomptée par le Chef de l'Etat. Loin s'en faut. D'autant plus qu'il convient d'intégrer au raisonnement la notion de " halo " du chômage.Défini par l'INSEE  (https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1415  ), ce concept doit voir sa définition lue attentivement.

"La définition et la mesure du chômage est complexe et extrêmement sensible aux critères retenus. En effet, les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir (exemple d'un étudiant qui travaille quelques heures par semaine...). Le Bureau international du travail (BIT) a cependant fourni une définition stricte du chômage, mais qui ignore certaines interactions qu'il peut y avoir avec l'emploi (travail occasionnel, sous-emploi), ou avec l'inactivité : en effet, certaines personnes souhaitent travailler mais sont « classées » comme inactives, soit parce qu'elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines), soit parce qu'elles ne recherchent pas activement un emploi.

Ces personnes forment ce qu'on appelle un « halo » autour du chômage. "

Certains recoupements d'antennes de Pôle emploi et une étude INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/2122738?sommaire=2122750   ) estiment que le " halo " du chômage frôlerait les 800.000 personnes en ce moment ce qui nuance, hélas, certains discours excessivement optimistes.

Le paradoxe du halo du chômage, c'est qu'il révèle en fait un flux de personnes qui reprennent espoir en cas d'embellie de l'emploi et qui se remettent en situation de recherche d'emploi.

Le président Macron, instruit des consignes et dogmes de Bruxelles est convaincu qu'un scénario de rupture positive va se produire du fait des réformes structurelles que représentent les ordonnances Pénicaud. A voir…

En revanche, il aurait été plus avisé de lancer de manière plus précoce le chantier de la réforme de la formation professionnelle. Le nombre de secteurs actuellement en tension ( métiers de bouche, bâtiment, etc ) confirme que près de 350.000 offres d'emplois ne sont pas pourvues ce qui va proprement bien au-delà des chiffres du chômage frictionnel.

C'est aussi sur cet écueil que la politique Macron va se décharner car son initiateur semble avoir omis qu'il faut plus de deux ans pour réorienter environ 500.000 chômeurs sans même évoquer les reconversions des personnes en situation d'emploi du fait de la digitalisation de l'économie.

Preuve que la France est bien un pays où le chômage de masse est profondément incrusté : la durée moyenne au chômage est une des plus élevées d'Europe. La durée de présence auprès de Pôle Emploi est désormais de 595 jours (580 jours en 2016 ) et près d'un chômeur sur deux est inscrit depuis plus d'un an.

Pour qu'Emmanuel Macron puisse réussir, il lui faudra une conjonction de quatre éléments : une croissance vigoureuse et vertueuse, un big-bang de l'appareil de formation et de ses multiples canaux d'efficacité actuellement incertaine (encore un dispositif imparfait hérité de la loi Sapin Hollande de mars 2014 ), un halo du chômage raisonnable et une adéquation aux besoins de la nouvelle économie.

Ces quatre éléments dont l'interaction est mal connue des économistes ne semble pas à la portée du dirigeant de notre pays car l'inertie sociétale et l'hystérésis économique (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hystérésis/41296) seront de puissants facteurs négatifs face à la seule volonté politique, fût-elle d'inspiration jupitérienne.

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