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Choisir la France, c'est renoncer à Marine Le Pen
©Eric CABANIS / AFP

Tribune

Ce n'est pas pour autant qu'il faut adhérer au programme d'Emmanuel Macron : la droite doit proposer le projet volontariste dont la France a besoin. Mais la première étape est donc de ne pas voter pour Marine Le Pen au second tour.

Nora Berra

Nora Berra

Nora Berra est une femme politique, députée européenne de la circonscription Sud-Est, Secrétaire d'Etat à la Santé.

Elle est aussi médecin.

 

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Pourquoi notre pays est-il tant aimé par tant de citoyens du monde, respecté et écouté sur l’arène international et parfois même source d’inspiration pour nos voisins les plus proches et pour le reste du monde ? C’est parce que la France est la mère patrie de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, trois devises fondatrices de sa République et inscrites sur ses frontons depuis voilà plus de deux siècles. Trois devises reprises hier et encore aujourd’hui par d’autres nations dans le monde. La République, harcelée, malmenée ou déviée parfois de ses valeurs fondatrices par ses ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur, s’est sans cesse élevée à la hauteur des enjeux du contexte et du mythe qu’elle incarnait.

Si le clivage droite-gauche structure depuis longtemps le débat et les alternances politiques en France, il est absurde de réduire la République et la France à ce clivage. Car, depuis sa fondation, la République a toujours été ce bien commun de tous les Français, un bien partagé aussi avec ceux venus d’ailleurs qu’elle accueille et qu’elle intègre dans son creuset. Pour nous tous, quelles que soient nos origines sociales et culturelles ou celles de nos parents, la République est ce lieu pacifique, démocratique et fraternel qui nous unit, nous protège et nous trace un avenir commun. Depuis sa fondation, la République n’a eu de cesse d’être vigilante et pédagogue, de se défendre contre ses ennemis, de refuser les compromissions infâmes de certains et de combattre les mouvements extrémistes, sur sa gauche comme sur sa droite.

Les Français ont donné lors du premier tour de l’élection présidentielle un grand coup de pied dans la fourmilière, éjectant du second tour les deux grands partis, Les Républicains et le Parti socialiste, qui polarisaient le champ politique et qui gouvernent la France en alternance depuis plus de cinquante ans. Presque la moitié des Français a voté pour les partis extrêmes de tous bords, rejetant ainsi la continuité du vieux « bipartisme français », fondé sur un clivage droite-gauche devenu suranné et usé par tant de promesses non tenues et d’incapacités à répondre aux défis auxquels est confronté notre pays depuis quarante ans. 

Oui, nous n’avons pas su ou pu répondre aux difficultés des Français et de tous ceux qui vivent en France. Ceux qui souffrent de la crise économique, de l’impact d’une mondialisation mal préparée et mal gérée, des failles des règles de concurrence et de solidarité dans l’espace européen, de la perte de vitesse de notre outil industriel et agricole, du chômage, de la précarité, des discriminations, des inégalités sociales et de la relégation territoriale. Nous n’avons pas su répondre non plus à ceux qui n’ont pas encore été touchés mais qui ont peur de perdre leur emploi, leur métier, leur outil de travail, leurs revenus ou leur patrimoine, peur d’être déclassés, peur pour leur avenir et celui de leurs enfants. Jamais les Français ne se sont sentis si vulnérables et pessimistes sur leur avenir, si exaspérés et révoltés contre l’impuissance des politiques à répondre à leurs attentes et aux défis du temps. Jamais les Français n’ont paru si tentés par les égoïsmes individuels et catégoriels, si manipulables par les extrêmes qui exploitent leurs peurs, exacerbent leurs frustrations et leur font miroiter de faux espoirs. 

Je refuse d’agiter comme certains le chiffon rouge du « chaos », des « ténèbres », du « cataclysme », de la pluie de grenouilles ou des rivières de sang qu’induirait l’élection de Marine Le Pen à la tête de l’État. Je refuse aussi de céder à la facilité de convoquer les mémoires encore douloureuses des moments les plus tragiques de notre histoire et qui doivent rester vivaces et des repères essentiels pour les générations les plus jeunes. Certes, pour beaucoup de Français, le choix est cornélien entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. La première leur promet monts et merveilles, mais les amènera droit au mur à cause de ses choix politiques aussi erronés que démagogiques ; elle fera sombrer et l’Europe et la France avec ! Le second ne correspond pas à leur volonté de rupture car il ne peut s’exonérer des choix et des échecs du gouvernement de François Hollande dont il a été le conseiller, le secrétaire général et le ministre.

Mais, consciente des défis majeurs de notre pays, en accord avec mes valeurs et assumant pleinement mes positions politiques ancrées dans la droite républicaine, je ne voudrais pas risquer de porter à la fonction suprême une candidate d’un parti extrême qui a tout le temps œuvré contre les valeurs de notre République. Un parti qui prône la discrimination contre les immigrés installés en France légalement et depuis des décennies, qui attise la haine, la xénophobie et la violence dans nos quartiers et nos rues. Un parti qui veut revenir sur la prise en charge de l’avortement par la Sécurité sociale, sur la reconnaissance du mariage entre couples de même sexe, sur le droit du sol pour l’accès à la citoyenneté française, qui est notre A.D.N., et qui fait notre richesse, et qui a inspiré et inspire encore de nombreux pays en Europe et ailleurs. Bref, un parti qui a pour seule ambition pour les Français épris de liberté, d’égalité et de fraternité, d’organiser la régression de leurs droits, de les enfermer dans des frontières nationales aussi fictives que factices dans un monde liquide, ouvert et créatif. Un parti qui ruinera à coup sûr notre économie, nos entreprises et nos emplois dans tous les secteurs : industrie, agriculture, services… et tant d’autres.

Car qui peut croire encore qu’ériger des barrières protectionnistes suffira à nous protéger contre la concurrence internationale ? N’est-ce pas l’effet inverse qu’il faudrait craindre, car en provoquant les mêmes comportements chez nos partenaires commerciaux, nous perdrions aussi nos exportations chez ces mêmes pays, et pire encore, car à ce jeu-là, c’est tout le commerce international qui se réduirait en peau de chagrin alors même qu’il reste encore le levier principal qui tire notre économie et celles de nos partenaires. Taxer les produits importés ne protège pas contre la concurrence, car pour certains biens et services, il n’existe pas d’offres françaises ou de qualité équivalente, en outre, c’est immanquablement réduire d’autant le pouvoir d’achat des Français. Un parti qui voudrait les enfermer dans une vision étriquée et appauvrissante d’eux-mêmes et de la France, notre si beau pays, de notre avenir et notre place en Europe et dans le monde.

Alors oui, pour toutes ces raisons, essentielles à mes yeux, aux côtés de tous les Français qui ne veulent pas de ce programme régressif, liberticide, autoritaire et en rupture avec notre ancrage dans une Europe de progrès, ouverte et solidaire, je ferai barrage à Marine Le Pen en votant Emmanuel Macron, position que j’ai prise dès l’annonce des résultats à 20 heures le soir du premier tour. 

Pour autant, ce n’est pas une adhésion au programme d’Emmanuel Macron, car seul le programme de la droite et du centre est à même de proposer aux Français un projet volontariste et ambitieux, un projet de gouvernement incarnant l’alternance politique que les Français appellent de leurs vœux.

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