Chasseurs de terroristes à domicile : ces amateurs qui traquent (efficacement) les califoutraques islamiques sur le Web<!-- --> | Atlantico.fr
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Des amateurs traquent les terroristes sur Internet.
Des amateurs traquent les terroristes sur Internet.
©Reuters

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Les services de renseignement sont parfois dépassés par les événements, comme l'a montré la fulgurante ascension de l'Etat islamique que personne n'a vue venir, à l'exception de quelques paisibles citoyens américains ou sujets britanniques tranquillement installés derrière leur écran d'ordinateur.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Dans quelques années, les historiens expliqueront sans doute comment le groupe État en Irak et au Levant considéré longtemps comme ultra-dur mais marginal est devenu le pire problème géopolitique du temps, et comment en dépit de milliards de dollars de surveillance et de milliers de cerveaux d'analystes, il a fallu la prise de Mossoul en juin dernier pour que l'opinion s'alarme vraiment. Faillite du renseignement ou inconscience des décideurs, au bout de treize ans de guerre planétaire au terrorisme, notre problème semble toujours l'anticipation et la lecture des signaux de grands retournements.

Dans cette faille commence à prospérer une nouvelle forme d'"experts", des veilleurs "privés"sur la Toile plutôt que les chercheurs sur l'islamisme soutenus par leur institution ou leur think tank. Récemment, le Boston Globe mettait en vedette deux "chasseurs de jihadistes" derrière leur écran : un journaliste de Cambridge (J.M. Berger qui est aussi édité) et un étudiant de Washington (responsable de Jihadilogy.net). Peut-on comprendre en chambre, en ligne et en utilisant ses petites cellules grises ? Même si la mobilisation des réseaux sociaux peut donner lieu à des bavures (comme celle des internautes désignant un faux coupable des attentats du marathon de Boston, trompés par une ressemblance) ? Et même si l'auteur de ces lignes travaillant pour un think tank reconnu, l'Iris, n'a pas intérêt à reconnaître cette concurrence ? La réponse est : ce n'est pas totalement faux.

Cela non pas parce qu'Internet met toutes les informations du monde à notre disposition ou parce que l'intelligence collective s'y épanouit  comme on le lit souvent. Mais parce que "les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire" (*). Ce qui était vrai du temps des nihilistes ou de la bande à Baader, l'est cent fois plus avec le Jihadisme. Un terroriste ne se contente pas de tuer  - un acte hautement signifiant et symbolique à ses yeux -  il envoie un message. Il doit aussi dire pourquoi il tue (justification doctrinale, ici théologique), qui il va tuer avec qui et contre qui (pour paralyser de peur le camp adverse et mobiliser le sien), comment il va tuer davantage et combien ce sera efficace (pour rallier à son action des musulmans tentés par le projet d'exercer une immense vengeance historique contre les "ennemis de Dieu" et de gagner enfin un État). Ajoutons que les jihadistes aiment montrer à quoi cela ressemble quand ils tuent, les images les plus horribles étant à leurs yeux les plus pédagogiques.

Il serait absurde de nier l'importance du renseignement humain sur le terrain ou de la connaissance académique. Il serait imprudent de ne pas vérifier les sources voire les objectifs idéologiques de ceux qui nous informent si aimablement. Mais il serait dommage de se priver de la connaissance que peuvent nous apporter ceux qui vont à la meilleure source disponible : l'abondante discours jihadiste sur le jihad.

* Alain Bauer et F.B. Huyghe "Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire" P.U.F., 2010

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