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Chacun cherche son roi
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Alors que les "révolutions arabes" se sont multipliées ces dernières semaines et que pointe la menace d'une nouvelle "crise pétrolière", en Arabie Saoudite - premier pays producteur de pétrole au monde - la question n'est pas de renverser le roi, mais plutôt d'en trouver un. Le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est vieux et malade, tout comme ses successeurs au trône. Maître de conférence à Sciences Po, Stéphane Lacroix répond à Atlantico pour tenter d'y voir plus clair.

Stéphane Lacroix

Stéphane Lacroix

Stéphane Lacroix est maître de conférences à Sciences Po.

Il a enseigné dans différentes universités étrangères, notamment à Stanford (Etats-Unis).

Son dernier ouvrage s'intitule Les islamistes saoudiens. Une insurrection manquée (Presses Universitaires de France, 2010).

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Quelle est la situation actuelle à la tête du pouvoir en Arabie Saoudite ?

A 87 ans, le roi Abdallah 1er qui dirige le pays est malade. Il ne s’agit pas d’une grave maladie, il a des problèmes de dos et est donc handicapé dans ses mouvements. Le prince héritier Sultan et le second prince héritier (de facto) Nayef sont malades également, mais eux plus gravement (le premier prince héritier a un cancer). Nous ne savons pas tout car ce genre d’informations reste secret.

Comme fonctionne le système de renouvellement du pouvoir ?

Le pouvoir est transmis de frère à frère parmi les fils du roi fondateur Abdelaziz Al Saoud (1876-1953), en privilégiant le plus âgé. Parfois on « saute » un prince, s’il n’est pas investi dans la vie publique ou s’il a « fauté » (c’est le cas du prince « rouge » Talal, qui était parti rejoindre Nasser au Caire au début des années 1960). Les deux princes héritiers ont 78 et 83 ans. Le plus jeune des frères de la fratrie encore vivant s’appelle Muqrin. Il a 65 ans, et dirige les renseignements saoudiens.

Chaque désignation du roi se fait par consensus au sein de la famille. La famille est l’entité régnante en Arabie Saoudite. Le roi n’est de fait pas un monarque absolu : si un prince n’est pas jugé apte à régner par la famille, il est écarté et en général il accepte la décision.

En pratique, le conseil de famille se réunit régulièrement et c’est en son sein que sont prises les décisions politiques du pays. Si les décisions du roi ne sont pas validées par ses frères, il ne cherchera pas aller contre eux. Il y a eu de rares cas par le passé de frères qui se sont battus pour le pouvoir, comme Saoud et Faysal au début des années 1960. Mais c’est l’exception plutôt que la règle.

Quel rôle peut jouer le conseil de famille dans le contexte actuel ?

Le conseil de famille a une fonction essentielle : maintenir l’unité de la famille pour éviter qu’un membre de la famille ne se sente isolé et se retourne contre l’ensemble. Jusqu’en 2006, ce conseil n’était pas formalisé. En 2006, a été créé un conseil d’allégeance où l’ensemble des branches de la famille sont représentées. Des textes de loi régissent ce conseil et un bilan médical positif est nécessaire pour nommer le roi. Il est donc théoriquement possible d’éliminer un prétendant au trône pour des raisons de santé, ce qui est important alors que les principaux prétendants au trône sont âgés ou malades.

Les 36 fils du roi fondateur Abdelaziz – ou à défaut, lorsqu’ils sont décédés, l’un de leurs descendants – sont représentées au sein de ce conseil d’allégeance, chargé de décider de la succession du roi. Problème : en 2006, ce conseil s’est abstenu de nommer un second prince héritier. Le prince Nayef n’a été nommé second vice-Premier ministre – ce qui fait de lui de facto le second prince héritier – qu’en 2009, sans passer par le conseil d’allégeance, ce qui tendrait à prouver que les équilibres politiques de la famille royale continuent à se dessiner « en coulisse », de manière informelle, plutôt que dans ce conseil.

Et si le roi décède prochainement que va-t-il se passer ?

A court terme, il existe encore suffisamment de frères en âge de régner. Prenons par exemple le prince Salman, qui a 72 ans, ce qui fait 15 ans de moins que le roi actuel : il est donc relativement jeune pour la famille royale saoudienne, et est en bonne santé. Il est gouverneur de la capitale, Riyad, et reste très influent. Beaucoup d’observateurs considèrent qu’il règnera un jour.

A plus long terme, les mécanismes des passages à la génération suivante n’ont pas été réellement formalisés, hormis une mention de principe dans la loi fondamentale de 1992. Donc on peut se demander ce qu’il adviendra lorsque cette fratrie finira par s’éteindre.

Si les fils d’Abdelaziz sont au nombre de 36, la génération suivante, composée de leurs enfants, compte plusieurs centaines de princes. Tous pourraient en théorie prétendre au trône. Aussi, l’échéance du  passage de flambeau générationnel approchant, chacun des princes de première génération va vouloir placer ses pions pour peser sur la succession en favorisant ses enfants. Il pourrait s’en suivre des querelles. En tout état de cause, en effet, tous savent qu’une branche finira par l’emporter. C’est donc pour eux une question de quasi-survie politique.

(épisode 1 / 2 - Demain : peut-il y avoir prochainement une "révolution" en Arabie Saoudite)

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