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Cette révolution de la fiscalité du patrimoine que la droite aurait tout intérêt à proposer pour la France
©Martin BUREAU / AFP

Droits de succession

L’exonération des droits de succession proposée par Valérie Pécresse comme par plusieurs autres candidats passe largement à côté des défis posés par les question.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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S’il est un sujet pour lequel la ligne de partage entre droite et gauche devrait être claire, c’est bien la fiscalité du patrimoine. Mais si tous les candidats de gauche affirment vouloir taxer plus lourdement les hauts patrimoines, ils rejoignent curieusement ceux de droite pour exonérer les petites et moyennes successions, en-dessous de certains seuils : 118.000 euros pour le PCF, 200.000 euros pour EELV et LR, 300.000 euros pour Marine Le Pen et Anne Hidalgo… Cette dernière, comme Valérie Pécresse, énonce que 95% des français ne paieront aucun impôt sur les successions. 

A l’évidence, tous les candidats ont compris que cette forme de prélèvement ne fait pas recette… politique, car en France comme ailleurs, chacun souhaite léguer le fruit de sa vie de labeur à ses proches sans hold-up fiscal. Ainsi, dans le concours de démagogie qu’est devenue l’élection présidentielle, les programmes sont brouillés, la gauche et les populistes s’inscrivant sans vergogne dans une surenchère de générosité sur un terrain traditionnel de la droite. 

Renverser la table pour clarifier le débat

Comment être audible dans cette cacophonie démagogique ? Lorsque Jean-Luc Mélenchon déclare « au-dessus de 12 millions de patrimoine légué, je prends tout », il est compréhensible. La spoliation des hauts patrimoines qu’il annonce est évidemment un désastre économique, faisant fuir les familles aisées qui détiennent une bonne partie de nos entreprises, mais politiquement il parle à ses électeurs. 

En attendant la proposition « en-même-temps » d’Emmanuel Macron sur le sujet, Valérie Pécresse peine à se différencier. Peut-être pourrait-elle assumer plus directement l’opposition de sa famille politique à un impôt impopulaire, inéquitable, désastreux économiquement ? 

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Faut-il rappeler qu’une quinzaine de pays a tout bonnement supprimé la fiscalité sur les successions, dont la Suède, l’Autriche, le Portugal, le Mexique, la Nouvelle-Zélande ou Israël ? Le « modèle social » suédois est impressionnant : alors que ses droits de successions étaient autrefois les plus élevés au monde, les gouvernement successifs les ont diminués en constatant leur nocivité, jusqu’à les annuler en 2019. 

Pourquoi la France ne prendrait-elle pas la même direction, afin de faciliter à tout moment la transmission du patrimoine vers les ménages qui en ont le meilleur usage, généralement dans les générations suivantes ? 

La taca-taca-taca-tac-tactique du percepteur

Paraphrasant le gendarme de Bourvil, remarquons que la plupart de nos impôts ont pour assiette une transaction : achat de consommation ou d’immobilier, perception de salaire ou d’autres revenus... En très court : le fisc taxe tout ce qui bouge ! Le décès ne fait pas exception : alors que la famille pleure le défunt, le notaire calcule le pourcentage que le fisc prélèvera à l’occasion de ce changement de propriétaire. 

Comprenons que cette « facilité transactionnelle » n’a pas de légitimité particulière. D’autres logiques sont supérieures. En premier lieu, la paisible détention patrimoniale est un privilège aussi exorbitant que discret. 

La France est dans une situation peu pragmatique à cet égard, marquée par le dernier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé… ». La comparaison de ce « droit sacré » avec la formulation internationale de 1948, très raisonnable, est nette : « Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ».

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C’est ainsi que le droit français partage une vision de la propriété privée qui relève plus du mythe que de la raison. Le registre « sacré » de la formulation française invite à vérifier ce qu’en dit l’Eglise catholique : depuis au moins 15 siècles, la propriété privée est subordonnée au principe de « destination universelle des biens ». Jean-Jacques Rousseau ne disait pas autre chose. Un esprit critique minimal invite donc à examiner ce que notre système fiscal exige comme contrepartie à la propriété privée : essentiellement la taxe foncière. C’est assez léger et très inéquitable quand on examine soigneusement son mode de calcul et sa variabilité géographique. Il y a là une quasi-friche fiscale à travailler ! 

C’est ce que font les économistes Alain Trannoy et Etienne Wasmer avec un livre récent : « Le grand retour de la terre dans les patrimoines », en proposant de taxer la valeur du foncier plutôt que les transactions. J’ai également développé l’idée d’un « Impôt sur le capital immobilier (ICI) » ou d’une « redevance unique sur la patrimoine (RUP) » selon le même principe. 

En constatant que le taux réel de la taxe foncière – par rapport à la valeur réelle des biens immobiliers détenus – évolue entre 0,05 % et presque 1 % par an, le calcul est simple : il serait possible de remplacer une taxe foncière obsolète depuis 1970 par un prélèvement simple au taux unique de 0,5 % ou 0,6 % par an, dont la recette se comptant en dizaines de milliards permettrait de se débarrasser des vieux impôts inéquitables et inefficaces. Finis les droits de mutation, les frais de successions et d’autres prélèvements nocifs pour le dynamisme de notre pays. 

Des propositions fortes pour réenchanter la politique

Le désamour des français pour la politique est réel et inquiétant. Ce n’est sans doute pas la « primaire populaire » qui changera quoi que ce soit à cette ambiance anti-démocratique. Lorsqu’on constate que les propositions de tous les candidats sont suffisamment proches pour être confondues, de l’extrême droite au centre et à l’extrême-gauche, il devient difficile de motiver le peuple à s’emparer du débat.

C’est pourquoi j’invite les candidats à rivaliser d’audace en proposant de véritables ruptures à leurs électorats. Supprimer totalement la fiscalité sur les successions et les transactions immobilières, en les remplaçant par une taxe foncière rénovée et efficace serait un programme de centre-droit ambitieux et clivant. Après le précédent de la suppression d’une taxe d’habitation obsolète, nous savons que ce projet est réaliste. 

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